Michel de Saint-Pierre

- je me sens seul, et j'ai peur. il faut être bien aveugle pour ne pas le reconnaître.
l, attitude anti juive est redevenu a la mode. en ce moment de l, histoire le peuple juif et l, état juif sont indissociable.
l, un ne saurait survivre à l,autre.
quelle est donc la solution. Hitler en a proposé une. et il la voulais finale.
je m'en souviens, et j'ai peur.

"Depuis des années, (les catholiques français) s'inquiètent de l'évolution de leur religion. Ils ne disent rien, n'ayant aucune qualité pour parler. Simplement, ils s'éloignent. C'est le cardinal Marty lui-même qui nous a récemment révélé que, de 1962 (ie Vatican II) à 1975, la pratique dominicale avait baissé de 54 % dans les paroisses parisiennes. Pourquoi? Parce que les fidèles ne reconnaissaient plus leur religion dans certaine liturgie et certaine pastorale nouvelles. Ils ne la reconnaissent pas davantage dans le catéchisme qu'on enseigne maintenant à leurs enfants, dans le mépris de la morale élémentaire, dans les hérésies professées par des théologiens écoutés, dans la politisation de l'Evangile." Michel de Saint-Pierre, 9 août 1976

- Plus tard sous Charles X, un membre de la famille royale faisait un jour sentir à Mousquet la supériorité de son rang. Le brave Mousquet lui répondit : "Prince, je n'ignore pas ce que je dois savoir. Mais je sais aussi qu'il est plus facile d'être au-dessus de moi qu'à côté.

Si j'avais à définir les aristocrates, songeait-il, je commencerais par dire qu'ils ont le privilège de la désinvolture. ils badinent avec la mort, avec l'amour, avec tout. C'est important, la désinvolture. Un aristocrate est d'abord celui qui parle avec légèreté de sujets graves.

Christophe de Conti, qui se trouvait assis auprès d'une vielle harpe hors d'usage, pinça l'une des cordes - et l'âme de la musique se plaignit.

Dans son visage hâlé, craquellé, tanné qui s'emiettait en mille petites rides, le regard gris était celui des marins, à la fois précis et perdu.

Un pays qui se charge d'avenir sans rester fidèle au passé, est un arbre dont le feuillage est trop lourd pour les racines. Quand vient le vent...

Et je dois dire qu'ici même, trois ou quatre individus ignoraient jusqu'au nom de Rochambeau, libérateur des Etats-unis. C'est tout juste si l'on se rappelle en France que les U. S. A. nous doivent l'existence!

Les artistes qui ne dominent pas leur art ne valent rien.

Dis donc, mon petit Damville... Si nous parlions un peu, maintenant, du prix Sanchez Morena?
_Hein? dit Georges, encore plongé dans son rêve.
_Oui, le Prix Sanchez Morena! six millions... Ecoute-moi bien. j'ai le manuscrit de ton (Laboratoire) dans un mois, disons le milieu de juin. je tire les épreuves et je les envoie aux membres du jury.
Toi, tu ne t'occupes de rien. A deux exceptions prés, que voici :
primo, tu fait une petite visite à son excellence Vicente Lopez, un diplomate en retraite. Je le connais un peu. Il préside le jury.
Deuzio, tu vas déposer un soir tes hommages crépusculaires aux pieds de Mme Carreau. C'est une grosse personne qui écrit l'histoire de Byzance avec de petites mines chatouillées. Trois ou quatre chats angoras, peu de talent et beaucoup d'autorité. Si elle te prend en charge, si tu bouffes ses gâteaux et si tu caresses les chats, tu a le prix Morena dans ta poche...

Tu as déjà pour toi une élite et le public; ceux qui comptent et ceux que l'on compte. Et puis, malgré tes peines familiales, tu es un animal heureux, tu aimes la vie et tu crois en toi-même. C'est impardonnable, ça! On t'opposera Balzac, Dostoïevski et Proust qui souffraient et se torturaient. Mais on n'aura jamais la bonne foi de t'associe a Montaigne ni à Racine , qui étaient heureux dans leur génie...

En général, tes « ennemis » sont des doctrinaires de vingt-cinq à trente ans qui veulent reconstruire le monde littéraire. Ils ont des recettes et formules étranges dans lesquelles il est question de « roman soupçonné », d' « alittérature ». de « drame appréhendé par l’intérieur », de « présence inéluctable » et de « transcription du réel »...
Que sais-je encore? il abusent du mot vérité : « sa vérité », « ma vérité », « leur vérité ». Alors que la vérité tout court semble hors de portée de leurs mains. Une simple étude de mon dossier te montrera que leurs travaux pratiques ne justifient en rien tut ce rataplan glorieux.

Vous aimez sans le savoir . Oui, et comme vous craignez « les autres », comme vous niez Dieu, vous aurez connu le poids et l'amertume de l'amour sans en recevoir les joies.
Tant pis pour vous!
« Je ne vous plains pas. J'ai bien autre chose à faire. j'ai à vous accueillir et je vous accueille comme un frère, et d'un cœur large ouvert au vôtre. D'un cœur dont je sais bien, d'ailleurs, que vous ne voudrez pas. »

Le maître-égoïste est celui qui, parvenu à votre age, à votre degré de célébrité (le haut de l’échelle), renoncerait à écrire. D'ailleurs l'un des actes irrémédiablement condamnés par le Christ est celui d'enfouir le talent. Vous continuez à donner -- mais l'opium du succès, qui chez d'autres peut devenir un besoin vital, ne suffit pas chez vous à rendre compte de cette prodigalité. Vous rejoignez ainsi le monde chrétien chaque fois que vous « lancez » vos livres, même si vous nous les jetez à la figure comme une poignée de sous d'or à la face d'un pauvre.

Je ne comprends pas. Vous croyez en dieu, et vous n’êtes même pas fichue de diriger votre vie dans le sens de votre foi?

Mais je sais que votre religion interdit l'amour libre. C'est même cela que j'aime dans votre catholicisme.

L'écrivain appartient à tous. Il ne peut donc être à une femme. Il ne peut même pas être à son fils... Tu piges d'ici l'alibi?

On avait alors entendu la voix courtoise de M. Bartache, le ministre.
« Nous sommes toujours surpris et déçus d'entendre un grand écrivain citer d'autres paroles que les siennes. »
Damville n'avait rien trouvé à répondre. Mais il avait perçu des lueurs amusées dans le regard des auditeurs. « Ce ministre n'est donc pas un sot! » Vainement, rageusement, il s’était efforcé de croire que « le dernier mot appartient toujours aux imbéciles »

Les écrivains activistes et bavards ne vous manquent pas. Dès qu'ils abandonnent leur métier pour parler de la politique, ils en parlent à tort et à travers. Mais le fait est que beaucoup d'entre eux s'y laissent entraîner. Ils ont le prurit de l'action. Ils veulent mettre la main sur l'événement : parce que l'événement national ou international est de plus en plus dense, lourd, effrayant. Tout se passe comme si les écrivains d'aujourd'hui craignaient mortellement de paraître futiles, dès lors qu'ils restent fidèles à ce qu'ils sont.

Tout se passe comme si vous autres, les jeunes, étiez incapables de vous construire votre monde. Vous ne manquez ni de courage ni d'une certaine lucidité. Mais vous manquez de poids. Ce qui me frappe dans votre génération, c'est le désarroi, le désespoir. Fétus dans l'ouragan, vous vous laissez emporter par les heures. Et vous jetez vos cris de colère et de révolte avant de disparaître. Le temps que voici est un fleuve rempli de nageurs éparpillés qui se noient, et qui ne sont pas capables de se noyer en silence...