Citations de Mélanie Birgelen (21)
Ils voyaient le soleil se coucher sur la ville, sur les toits d’Abuja, ces cubes blancs et gris qui fondaient dans un ciel cramoisi comme de gros glaçons dans un verre de chapman.
Une journée s’achève, une journée ordinaire, dans un pays extraordinaire, difficile à cerner. Une terre ésotérique où pousse une vérité polymorphe et ondoyante. Une liberté de choisir la sienne.
Le mauvais rêve s’effiloche déjà, le pourpre de la mort ne résiste pas longtemps à la pénombre bleutée de sa chambre.
À travers ses rideaux, elle aperçoit un bout de firmament nocturne, indigo, quelques étoiles en astérisques.
Ils ont un tas de plantes à l'intérieur, ce qui laisse un brin dubitatif – à quoi bon se construire des murs, si c'est pour y convier l’hostile nature et ses nuisibles ?
Il s’était inspiré du Nigeria, celui où il avait vécu, de sa beauté, de sa grandeur, de sa frénésie, de ses paradoxes, de sa brutalité.
Il se met à transpirer anormalement. Whatsap, instagram, twitter, facebook - ça pullule. Des encouragements mais surtout des insultes, des menaces de mort.
Le crépuscule s’écroule sur Murtala Mohammed Road, une voie rapide en périphérie d’Abuja, plantée de pylônes électriques. Le châssis d’un tuk-tuk fend l’air serré, ses trois roues raclent le bitume. Les particules de sable et de poussières flottantes, portées par l’ondoiement des combustions, semblent charrier des morceaux de soleil couchant.
C’était l’année du « Yes We Can », Kingsley avait le monde à son pouce, et Olujimi le regardait par-dessus son épaule. Il sentait le déodorant Axe Pulse et c’était l’odeur de l’infinité qui se jouait sous ses yeux.
La saison des pluies battait son plein; les journées étaient étouffantes, aveuglantes,les nuits moites et trempées
Les notes d'afrobeats tombent sur leurs vies condamnées comme des météorites filant à toute allure dans la clarté de l'aube. On croirait à la fin du monde ou au début d'un éternel été.
Pendant la saison sèche, les particules de sable et de poussières flottantes, portées par l’ondoiement des combustions, semblaient charrier des morceaux de soleil couchant ; on eût dit qu’il suffisait de tendre la main pour les attraper.
Le soleil flirte avec la nuit, s’étale au plus bas de l’horizon dans des tons pastel. La fumée du poisson grillé se mêle au diesel de la horde de générateurs qui déchiquètent l’air de leurs roulements sourds. Des ampoules s’allument, s’éteignent, clignotent, les baraques à poisson ne sont plus que des cubes de fumée qui se découpent çà et là dans les contrastes du crépuscule.
La robe est asymétrique et dévoile une épaule osseuse, ça va encore faire parler, c’est quoi cette fille qui ne mange pas assez, est-ce qu’au moins elle sait cuisiner, Kingsley, c’est quoi ces filles que tu nous ramènes, ce n’est pas sérieux.
Énigmatique la nuit, luxuriante le jour. Abuja n'est pas à proprement parler un jardin d'Éden, mais arbore une composition unique de jungle et d'urbanisme, des structures de béton inachevées jugulées par les lianes.
L’illogisme avec lequel les routes d’Abuja ont été tracées interroge. L’omniscient Google Maps lui-même se révèle bien impuissant face à ces boucles interminables, ces tronçons inachevés, ces parcelles fantômes.
L'air de Lagos semble lui faire le plus grand bien.
Nul n’est insensible à son sourire show-business, à son sex-appeal lorsqu’il chante, lorsqu’il prêche, lorsqu’il finit son service et qu’il quitte la salle, comme une star de la NBA, entouré de ses gardes du corps, poursuivi par quelques fidèles convoiteux.
Les souvenirs affluent et s'entrechoquent quand il se risque un peu plus loin dans la résille de la mégapole engorgée.
La lagune embrume l’espace alentour, les déchets s’entassent à sa surface, l’eau est noire comme le ciel et la lune orange.