Vers une économie à trois zéros de
Muhammad Yunus
J’ai consacré la plus grande partie de ma vie à travailler en faveur des personnes les plus pauvres, et particulièrement les femmes, en essayant d’éliminer les obstacles qu’elles rencontrent dans leurs efforts pour améliorer leur vie. Grâce à l’outil connu sous le nom de microcrédit, l’organisme Grameen Bank – que j’ai créé dans mon pays d’origine, le Bangladesh, en 1976 – met le capital à la disposition des villageois sans argent, notamment les femmes. Le microcrédit a depuis encouragé les capacités entrepreneuriales de plus de 300 millions d’indigents à travers le monde, contribuant à briser les chaînes de la pauvreté et de l’exploitation humaine.
En permettant à des millions de personnes de sortir de la pauvreté, le microcrédit a permis d’exposer les faiblesses d’un système bancaire traditionnel qui refuse ses services à ceux qui en ont le plus besoin. Mais ce n’est que l’un des nombreux problèmes collatéraux subis par les indigents : le manque de services institutionnels, d’accès à l’eau potable, aux soins et aux installations sanitaires, l’absence d’éducation adaptée, de logements de qualité, d’accès aux sources d’énergie, une vieillesse démunie, etc.
Ces difficultés ne se limitent pas aux pays en développement. À l’occasion de mes voyages autour du monde, j’ai constaté que, même dans les contrées les plus riches, les personnes à faibles revenus sont également pénalisées. Selon les termes d’Angus Deaton, Prix Nobel d’économie : « Si une personne devait choisir de vivre dans un village pauvre en Inde, une autre dans le delta du Mississippi, et une autre encore dans une banlieue de Milwaukee au milieu d’un parking pour caravanes, je ne suis pas certain de pouvoir dire laquelle d’entre elles aurait la meilleure vie. »
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