Pensée de Maurice Zundel n°4. Quand l'homme découvre Dieu.
La plupart des vies, malheureusement sont des cadavres d'humanité...la plupart des hommes sont portés par leur biologie au lieu de la porter. Ils meurent avant de vivre... C'est pourquoi le vrai ;problème n'est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais bien si nous serons vivants avant la mort.
On ne se possède qu'en se donnant,
on ne se sauve qu'en consentant à se perdre.
L'être est à la mesure du don.
Alors glissa
Parmi les feuilles sans bruit un petit bruit
Né du soupir même que le silence exhale.
Comment suggérer mieux la muette polyphonie du silence et sa présence comme de quelqu’un qui se murmure en vous ? (Hymne à la joie, p. 23).
Il ne s'agit pas de se défendre contre des forces hostiles que l'on n'arrive pas à apprivoiser, il ne s'agit pas d'impuissance et d'ignorance, il s'agit de plénitude de la vie ; il s'agit de la joie infinie, il s'agit d'une liberté enfin reconnue, celle qui fait justement de notre puissance de choisir le pouvoir de nous donner, de tout donner en nous donnant. Combien de philosophes ont peiné pour définir la liberté, pour la concilier avec déterminisme, et il n'y en a peut-être pas un qui ait compris que le sens de la liberté, c'était justemement de faire de nous-même un don. Mais un don à qui, sinon à une générosité qui s'annonce comme telle au plus profond de nous ?
Il y a en moi plus grand que moi. Quiconque a fait cette expérience n'a pas besoin qu'on lui montre l'existence de Dieu. Dieu ne se démontre pas, il est la vie et dès qu'un homme est attentif à sa propre vie, il se heurte à cette présence merveilleuse, invisible. Qu'importe le nom qu'on lui donne, c'est une Présence infinie qui le dépasse infiniment et qui est plus proche à lui-même que lui-même.
On ne voit pas que l’homme naît au moment où il est libéré de soi, où il passe du dehors au dedans, où il cesse d’être un objet, où il cesse de se subir et où il n’est plus qu’une offrande à l’égard de cette Présence merveilleuse qu’il découvre au plus intime de soi.
Toute parole est vaine qui n'est pas redite au-dedans, avec le consentement de l'amour.
L'immortalité n'est pas une rallonge mise à notre vie biologique dans la crainte de crever. Ce n'est pas du tout cela...Elle est, en nous, d'abord appel à la transformation créatrice où l'homme atteint à une sorte d'aséité en devenant vraiment la source de sa vie:dans le dialogue silencieux où sa personnalité se réalise, dans l'échange avec la Présence infinie qui est, comme disait Augustin, la Vie de notre vie.
La valeur d’une œuvre est proportionnelle au silence qu’elle fait naître en vous (Allusions, p. 73).
Quel mystérieux baptême sont ces larmes que nous refoulons à peine, quand un visage d'amour traverse notre regard, en nous révélant le monde que nous croyions peut-être aboli, et auquel nous sentons maintenant que nous appartenons par toutes les fibres de notre être : le monde de l'esprit et de la qualité, du silence et de la clarté.
(...)
Tout être est capable de nous faire ce don merveilleux qui nous découvre l'humanité vraie. Et ceux qui nous l'ont fait sont à jamais nos bienfaiteurs, quand bien même nous ne les aurions aperçus qu'une seule fois sur la route, car la seule chose qui compte vraiment en nous, c'est ce fond lumineux dont chacune de ces rencontres a augmenté la richesse.