Si l'on peut mourir de bonheur, cela m'arrivera sans nul doute, et si le bonheur peut maintenir en vie, alors je resterai en vie.
Si elle devait raconter sa vie, elle ne noterait que des petits riens car le bonheur, estime-t-elle est le plus grand quand il est fait de toutes petits choses, elle est heureuse quand il lace ses chaussures, quand il dort, quand il lui passe la main dans ses cheveux.
On peut écrire une histoire sur des animaux alors qu’il n’est en réalité pas du tout question d’animaux, ils ne sont qu’un exemple, de même que le je n’est qu’un exemple, et cette fois, dans un certain sens, il écrit sur lui-même. La cantatrice ne joue qu’un rôle secondaire. Il s’intéresse davantage au regard de la foule, au public qui se laisse séduire par ses artifices tout en sachant qu’ils n’ont qu’une signification très restreinte, et qu’ils n’en auront pas davantage après sa mort, car le jour viendra où le chant de Joséphine s’éteindra de lui-même.
Rien n’est plus beau, que d’être seule avec lui dans la chambre, chacun occupé à sa propre tâche, car cela lui rappelle Berlin, les soirs où il écrivait en sa présence. Il y avait une sorte d’intensité dans le silence, quelque chose de religieux et de léger à la fois tandis qu’il écrivait, penché sur la table, les premières semaines, quand elle avait encore presque peur de ce qu’il faisait, de son travail.
Il ne va pas bien, pourtant il écrit sans relâche depuis quelques jours, une histoire sur le chant ou plutôt sur le sifflement, car il s'agit d'une histoire de souris. Et c'est presque le bonheur retrouvé, là, dans cette chambre avec Dora, qui est assise sur le canapé et le laisse dans sa bulle, peut-être que c'est la dernière fois, en ce moment tout a un parfum de dernière fois.
Il a presque l’air d’un enfant maintenant, on ne peut pas dire précisément ce qui se passe, il est malade, mais c’est surtout l’expression de son visage qui est remarquable, on dirait qu’il a réussi, au mitan de sa vie, à ressembler finalement à un élève de première un peu retardé, et qu’ayant atteint ce stade, il se développe maintenant à rebours jusqu’à redevenir un enfant.
Il est parfaitement concevable que la splendeur de la vie s’offre à chacun et toujours dans sa plénitude, mais de manière voilée, enfouie, invisible, très distante. Pourtant, elle est là, ni hostile, ni malveillante, ni sourde. Qu’on l’invoque seulement en prononçant le mot juste, le nom juste, et elle viendra. MICHAEL KUMPFMULLER dans le livre La Splendeur de la vie
(p. 152)
Dans les bras de Dora, il lui arrive d'y croire. Ou plutôt: il oublie qu'il n'y croit pas, au fond, car en réalité il y pense sans cesse, il tend l'oreille, écoute au-dedans de lui, même dans ses bras où, par chance, il y a encore d'autres bruits.
Le bonheur, est le plus grand quand il est fait de toutes petites choses.
Il est des choses qui ne le frappent que maintenant, la délicatesse et le discernement dont elle a fait preuve, à croire qu’elle avait depuis toujours tout su de lui.