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Citations de Natasha Brown (21)


Ces directives : écoutez, ne dites rien, faites ceci, ne faites pas cela. Quand est-ce que ça va prendre fin ? Et où est-ce que ça m’a menée ? La même histoire, encore et toujours. Je suis tout ce qu’on m’a dit de devenir. Ça ne suffit pas. Une destruction physique à présent, à la hauteur de la destruction mentale. Disséquer, empoisonner, détruire cette nouvelle part maligne de moi. Mais il y a toujours autre chose : une requête de plus, une critique de plus. Ces acquiescements, ces efforts, ce dépassement sans fin – pourquoi ?
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La moindre valeur que mes mots peuvent avoir dans ce pays découle de mon association avec ces institutions : universités, banques, gouvernement. Je ne peux que répéter leurs mots à eux, en espérant exprimer une sorte de vérité. Peut-être est-ce là une piètre façon de justifier ma propre complicité. Le rôle que je joue pour convaincre des enfants qu’eux aussi doivent endurer. Me taire, certainement, aurait été le choix le moins nocif.
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Quand il est d’humeur joueuse, mon petit ami me dit que je suis pétée de thunes. Bien plus que lui. Il dit que le un pour cent des riches, c’est moi. Mais l’argent, ça n’est pas tout. Lui, il est fortuné. Sa fortune est répartie en actifs, fidéicommis et holdings aux clauses de propriété complexes. Autant de choses qu’il fait mine de refuser de comprendre. Des intérêts composés, s’accumulant sur des générations.
Quelle différence ça fait ? demande-t-il. Je lui réponds. L’un de nous va bosser à six heures du matin. L’autre feuillette les journaux au café du coin.
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L’ambivalence de la mère était plus classique. Elle m’a présentée un jour d’une circonvolution maladroite, « la nouvelle bonne amie de notre benjamin ». Suivi d’un sourire entendu à la connaissance qui venait de l’interroger. Malgré tout, je la comprenais. Il me semblait voir la chose par ses yeux : aux amours de son fils, oui, elle acquiesçait. Mais il y avait aussi la famille dont elle venait, celle qu’elle avait rejointe par alliance. L’avenir, les enfants et la pureté – pas dans un sens racial crasse, non. Bien sûr que non. Il était question d’une pureté de lignée, d’histoire : de mœurs et de sensibilités culturelles partagées. La préservation d’un mode de vie, d’une classe, l’échelon supérieur, indispensable, de la société. Il ne fallait pas que la croissance atrophiée de son fils (et qu’était cette relation, sinon une fantaisie puérile ?) ait des répercussions sur le patronyme familial.
Sans surprise, j’ai appris que tous les titres et le patrimoine venaient du père. Il y avait une incertitude sous l’hostilité de la mère à laquelle je m’identifiais presque.
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Ses parents me toléraient. En bons parents progressistes. Ils étaient patients envers leur fils sur la question de ses fréquentations. Ils s’imaginaient, m’imaginais-je, que c’était une phase. Pourquoi la prolonger en lui accordant une attention négative ? Et donc ils s’en accommodaient. L’accueillaient – m’accueillaient moi, ostensiblement.
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La réponse: l'assimilation. Toujours, cette pression, pile à cet endroit. Assimilez-vous, assimilez-vous... Dissolvez-vous dans le melting-pot. Puis coulez-vous dans le moule. Pliez vos os jusqu'à ce qu'ils craquent, se fendent,jusqu'à ce que ça rentre. Forcez-vous à épouser leur forme. Assimilez-vous, voilà à quoi ils exhortent, à quoi ils encouragent. Puis ils froncent les sourcils. Encore. Et encore. Et toujours, en ligne de basse, sous le vocabulaire insistant de la tolérance et de la convivialité - disparaissez !
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Mais je l’éprouve. L’appréhension. Chaque jour, une nouvelle opportunité de merder. Chaque décision, chaque réunion, chaque rapport. Il n’y a pas de succès, seulement des échecs temporairement évités. L’appréhension. Du bourdonnement, de la sonnerie de mon réveil jusqu’au moment où enfin je me rendors. L’appréhension. Je reste allongée sur le canapé ou dans mon lit ou juste étendue par terre. L’appréhension. Je me repasse la journée, je l’ausculte, à la recherche d’erreurs, de faux pas, de – de quelque chose. L’appréhension, l’appréhension, l’appréhension, l’appréhension. Un rien pourrait s’avérer la ruine de tout. Je le sais. Cette vérité résonne dans ma poitrine, une ligne de basse qui cogne. L’appréhension, l’appréhension, ça m’étouffe. L’appréhension.
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J'ai observé avec une curiosité impartiale ce continent s'en prendre à lui-même : désorienté, perdu, malade de nostalgie, soupirant après son heure de gloire impérialiste - quand les autres étaient si précisément définis ! C'est évident à présent, de façon rétrospective, autant que l'irrationalité de la racine carrée de deux : ces superpuissances mondiales ne sont ni infaillibles ni supérieures. Elles ne sont rien, sans un ordre de relativité brutalement imposé. Une brutalité organisée, systématique, que leurs enfants mous, flasques, ne peuvent digérer - refusent même de reconnaître. Tout en s'y accrochant comme à une vérité. Il n'y a jamais eu d'absolu, de décret divin. Juste de la chance, arbitraire, visqueuse. Et qui s'aggrave. (116)
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On leur apprend à considérer nos corps (nos êtres) comme des objets. On leur apprend, en guise de géographie, la fracture entre pays développés et pays émergents - aussi incontestable que les montagnes, les océans, les autres phénomènes naturels. Sans "pourquoi", sans "parce que", sans que les flèches impitoyables de l'impérialisme européen traversent le planisphère.
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Qu’est-ce qui poussait Rach à vouloir cette carrière ? Moi, je savais pourquoi j’étais là. Les banques – je comprenais ce que c’était. Des machines à fric impitoyables, efficaces, ayant pour sous-produit une forme de mobilité sociale. Franchement, quelle autre entreprise aurait pu m’offrir une opportunité semblable ? Contrairement à mon petit ami, je n’avais ni le réseau ni l’argent prérequis pour me lancer en politique. L’industrie financière était pour moi la seule façon viable de gravir les échelons. J’avais troqué ma vie pour une fraction du confort des classes moyennes. Pour un avenir. Mes parents, mes grands-parents n’avaient pas eu ce genre d’opportunités ; il me semblait interdit de gâcher les miennes. Pourtant, je n’avais pas le cœur tranquille en propageant ces mêmes croyances auprès d’une nouvelle génération d’enfants. Cela maquillait le manque de progrès – il s’agissait de modeler leurs aspirations pour leur donner une forme docile, uniforme ; de modeler leurs identités pour en faire des travailleurs reconnaissants, laborieux, conscients de leur rôle social. Connaissant les limites de toute ascension.
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Nous visitions quand même des galeries et des musées, nous allions à des fêtes, nous en donnions, nous voyagions, nous cuisinions - ensemble. Nous disions nous. Cela semblait un aspect nécessaire de l'existence, comme le travail. Ou le sport.
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Née ici, de parents nés ici, jamais vécu ailleurs - pourtant, jamais d'ici. Leur culture devient une parodie sur mon corps à moi.
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Mais je l'éprouve. 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛. Chaque jour, une nouvelle opportunité de merder. Chaque décision, chaque réunion, chaque rapport. Il n'y a pas de succès, seulement des échecs temporairement évités. 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛. Du bourdonnement, de la sonnerie de mon réveil jusqu'au moment où enfin je me rendors. 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛. Je me repasse la journée, je l'ausculte, à la recherche d'erreurs, de faux pas, de - quelque chose. 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛, 𝑙'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛, 𝑙'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛, 𝑙'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛. Un rien pourrait s'avérer la ruine de tout. Je le sais. Cette vérité résonne dans ma poitrine, une ligne de basse qui cogne. 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛, 𝑙'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛, ça m'étouffe. 𝐿'𝑎𝑝𝑝𝑟𝑒́𝘩𝑒𝑛𝑠𝑖𝑜𝑛.
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Les rythmes familiers de nos vies empilées sont devenus une forme de proximité
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À présent tout n'est que profit. Je suis ce que nous avons toujours été pour l'empire : un putain de profit net. Une ressource naturelle à exploiter, et exploiter, et dénigrer, et exploiter encore. Je ne dois rien à ce petit garçon. Ni à cet homme. Ni à ces manifestants, ni à l'empire, ni à la mère patrie, rien du tout. Je ne leur dois pas mes quarante années à venir. Je ne leur dois pas la putain de minute qui vient. Qu'est-ce qu'il reste à prendre ? On y est, c'est le bout de la route.
Ce sera sans moi. (75)
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A mes côtés, endormi, il est aussi informe que de l’eau. Les anxiétés du jour ne le perturbent en rien. Sa respiration est régulière. Avec lui, je suis devenue plus tolérable aux Lou et aux Merrick de ce monde. Que lui m’accepte les encourage à en faire autant. Sa présence témoigne en ma faveur, leur assure que je suis le genre de diversité qu’il faut. En retour, je lui offre une certaine crédibilité progressiste. J’efface en partie ses casseroles politiques de bonne, de très bonne famille. Je consolide sa position, à gauche du centre.[…] Peut-être qu’il n’admettrait pas combien notre union est pragmatique […] Dans son autobiographie imaginaire, cette relation se verra en fin de compte résumée en une phrase – deux peut-être. Une mince preuve de son ouverture d’esprit, de son goût pour les échanges culturels.
Tout est affaire de troc.
(pp.104-105)
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Be the best. Work harder, work smarter. Exceed every expectation. But also, be invisible, imperceptible. Don’t make anyone uncomfortable. Don’t inconvenience. Exist in the negative only, the space around. Do not insert yourself into the main narrative. Go unnoticed. Become the air. Open your eyes.
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A mes côtés, endormi, il est aussi informe que de l’eau. Les anxiétés du jour ne le perturbent en rien. Sa respiration est régulière. Avec lui, je suis devenue plus tolérable aux Lou et aux Merrick de ce monde. Que lui m’accepte les encourage à en faire autant. Sa présence témoigne en ma faveur, leur assure que je suis le genre de diversité qu’il faut. En retour, je lui offre une certaine crédibilité progressiste. J’efface en partie ses casseroles politiques de bonne famille, de très bonne famille. Je consolide sa position, à gauche du centre.
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Mais je l’éprouve. L’appréhension. Chaque jour, une nouvelle opportunité de merder. Chaque décision, chaque réunion, chaque rapport. Il n’y a pas de succès, seulement des échecs temporairement évités. L’appréhension. Du bourdonnement, de la sonnerie de mon réveil jusqu’au moment où enfin je me rendors. L’appréhension.
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Sois la meilleure. Travaille plus, travaille mieux. Dépasse toutes les attentes. Mais aussi, sois invisible, imperceptible. Ne mets personne mal à l’aise. Ne gêne personne. N’existe qu’au négatif, dans l’espace alentour. Ne t’insère pas dans le courant de l’Histoire. Ne te fais pas remarquer. Deviens de l’air.
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