Le soleil frappe le visage de Sebastião. Son corps est lourd. Il ne veut pas se lever. Sur la table de nuit, l’appareil photo le fixe. Cet oeil-là, son troisième œil, ne dort jamais. Depuis trente ans il capture les guerres, les famines, l’exil, le travail et la misère à travers la planète, pour que personne n’ignore comment les hommes vivent. Sebastião est l’un des meilleurs photojournalistes au monde. Ce matin, Sebastião est las des souffrances des hommes. Le chagrin le submerge.
Sous ses paupières surgissent les paysages enchantés de son enfance : la forêt contemplée depuis les branches d’un jequitiba, à cinquante mètres au-dessus du sol, et qui mousse de colline en colline autour de la ferme de son père ; la palpitation des feuilles et des ailes d’oiseaux sous la canopée ; les pommes de pin géantes qu’on casse à coups de caillou pour en déloger les graines au goût de crème ; les grenouilles qu’on débusque au fond des sources, émeraude, topaze, améthyste, comme des pierres précieuses ; les muscles des chevaux au galop ondulant sous ses cuisses.
Épuisé, il décide de rentrer chez son père.
L'homme peut, à force de rêve et de volonté, défaire les blessures qu'il inflige à la nature. p.34
Eh bien alors, Oscar !
T'as le bourrichon au ralenti !
Allez ! presse-toi la citron !
Fais chauffer ton carafon !
Active tes méninges, oscar !
Ta réputation est en jeu...
Dès qu'il y a grabuge c'est à nous qu'on vient chercher des poux (...)
A force de fumer, tousser, cracher, ma ville est tombée malade.