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Citations de Patrice Robin (24)


"Constatant peu avant les vacances de Noël qu'il n'a pas obtenu en quatre mois un texte digne d'intérêt à partir de son programme habituel, à base d'exercices à contraintes et jeux d'écriture, Pierre se met en quête de propositions plus adaptées à son public. Il lit Tous les mots sont adulte de François Bon, méthode élaborée par l'écrivain à partir d'ateliers menés, entre autres, en collèges de banlieue, lycées professionnels et centres d'insertion, trouve judicieux qu'on y commence par l'écriture d'inventaires, d'un abord plus facile, avant de passer à des textes en prose plus construits. Il apprécie aussi que le travail sur la mémoire y évolue de manière progressive, des souvenirs récents jusqu'aux plus anciens, se dit que cela lui évitera la violence des Je me souviens, exercice qu'il continuera d'utiliser, mais pas avec les nouveaux, pas si tôt. Il aime surtout que la méthode soit bâtie à partir de textes d'écrivains, Perec, Baudelaire, Artaud, Apollinaire, Kafka, Borges, Khalil Gibran, Charles Juliet..., se procure les livres de ceux qu'il n'a pas lus."
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Moïse a noté dans son journal : " Lu un article sur Henry Miller : Faire de sa vie une oeuvre d'art."
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"Mon dernier récit est posé sur le bureau de Thomas. Il dit avoir aimé les portraits d'adolescents en grande difficulté scolaire et sociale que j'y brosse, être entré en contact avec moi à cause de cela. Il désirerait que je fasse la même chose avec les patients fréquentant le centre horticole. "
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"Je ne sais pas non plus si elle perçoit le bruit de l'explosion, relève la tête quand elle entend crier son prénom du haut de l'escalier, ouvre grand ses yeux bleus, sourit. Je sais seulement qu'à cette seconde ma mère commence pour moi d'exister, et avec elle le monde d'où je viens."
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L'ancienne aire est devenue aujourd'hui une petite prairie et placée en partie sous l'ombre d'un cerisier. Le puits où le vieil homme, venu aider en voisin, tirait l'eau pour alimenter la machine à vapeur est toujours là. Le petit toit en zinc qui le couvre, le cylindre en bois où s'enroule la chaine, cette dernière, la manivelle qui actionne le mécanisme, la margelle, tout est encore en bon état. Une trappe en bois en obstrue l'ouverture. On a posé dessus pour éviter un nouvel accident, la pierre sur laquelle le vieil homme s'était assis pour se reposer lorsque la déflagration l'a fauché et blessé mortellement. Il s'appelait Théophile Pouplin, avait 70 ans. De l'autre côté de la rue, crépi de neuf, se dresse le grand mur aveugle contre lequel est venu s'écraser le corps de l'entrepreneur de battage. Il se nommait Joseph Bodet, était âgé de 58 ans. Les deux aides-mécaniciens avaient pour nom Joseph Dorveau et Joseph Noirault, et respectivement cinquante-six et quarante-trois ans. Henri Decréon et Maurice Marolleau âgés de trente-cinq et trente ans, étaient paysans. Robert Bourrion, le militaire avait vingt-deux ans. Fortin, dont le prénom et la profession ne sont mentionnés dans aucun document, était âgé de vingt-deux ans également. Marie-Joseph Bonnet enfin, l'enfant , entrait dans sa douzième année.
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« Les endroits que j’ai filmés depuis trente ans étaient le théâtre de luttes, mais ils étaient avant tout des lieux, qui nécessitaient un voyage, la confrontation physique à une terre, un relief », dit Robert Kramer lors d’un entretien donné aux Cahiers du Cinéma au printemps 1998. Le lieu où j’avais décidé de situer mon récit est au-delà du périphérique. Je devais pour y accéder faire ce voyage dont parle Robert Kramer, me confronter à une terre et un relief qui ne sont pas ceux des beaux quartiers où j’habite. La géographie y est plus tourmentée, immeubles éternellement en réfection, façades taguées, poubelles régulièrement renversées, voitures désossées, restes de carcasses calcinées parfois.
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J’ai revu, pour commencer, Route One USA. Dans la première partie, à travers les Etats du Maine, du New Hampshire et du Massachussets, Robert Kramer filme des bûcherons, un pêcheur, des routiers, des policiers, des ouvrières, au travail ou au repos, chez eux ou dans des bars. Des retraités aussi, regrettant le bon temps, fiers de leur carrière. Des Indiens, inquiets pour leur avenir. Des petits commerçants, enfin, comme l’étaient mes parents, pas de quincailler comme eux, mais un épicier, un patron de pressing et certains que l’on ne trouve toujours pas dans la petite ville de l’Ouest français où j’ai passé mon enfance, une voyante et un tatoueur.
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Toute sa personne dégageait un grand charme. L’attention avec laquelle il écoutait ce qui se disait m’avait frappé et la belle profondeur de sa voix.
Le choix des films arrêté, alors que la réunion se terminait, il s’était tourné vers la fenêtre, avait regardé le ciel un instant. C’était le milieu de l’après-midi, nous entendions le bourdonnement de la circulation quatre étages plus bas. Après quelques minutes, sans que rien dans la conversation précédente ait préparé cela, il avait dit, en suivant de son index les contours d’une tache qu’un rayon de soleil dessinait sur le bois clair de la grande table autour de laquelle nous étions assis, qu’il venait d’avoir soixante ans, que cela lui faisait drôle d’avoir dépassé l’âge auquel son père était décédé.
Il est mort quatre mois plus tard.
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De Robert Kramer, je savais deux choses. Son engagement d’abord, à 20 ans, dans les mouvements pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam, cet engagement affirmé plus tard dans ses films tournés aux USA et dans le monde entier. Son absence totale de concession à Hollywood ensuite, une intransigeance qui l’avait contraint à quitter son pays en 1980 pour s’installer en France où l’œuvre était mieux accueillie.
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[...] "Un homme quitte son milieu, les siens, pour se rapprocher de lui-même. Je veux un spectacle d'espoir. Tout est possible quand on part."
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"Je prends souvent un café dans un bar voisin de l'hôpital de jour en attendant l'heure de la séance. Parmi les consommateurs, quelques patients, un buveur de bière au matin, en bonnet de laine, anorak d'hiver, bermuda et baskets sans chaussettes. Il se balance d'un côté sur l'autre, me sourit. Un autre jour, une femme discutant fort avec son compagnon, et moi qu'est-ce que tu veux que je fasse, avec tout ce qu'il y a à payer, le gaz, l'électricité... Ce jour-là, un homme, que je ne connais pas cette fois, s'arrête près de la table où je suis assis, se penche vers moi et me demande s'il a des paupières, si je les vois. Désarçonné, je garde le silence. Il fait de la dysmorphobie, dit-il, ne perçoit pas des parties de son corps parfois. Il a rendez-vous chez son psychiatre, va le lui demander. Je l'approuve. Je le revois la semaine suivante, il me pose la même question. Moins surpris cette fois, je regarde attentivement son visage et le rassure. Il sort de chez son psychiatre qui lui a donné la même réponse. Il dit trois fois qu'on lui fait beaucoup de bien en disant cela, qu'il est content de m'avoir rencontré.

La femme aux cigarettes, me voyant un matin penché au-dessus du parterre où sont plantés les thyms dont j'ai entrepris d'établir la liste comme je l'ai fait pour les pélargoniums et menthes, me propose spontanément de m'en dicter les noms. Nous passons une dizaine de minutes ainsi, elle parle, je note, Thym Capitatus, Thym Atticus, Thym Doré, Camphré, Serpolet, Résineux, Hirsute, Laineux, Foxley, Golden King... Puis elle s'interrompt et s'en va aussi brusquement qu'elle était venue.

Un jeune homme vient me saluer au début d'une séance puis s'éloigne. Lors de la suivante, il me confie qu'il a été rédacteur en chef du journal de son lycée, m'a apporté un article qu'il veut me faire lire. Il y traite du 11 septembre 2001, date de la séparation de ses parents, précise-t-il. À peine ai-je terminé qu'il me donne deux autres textes de quelques pages. Les roses qui éclosent, les roses qui implosent. Je les lis également. Il tente, dans le premier, de raconter sa vie d'avant sa dépression et, dans le second, sa vie d'après, y parle à nouveau du divorce de ses parents et du 11 septembre, de la guerre en Afghanistan, de la présence de Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002, met la grande histoire et la sienne sur le même plan. Son écriture est alerte, je lui dis."
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On apercevait la maison traditionnelle indienne un peu à l'écart de la maison d'habitation, le hogan, blotti sous un ciel immense. "No pictures" a dit Scott.
Louise m' a expliqué que photographier un lieu était aussi photographier ceux qui y vivaient, que les Navajos l'avaient trop été par les ethnologues et les touristes, et désiraient qu'on les laisse en paix. On pouvait aussi faire l'hypothèse, a-t-elle ajoutée, que pour les Indiens, la photographie volait quelque chose à son sujet et que cela était inacceptable pour des êtres, que les Espagnols d'abord, puis les Américains ensuite, n'avaient cessé, trois siécles durant, de vouloir priver de leur liberté.
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C'est son quotidien d'avant La Fabrique que raconte Djamil: l'heure où mon père part faire les courses pour le restaurant, l'heure où ma mère se met en cuisine, l'heure où je m'assois à mon bureau, l'heure où je me connecte à Internet pour jouer un peu, l'heure où je regarde un film au lieu de réviser mon brevet ... qu'il a obtenu l'année suivante, sans l'aide de personne, dit-il fièrement.
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Tiphaine trouve elle aussi un stage, dans une maison de retraite. Pierre lui demande, avant son départ, d'écrire la biographie de quelqu'un à la manière de Claude Simon dans "Les Géorgiques" ...
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"Un homme se fixe la tâche de dessiner le monde. Tout au long de l'année, il peuple l'espace d'images de provinces, de royaumes, de montagnes, de golfes, de vaisseaux ... de maisons, d'instruments, d'astres, de chevaux et de personnes. Peu avant de mourir, il découvre que ce patient labyrinthe de lignes trace l'image de son visage." Pierre propose à Claude de faire le contraire de Borges, de décrire un visage comme un paysage et pose sur la table le portrait d'une vieille paysanne russe.
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Djamil suit les cours du Centre national d’enseignement à distance, vient d’obtenir son baccalauréat de français et tentera en juin son baccalauréat tout court. Il brosse ainsi son portrait :

D éterminé
J e suis
À
M e sortir de l’
I gnorance et de
L’ échec
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C’est sa propre vie qu’écrit Tiphaine, livrant, entre autres éléments autobiographiques, ceux de son parcours scolaire :

Elle a 15 ans et elle ne veut plus aller à l’école.
Elle a 4 ans et elle a beaucoup de difficultés.
Elle a 13 ans et elle redouble sa sixième.
Elle a 10 ans et elle ne sait pas bien lire.
Elle a 17 ans et elle fait des progrès…

Et dans fous les domaines, constate Pierre un soir en l’apercevant assise sur l’un des bancs du quartier, sa tête posée sur l’épaule de Claude.
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« Oh toi Lissah, grande prophétesse, toi qui nous quittes, de quoi aimerais-tu nous parler avant de partir ? » Des enfants répond Lissah après un petit moment de réflexion, et elle dresse la liste des conditions qu’il faut, à ses yeux, remplir pour en avoir : un mari pour les faire, une maison pour les abriter, un travail pour les nourrir. Elle dit aussi sa tristesse de savoir que ses parents ne connaîtront jamais les siens et enfin son désir d’avoir une fille "pour lui donner le prénom de ma mère."
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Les patients de l’après-midi vivent en ville, chez eux ou en appartement thérapeutique, sont assistés au quotidien par des infirmiers et infirmières. Ils arrivent l’un après l’autre. Abdel d’abord, grand et fin, en chemisette blanche, à l’élégance naturelle malgré un pantalon trop large et des chaussures usées. Marco ensuite, vêtu d’un pull de grosse laine et d’un épais pantalon de survêtement bien qu’il fasse plus de vingt-cinq degrés. Il est suivi de Maxime, le plus jeune, cheveux ras et larges épaules, entièrement vêtu de kaki, tee-shirt et bermuda. Et de Sandrine enfin, aux longs cheveux blonds tirés en arrière, non attachés, juste passés derrière les oreilles. Christophe me présente, à Sylvie et Hakim aussi, les deux moniteurs d’atelier, ses collègues, et à l’infirmière accompagnant les patients. Une éducatrice stagiaire nous rejoint. Je dis qu’on me propose d’écrire sur le jardin, reste vague, tais mon indécision.
Christophe distribue les tâches, Abdel et l’infirmière aux semis de carottes et betteraves, Sandrine et la stagiaire au ramassage des œufs et nettoyage du poulailler, Marco et Maxime à l’arrosage des arbustes et fleurs. Je reste avec les premiers. Christophe donne quelques conseils : la rectitude des sillons pour l’esthétique, les graines posées à intervalles réguliers puis recouvertes d’une couche de terre, ni trop ni trop peu, et l’arrosage enfin. Il propose de faire en plus un carré à part, sous la toile d’ombrage toute proche, de carottes mauves, des Purple Haze, ajoute-t-il. Je pense à Jimi Hendrix, à son Purple Haze à lui, à la gloire de la marijuana, je ne suis pas le seul. Abdel en chantonne les premières notes.
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Christophe, l’éducateur responsable de l’activité, nous accueille à l’entrée du potager. Je ne sais ce que nous longeons, une allée après l’autre, plans de tomates, carottes ou haricots, reconnais tout de même les salades, admire l’ampleur des feuilles de chêne, les seules que je sache formellement identifier. Nous demeurons un moment devant les collections de plantes aromatiques, Christophe égrène quelques noms, je les oublie aussitôt. Face à un demi-cercle de bâche verte tendue au-dessus d’arceaux métalliques, je tente le mot serre. Toile d’ombrage, me rectifie-t-on. En entrant dans la serre, la vraie, je ne dis rien de l’odeur douceâtre qui y règne, de la tiédeur moite qui m’enveloppe en quelques secondes. J’écoute poliment Christophe nommer les plantes devant lesquelles nous passons, bégonias, dahlias, géraniums…, ne demande pas pourquoi ces derniers sont étiquetés pélargonium, me contente, comme les autres, de frotter entre pouce et index une de leurs feuilles et de sentir le bout de mes doigts. Citron, dit Christophe qui renouvelle l’expérience au fil de notre progression dans l’allée, pomme et cannelle, rose, pin maritime… Quand le temps est mauvais, les patients restent à l’intérieur, poursuit-il, enlèvent les feuilles jaunes, toutes les odeurs se mêlent. Il ferme les yeux, rejette la tête en arrière une seconde, inspire, sourit. J’ai légèrement mal au cœur, hâte de retrouver l’extérieur.
Au bout d’une courte allée gravillonnée s’enfonçant entre salle d’accueil des patients et réserve pour le matériel, c’est le poulailler. Au-delà s’étend une prairie où paissent un cheval, un âne et trois chèvres parmi quelques oies et canards. On aperçoit au loin, surplombés par deux immenses cheminées et une imposante chapelle, les hauts bâtiments en brique rouge de l’hôpital. Thomas propose de me les montrer de plus près. Nous longeons l’unité réservée aux autistes adultes, sa façade imposante percée d’une cinquantaine de fenêtres, toutes fermées, puis la blanchisserie et ses cheminées, gardons le silence le temps que s’amenuise le bruit sourd et incessant des machines à laver. Nous faisons une brève incursion dans un surprenant centre social de style néostalinien, construit dans les années 1950, abritant une piscine et une salle de spectacle, les deux désaffectées, poussons la lourde porte de la chapelle élevée par les fondateurs de l’établissement, les Frères Saint Jean de Dieu, parcourons, pendant plus d’une heure, de larges allées, traversons des cours et espaces verts. Tout est désert, pas une blouse blanche, pas un malade. Nous visitons pour finir un bâtiment blanc, moderne, construit sur un seul étage, la nouvelle clinique, pas encore en service, longs couloirs silencieux et portes closes. Je conviens avec Anne de rencontrer les patients pratiquant l’activité jardinage avant de prendre une décision.
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