Michel Draguet

Plus d'un siècle après la mort de l'artiste, les peintures de Rik Wouters ont conservé cette sensation hédoniste qui traduit la force de son amour pour Nel. Pour ce modèle permanent qui donna sens à une vie en même temps qu'à son oeuvre. Cette quête se transforma rapidement en obsession. Comme si l'homme qui se tenait derrière le peintre avait très vite ressenti la brièveté de la trajectoire qui allait être la sienne. Fulgurance de l'existence que prolonge celle du geste. Assomption de l'inachevé qui met en abîme une vie trop brève.

Ils se traînent maintenant en loques,
Pieds nus sur les chemins muets.
Les frères d’Israël, de Pissaro et de Modigliani.
Nos frères. Tirés à la longe
Par les fils de Dürer, de Cranach et d’Holbein
Vers la mort dans les fours.
Comment verser des larmes
Quand depuis longtemps, mes yeux
Ont été desséchés par le sel ?

Marc Chagall

Seul est mien
Le pays qui habite mon âme
J’y entre sans passeport
Comme chez moi
Il voit ma tristesse et ma solitude
Il m’endort
Et me couvre d’une pierre parfumée

Marc Chagall

Les prophètes bibliques tourmentés de Vitebsk firent leur apparition dans mes tableaux : un peu affamés, un peu déguenillés, ils jetaient sur le monde un regard sans espoir. Leur regard est pareil au mien. Les couleurs coulent sur eux comme de la sueur, s’écoulent Dieu sait où. Et en attendant que le jour se lève, qu’il n’y ait plus le vacarme, la propagande, les camps de concentration, les fours, les prisons physiques et morales, je peignais des prophètes torturés

Et pourtant il ne s’est pas passé un jour de ma vie où je n’aie douté de moi, de mon travail, où je ne me sois souvenu d’avoir été le dernier de ma classe. Comme si je marchais sur un pont suspendu dans l’air, et que les années de ma vie, transparentes comme des nuages, s’étendaient tel un manteau lumineux, sans matérialité. Je vois des mains et des pieds danser, je capte le son des mots, j’entends l’écho des siècles, comme si quelqu’un me donnait un baiser et me parlait de la vie que j’ai vécue, et je suis tout entier comme un bouquet de roses, un bloc de marbre, couvert par la rosée du matin. Je ne vis pas au jour le jour mais les vents de l’éternité me traversent, les problèmes de l’époque passent à travers moi.

Mémoires de Marc Chagall

Plusieurs décennies plus tard, d’ailleurs, Dali continuera à faire l’éloge de son confrère belge. En 1968, l’année qui suit la mort de Magritte, il le qualifiera de « peintre exemplaire » précisant même :
Je trouve que c’est peut-être le premier des peintres surréalistes, très scolaire et il devrait servir dans toutes les écoles du monde, la Chine de Mao Tsé-Toung incluse, pour illustrer d’une façon primaire ce que c’est que la poésie. C’est celui qui a donné les exemples les plus frappants du langage poétique.

Tant Magritte que Dali nous déconcertent par la remise en question de nos hypothèses sur la vue. Ils contestent surtout notre compréhension de la réalité empirique, introduisant ainsi d’autres dimensions dans l’image d’une nature conceptuelle, linguistique ou psychologique

Dali et Magritte sont des artistes conscients des idées reçues et des aspirations de la tradition de la peinture. À travers leur œuvre, ils embrassent puis subvertissent les traditions artistiques du réalisme et de la fiabilité descriptive. Les deux artistes s’engagent dans des procédés nouveaux et destablisants.

Une secrète complicité l'unit à Hans Memling, le grand peintre flamand qui vécut et travailla à Bruges au XVème siècle.

Malgré leur regard insistant, leurs lèvres peintes et leur chevelure rousse, les femmes de Khnopff ne paraissent aucunement la proie aux tourments de la chair, à rebours des héroïnes de Klimt qui au même moment dessine d'une ligne brisée et saccadée des êtres de désir et de passion.

Vers 1910 Khnopff multiplie les dessins et les tableaux de nus sensuels. dépourvues de titres ces oeuvres n'ont aucun contenu narratifs

Khnopff y revient alors que les modèles - des danseuses de théatre royal de la monnaie - s'inscrivent dans leur époque de manière de plus en plus appuyée.

Désormais le flou des chevelures gagne des corps de plus en plus charnels.

a l'instar d'autres artistes symbolistes, khnopff réactive les mythes antiques.

Fernand Khnopff est véritablement hanté par la figure du dieu grec Hypnos

Entre 1889 et 1902, l'artiste utilise abondamment la photographie pour étudier la pose et la gestuelle de son modèle favori qu'il déguise en princesse des légende ou en divinité orientale.

une allée d'arbres soigneusement alignés conduit le regard selon une perspective montante vers un sous vois obstrué par des troncs. A la fin du XIXème siècle, de nombreux peintres tels Vincent Van Gogh, Maurice Denis, William Degouve de Nuncques et plus tard Piet Mondrian ont exploité les nombreuses possibilités plastiques et symboliques de ce thème.

le paysage se dépouille de l'accessoire pour ne garder que le bruissement d'un murmure original: le soleil qui perce, la crue, les premiers froids, la bruine, les nuages qui passent, le crépuscule, le clair de lune, la brume. Absente, la présence humaine hante ces lieux où le temps comme le fil de l'eau s'est mué en attente.

la nature est représentée dans l'oeuvre de Khnopff depuis les premiers carnets de croquis conservé. Ramenée à la peinture, la pratique relève surtout du murmure.

soucieux de rompre avec le fracas du monde moderne, les artistes symbolistes, peintres comme Odilon Redon et Lucien Levy Dhumer ou sculpteurs comme Pierre Fix masseau et Georges Lemaire not fréquemment représenté des felles mystérieuses et hiératiques afin de signifier le renoncement à la parole est une condition première pour parvenir à un éveil spirituel