"Pouvoir de la destruction créatrice" de Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel est un vaste panorama des explications qui ont été avancées pour expliquer l'émergence d'une forte croissance économique en Angleterre vers 1820, puis sa diffusion, avec plus ou moins de succès, dans un grand nombre de pays, depuis deux siècles. L'ouvrage passe également en revue les évolutions négatives qui accompagnent souvent la croissance et montre comment certains pays parviennent mieux que d'autres à les éviter.
Les auteurs mettent au coeur de la croissance le processus de destruction créatrice décrit par Schumpeter en 1942. Ils insistent sur le rôle fondamental des institutions, notamment sur le contrôle de la concurrence et la lutte anti-corruption. Ils soulignent également l'importance des mécanismes de financement de la recherche et des entreprises innovantes.
Ils terminent en soulignant les rôles que doit tenir l'Etat pour éviter les dérives du marché ainsi que le rôle que doit tenir la société civile pour que l'Etat s'acquitte effectivement de ces rôles. Ils concluent qu'il est ainsi possible de tirer tout le potentiel du mécanisme de destruction créatrice tout en continuant à faire évoluer le capitalisme "vers un système mieux régulé, plus inclusif et protecteur, et davantage soucieux de son environnement" : "Le capitalisme est un cheval fougueux : il peut facilement s'emballer, échappant à tout contrôle. Mais si on lui tient fermement les rênes, alors il va où l'on veut."
Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel se réfèrent à une abondante bibliographie et à de nombreuses études auxquelles Philippe Aghion a travaillé, ils argumentent leur point de vue de manière souvent convaincante et évitent tout dogmatisme.
L'ouvrage, très didactique et illustré de nombreux diagrammes, est accessible sans formation économique. Certains pourront trouver là l'occasion de s'intéresser à une matière à laquelle l'enseignement en France ne laisse guère de place en dépit des enjeux qu'elle recèle.
Cela dit, on constate au fil de la lecture que la recherche économique progresse, que, ce faisant elle s'éloigne de modèles simplistes devenus de moins en moins crédibles pour déboucher sur des modèles certainement plus réalistes mais aussi très complexes et de plus en plus difficile à faire partager à l'opinion publique. En dépit de sa conclusion optimiste, j'ai le sentiment que si les évolutions envisagées par les auteurs sont concevables en France, elles sont probablement très difficiles à conduire.
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Un livre franchement excellent qui m'a plongé dans l'univers de la destruction créatrice et de l'innovation.
"Le pouvoir de la destruction créatrice" offre une variété d'informations claires, accompagnées d'exemples historiques, de graphiques et de statistiques, qui enrichissent la compréhension.
Cependant, je crois important de noter que ce livre est assez technique et demande intérêt et motivation pour être pleinement apprécié.
Une petite critique serait l'absence d'un dernier chapitre proposant des recommandations concrètes pour la France, ce qui aurait permis de mieux visualiser les conclusions des auteurs.
Je ne pourrais que recommander ce livre si vous avez envie de vous coller à la macroéconomie et au pouvoir de la destruction créatrice.
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Ce livre, publié sous le septennat Hollande, n'est donc pas tout récent. Écrit par trois économistes qui ont soutenu la candidature de François Hollande, puis d'Emmanuel Macron, il se défend d'être d'inspiration libérale.
Nos trois auteurs prennent la peine d'analyser les problèmes économiques de la France, d'explorer les actions fructueuses prises dans d'autres pays européens, et de proposer une série de mesures dont le but est triple: favoriser la croissance par l'innovation, réduire la dette, et combattre les inégalités, notamment en réformant le système scolaire.
Les remèdes proposés ne sont guère surprenants. Selon les auteurs, il ne faut pas augmenter le SMIC, car celui-ci ne réduit pas la pauvreté: au contraire, il provoque la stagnation des autres salaires, ceux qui lui sont légèrement supérieurs. Il faut réduire les charges sociales pesant sur les entreprises, ainsi que les impôts sur les sociétés et le capital, car les entreprises ont besoin de capitaux pour investir dans la recherche, seul facteur susceptible de susciter l'innovation, et par conséquent la croissance. Pour ce qui concerne l'éducation, il faut refonder l'école: renforcer le soutien scolaire dès le primaire, et donner une formation d'excellence aux enseignants. Enfin, pour réduire l'endettement de notre pays, il faut profondément réformer l'État: réduire le nombre de fonctionnaires en supprimant les trop nombreux échelons du mille-feuilles administratif (et notamment les départements et les communautés de communes).
Les auteurs plaident aussi pour une politique industrielle cohérente, menée à un niveau décentralisé, où l'on privilégie des secteurs d'activité, et non de grandes entreprises.
Rien de vraiment révolutionnaire dans ces propositions. Le livre est surtout intéressant pour les informations qu'il contient sur les politiques menées dans d'autres pays. Par exemple, on y apprend que la Finlande, bien meilleure que la France pour ce qui concerne l'éducation, n'a pas d'écoles privées! Alors que nous avons non seulement le privé et le public, mais aussi les fameuses grandes écoles, beaucoup mieux dotées que nos universités, et qui sont peut-être la cause de la reproduction des élites et de l'immobilisme...
Car il faut bien se l'avouer, notre système n'est pas facile à changer. On sait bien ce qu'il faudrait faire: supprimer les subventions, les niches fiscales, taxer plus lourdement les successions... mais là, ce serait se mettre à dos les classes dirigeantes. Qui en aurait le courage?
Quelques affirmations m'ont paru assez discutables. Par exemple, selon les auteurs, ne servirait à rien de taxer les plus riches, car aux États-Unis, on observe une corrélation positive entre mobilité sociale et la part du revenu des 1% les plus riches. Soit, mais corrélation n'est pas causalité.
De même, pour contenir les dépenses de santé, nos trois auteurs sont pour maintenir le numerus clausus des médecins, alors que l'on sait bien que nous en manquons cruellement et que la situation ne fait que s'aggraver. Or, d'autres analystes ont déclaré ces jours-ci que la fraude aux dépenses de santé provient à 70%... des médecins eux-mêmes! Mais aucune mesure n'est prévue pour mieux les contrôler. En effet, les professions médicales sont puissantes, organisées, et c'est un électorat qu'il convient de ne pas fâcher, comme l'a montré leur récente tentative de doubler le tarif des consultations.
Malgré ces quelques réserves, les propositions semblent étayées. Certaines ont même déjà été appliquées, comme par exemple la baisse de l'impôt sur les sociétés. Cependant, il s'agit d'un programme global, et pour l'instant, n'appliquer que quelques mesures partielles - celles qui ne fâchent pas les soutiens du pouvoir en place - ne peut pas suffire. Comme disait un célèbre économiste américain, lorsqu'il faut franchir un ravin, ce n'est pas une bonne idée de le faire en plusieurs bonds.
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