UN CHANT POUR ARRÊTER CELLE QUI PASSE
Tes longs cheveux, tes yeux et ton sourire.
Car pour mieux consumer ma bouche sèche, tu souris
Arrête-toi, je me baigne, je meurs
Dans ce sourire. Et tes yeux rient. Tu me relèves,
Tu me fais naître enfin, tu fortifies
Mes forces. Je retourne à ces jours.
Errant alors avec la vanité des livres, le sortilège
Des pensées qui s’entortillent, les mots sans rémission
Une Sorbonne grise et gravitant
Au-dessus de la mort et des gloses, le désespoir
Au terme des tombeaux. Perdu
Parmi tant de concepts. Je n’avais pas vécu,
Je ne connaissais rien : inemployé, vide et de cœur étroit.
Ignorant l’art des mots, titubant de détresse. Tu m’inventais
Pour renaître à l’état de chant, comme la source,
Filant de sa quenouille tresse de jour
Et note pure, maintient la mélodie.
Je tiens de toi notes et mots, ce que je dois savoir.
Ô fruits ensoleillés des premières paroles
Pour nourrir en chemin nos bouches qui se cherchent.
Nos mains mêlées et nos cœurs assourdis,
Même pensée en même temps, et la lumière —
Mais d’où venue cette lumière ?
Pour nous creuser et nous étreindre.
SECRET
Plusieurs vies se sont partagé ma vie
Pendant que je ceinturais la terre.
Il ne sert à rien de rêver :
Je croyais étreindre les astres,
Sonder l’intensité de l’ombre.
Ciel où l’être perdure. Mer couleur de papier
D’emballage et le môle. Épervier d’une grue,
Drague épileptique avec son bruit de rouille
Dans le chenal. Mais le navire à quai
Pour l’aventure. Rien sans exil ni solitude.
Je ne chercherai plus dehors ce qui est au-dedans
Le convoi lent de la sagesse et les images.
Sur cette terre aux masques blancs
D’Hécate, aux sauvagines
Sur les marais que troue le groin des barques,
Je craignais de me perdre : loin de toi
Le monde est mort, halliers déserts.
Souris-moi, parle de ta voix
Grave et douce et légère, joyeuse,
Des profondeurs et de ce temps.
Tes pas traversent doucement
La neige du silence et l’ombre sous les arbres.
Ô fée vêtue de fleurs.
Ta main au feu des bagues.
LE CHANT REDÉCOUVERT
Le chant dormait sans grand litige
Dans le hamac de ses mesures.
Tu le pressens, tu m’encourages :
Traverse à cet endroit la mer.
Je m’endormais dans tes mains, douce barque.
Je voguais dans tes mains.
J’étais le matelot de ton ardeur.
Le chant habite un rythme de la mer.
Nouveau Jason, j’allais le conquérir.
Dans les sources cachées, sur les toitures.
Jour est le nom du chant et nuit sa musique.
Une cigale aigüe sous les pins parasols. l'invisible scierie, son
obsession
d'été cachée entre les pierres