Le Parisien. Michelle Knight a été séquestrée et violentée pendant 11 ans par Ariel Castro à Cleveland (États-Unis). Nous l'avons rencontrée à l'hôtel Pulitzer, à Paris à l'occasion de la sortie de son livre "Traverser l'enfer et croire encore au paradis".
Avant même de me trouver au mauvais endroit au mauvais moment,
j'avais déjà la sensation de ne pas être entendue.
J'imagine à quel point on peut souffrir lorsque son enfant a disparu. Ne pas savoir où il est, quelles choses horribles il est en train de subir... Savoir qu'on ne peut pas le consoler, le protéger... J'imagine qu'il est possible d'avoir la force que j'ai désormais pour surmonter cette douleur, après toutes ces années, sans s'écrouler. Personnellement, je me trouve incroyable d'avoir le courage de croire qu'il existe encore quelque chose de mieux qu'une existence vouée au désespoir.
Mais, après avoir été violé, humilié, battu et enchaîné pendant si longtemps, on prend l'habitude de faire ce qu'on nous dit. Notre esprit commence à se désagréger. On est plus capable d'imaginer que la situation puisse être différente. Et on a l'impression que son ravisseur voit tout et qu'il sait tout.
Il m'est aujourd'hui encore très pénible de repenser à ce qui se déroula durant les trois heures qui suivirent. Il ne se contenta pas de me violer comme il l'avait fait un premier étage ; il détruisit totalement mon cœur, du moins le peu qu'il en restait après ce que j'avais enduré durant mon enfance et mon adolescence. Il me força à faire des choses qu'il m'est trop douloureux de décrire, des choses que je n'avais jamais faites et que je ne referais plus jamais. (...) Le traumatisme fut tel que je ne fus pas en mesure de réagir autrement qu'en demeurant inerte, comme morte. En un sens, il me semble que l'on a pas d'autre choix que de laisser mourir une partie de soi pour traverser une telle épreuve. C'est la seule façon d'y survivre.
Ce qui ne me tue pas ne peut que me rendre plus forte. La mort pourrait sembler la solution la plus facile, mais je suis convaincue qu’il vaut mieux continuer à vivre la tête haute que de courber l’échine.
Quand j’ai été à deux doigts de mourir dans cette maison, Dieu m’a gardée en vie pour une raison. Je crois que c’est pour que je puisse aider des personnes qui se sont trouvées dans la même situation que moi. Quand je ne sais pas trop où j’en suis, c’est l’objectif auquel je me raccroche. Devenir une voix pour ceux qui n’en ont plus, partager mon amour avec ceux qui m’entourent. C’est le seul moyen que j’ai découvert pour être en mesure de me retrouver.
on me demande tout le temps où je suis parvenue à puiser toute cette force pendant les onze années que j'ai passées en enfer. Ma réponse tient en un mot : " Joey".
En quittant cette maison, j'avais libéré mon corps. En venant au tribunal, je libérai mon coeur et mon esprit
Chaque fois que je vois un papillon, cela me rappelle à quel point la vie est précieuse. Car la chenille est capable de se transformer en un magnifique papillon et de s’envoler très loin, librement et gracieusement, sans qui que ce soit pour lui dire quoi faire.
Les adultes que je côtoyais ne nous disaient jamais rien, à nous autres, enfants.