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Critiques de Philippe Naumiak (4)
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Ukraine 1933, Holodomor

Enfant dans les années 50, j'ai grandi à Paris dans un milieu ouvrier et mon père était coco. Aujourd'hui encore, je garde un souvenir ému de cette période de ma vie : la franche camaraderie du monde ouvrier, la Fête de l'Humanité juchée sur les épaules de papa, les Choeurs de l'Armée Rouge... Ah, les Choeurs de l'Armée Rouge ! J'en frissonne encore d'émotion, "Plaine ô ma plaine...", j'étais à des lieues de mesurer toute la souffrance qui planait sur ce chant magnifique.



Adolescente, je rêvais toujours du grand soir...

"Du passé faisons table rase,

Foule esclave, debout, debout

Le monde va changer de base,

Nous ne sommes rien, soyons tout.

C'est la lutte finale ;

Groupons nous et demain

L'Internationale

Sera le genre humain."

Comme il était beau et grand mon idéal que je défendais le poing levé et le front haut, étouffée par mon ignorance et confortée dans l'existence facile dont jouissait la petite parisienne dogmatique que j'étais.



Même aveuglement borné de 17 à 25 ans alors que ces huit années proche de la famille de mon premier amour auraient dû me faire douter de mes "convictions". Le père de celui-ci était d'origine ukrainienne : Vladimir Atamaniuk était arrivé en France dans le milieu des années 30 à l'âge de six ans, ne parlant pas un mot de français. Quand je l'ai connu il avait un garage de carrosserie-tôlerie, rue de l'Égalité (un signe) et pour tout le quartier, il était M'sieur Vladi, un homme apprécié de tous, travailleur, bon père de famille et qui...taisait obstinément toute la partie de sa vie liée à son enfance. Je viens de comprendre maintenant que si je connaissais bien M'sieur Vladi, je n'ai jamais "rencontré" Vladimir.

Je ne me suis pas plus posée de questions quand nous allions voir sa grand-mère Ioulia, avec son éternel fichu sur la tête, son tablier à fleurs et qui, malgré toutes ces années en France ne s'était jamais départie de son accent ukrainien. Je trouvais incongrue cette manie qu'elle avait de cacher dans ses placards, ses armoires, des quantités astronomiques de conserves, de denrées pour la plupart périmées et même du pain rassis ou du beurre rance, comme s'il y allait avoir la guerre demain. Ça me suffisait de penser que la vieille dame était un peu folle. Je sais maintenant que c'était le symptôme des survivants du Holodomor.



J'écrasais de mon mépris ceux qui tentaient de m'ouvrir les yeux sur les pratiques staliniennes ou maoïstes et la réalité de la dictature communiste. Je leur ricanais au nez en niant tout en bloc, les renvoyant à "leur trouille et à leurs fantasmes réactionnaires".

Ma ferveur a commencé a s'étioler timidement dans le début des années 70 à peu près au même moment où Yves Montand - notre icône - a reconnu officiellement son aveuglement face au Stanilisme. Aveu (tel le titre de son film) qui lui a valu pour les communistes français, tel mon père, d'être considéré comme un traître à la cause.

Cette prise de doute liée à ma curiosité et à ma passion de la lecture a, rapidement et définitivement, mis un terme à mon étroitesse d'esprit et détruit à jamais en moi toute volonté d'adhésion bornée à une idéologie quelle qu'elle soit.



Ce que je viens d'écrire n'est pas dans l'intention de vous raconter ma vie ni dans l'idée de m'auto-flageller mais pour confirmer que tout ce dont témoignent Philippe et Anne-Marie NAUMIAK dans le chapitre "Le déni de mémoire ou de la difficulté d'être Ukrainien en France", est l'absolue vérité. Je le sais parce que je l'ai vécu et y ai participé. Participé sans réelle méchanceté mais par pur esprit dogmatique tel que l'on peut en être capable quand on est jeune, ignorant et un peu trop bêtement idéaliste.



En 2008, mon fils alors âgé de 24 ans, a entrepris un périple à travers l'Europe dans sa petite Kangoo qu'il avait lui-même aménagée de manière à pouvoir y dormir et manger à moindres frais. Le hasard l'a conduit à Uzhgorod, à la frontière de la Slovaquie et de l'Ukraine. Là, dans des circonstances totalement ubuesques que je ne développerais pas ici car ce n'est pas le sujet, il s'est retrouvé emprisonné durant quatre jours puis assigné à résidence durant plus deux mois à Uzhgorod. À noter qu'à cette même période huit autres jeunes Français ont été victimes des mêmes abus de pouvoir orchestrés par les douanes, la police et le système judiciaire ukrainien toujours aussi véreux malgré l'arrivée au pouvoir du Président Viktor Iouchtchenko (2005-2010) pourtant déterminé à lutter contre cette corruption. Force est de constater que les manières russes sont toujours aussi actives en terre d'Ukraine et que le premier à en souffrir est le peuple ukrainien lui-même.

Seul le fait que l'Euro était, à cette époque,sept fois supérieur au Hryvnia nous a permis de sortir notre garçon de ce mauvais pas. Nous avons, en effet, très vite compris que ce pays n'était pas un état de droit et que seule notre acceptation des règles du jeu (de leur jeu) et quelques milliers d'euros, nous permettraient d'obtenir les bonnes grâces des fonctionnaires locaux en place et d'envisager une issue heureuse.

Je voue une reconnaissance infinie à Igor, Iegor, Oksana, Irina, dont l'humanité et le soutien nous ont aidés à ne jamais perdre espoir. Irina et moi avons correspondu par mail pendant deux ans jusqu'à ce que je sente qu'il fallait y mettre un terme car la liberté de parole dont je jouissais en tant que Française pouvait la mettre en porte-à-faux. L'arrivée au pouvoir en 2010 de Viktor Ianoukovytch, ouvertement pro-russe (il avait d'ailleurs fait son discours d'investiture en russe et non en ukrainien) avait changé la donne.

C'est également en 2008 que, dans le petit magasin où je travaillais, j'ai lié connaissance avec Vladimir, un vieux monsieur Ukrainien qui, un jour, au cours d'une conversation m'a révélé que son oncle était mort de faim dans un champ de blé... Mais là encore, je ne savais rien du Holodomor et Vladimir n'a pas vraiment développé.



Aujourd'hui, je sais. Je sais l'horreur de cet Holodomor et j'aimerais tant que le plus de personnes possible aient la curiosité d'également "savoir". Savoir ce que la France dans sa complaisance affectée envers les dictateurs de gauche a préféré passer sous silence alors que le Canada, par exemple, a depuis bien longtemps reconnu cette atrocité pour ce qu'elle était : un génocide.

Ce livre est un véritable choc. Tous ces témoignages m'ont bouleversée au plus haut point. Toute cette souffrance tue durant des décennies, cette parole que l'on vient enfin de donner aux survivants d'un crime contre l'humanité qui s'est déroulé il y a seulement quatre-vingt-quatre ans dans l'indifférence générale... Oui, il s'agit bien d'un génocide. Et, non, nous ne pouvons plus désormais feindre l'ignorer.
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Ukraine 1933, Holodomor

HOLODOMOR est le terme qu'utilisent les Ukrainiens pour désigner le génocide par la faim contre le peuple ukrainien (holod = faim), qui eut lieu en 1932-1933 et fit 6 à 7 millions de victimes.

Je suis la soeur des auteurs, Philippe et Anne-Marie Naumiak. Notre père était un survivant du Holodomor (âgé de 7 ans en 1933), réfugié en France en 1945 et décédé en 2011.

Ce livre est un témoignage pour l'Histoire : « Notre démarche n'est pas une quête de racines que nous n'avons, du reste, jamais oubliées. C'est un retour que nous savions inévitable aux sources d'une tragédie familiale, politique, mémorielle, nationale et religieuse dont nous sommes les témoins et les héritiers. »

Après avoir retracé l'itinéraire de notre famille, Anne-Marie et Philippe livrent au lecteur des récits authentiques, recueillis en Ukraine en 2010 en compagnie de notre père, dans lesquels les derniers témoins du Holodomor racontent l'horreur – inimaginable, indicible, absolue – qu'ils ont connue.



La préface est de l'historien Stéphane Courtois, auteur du Roman noir du communisme. La postface est de l'historien et diacre Didier Rance.

Le voyage en Ukraine en 2010 a fait l'objet du documentaire de la journaliste Bénédicte Banet, "Holodomor, le génocide oublié", dont on peut se procurer le DVD en écrivant à sa soeur Janette le Mogne : jlemogne@gmail.com

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Ukraine 1933, Holodomor

J'ai bossé sur l'Holodomor pendant 3 ans, dans le cadre de mes recherches en Histoire: j'ai écris un mémoire de 230 pages dessus. J'ai des origines ukrainiennes, lointaine certes, et par le biais de quelques allusions de mon grand-père, j'ai fini par lire des témoignages et j'en ai gardé un souvenir traumatique alors que j'étais pourtant largement au collège. C'était absolument terrifiant et le silence autour m'angoissait davantage. C'est le sujet central du livre, que j'ai donc lu, et les descriptions de la répression de la mémoire sont assez terrifiantes et nécessaires. L'introduction est pertinente dans son explication des raisons qui font que c'est un génocide. Mais ma mère n'a jamais voulu blâmer le communisme. Pour elle, ça n'a jamais été appliqué, et elle a toujours voté PS. Une intelligence et un recul que les auteurs de ce livre n'ont pas. J'estime être très bien placée pour dire que ce livre contient beaucoup d'informations importantes sur la répression de la mémoire, sur les ravages du négationnisme et sur la transmission du traumatisme chez les descendants. Mais semble avoir été écrit pour de mauvaises raisons et ça c'est grave.



Ce qui est dommage c'est que la haine traumatique des auteurs envers le communisme fait que ce livre dénonçant la propagande pro-soviétique ressemble beaucoup à de la propagande pas subtile, écrite par des gens au vocabulaire assez ordurier. Ironique pour des gens qui blâmaient les Soviétiques de leur impolitesse. En gros, le chapitre central de ce bouquin, c'est juste un combat d'infirme. Bien entendu, les négationnistes staliniens xénophobes et suce boules sont prodigieusement détestables et sont une raison légitime de cet anti-communisme viscéral. Ces occidentaux blancs bouffis de privilège qui se permettent d'opprimer les immigrés non-occidentaux, traitent de fascisme quand on connait l'alliance entre Staline et Hitler, tout en étant persuadés d'agir pour le bien des travailleur...S'ils sont occidentaux hein. Est-ce parce que communistes ou juste racistes? Difficile de savoir. La russophilie française n'est-elle pas plutôt l'expression d'une solidarité entre colonisateurs chauvins et impérialistes? Difficile de le savoir aussi. La xénophobie anti-ukrainienne, les héros et les victimes vues comme russes et les collabos comme ukrainien, c'est malheureusement vrai en France. Les Français n'aiment pas les victimes, ça leur rappelle trop leurs crimes. Tout comme on occulte, comme ils le rappellent, que la Shoah est un crime occidental, déplaçant doucement le blâme sur les Slaves... Et ça expliquerait à certains à droite pourquoi oui, certains immigrés ont le droit de ne pas aimer leur pays d'accueil. Car oui, ce système la droite aussi l'encourage, pourquoi n'est-elle pas également blâmée? Il n'est fait qu'une fois mention du caractère anti-ukrainien de la droite française nationaliste.

En effet, les auteurs sont entretiennent volontairement un confusionnisme prodigieusement agaçants entre les gens de gauche et les rouge-bruns, au point qu'on se demande si ils se trompent réellement d'ennemis ou s'ils se servent juste d'une tragédie familiale pour établir leur propagande droitiste. Ils ne s'en cachent pas, osant prétendre que le libéralisme capitalisme est un meilleur système économique que le communisme. Sympa de glorifier le système responsable entre autre de la morts en masse de millions d'Indiens et d'Irlandais, qui ont souffert comme vous du colonialisme. Cette même stupidité politique les pousse à épouser la théorie du génocide vendéen et la haine de la révolution, à nouveau, riche idée quand on est originaire d'un peuple de paysan de cracher sur une révolution qui visait à écraser la société des trois ordres. Vous avez souffert sous l'empire russe pourtant?

De plus, ils ne confondent pas uniquement tankies et socialistes: c'est bien simple, tel un McCarthyste excité, ils accusent les communistes de tous leurs maux. Bien sûr, si pour les profs et les élèves l'Ukraine n'existe pas, ce n'est pas à cause du manque d'ouverture d'esprit des Occidentaux et de leur xénophobie, non, la prof est forcément communiste. Et que dire de la propagande d'extrême droite qui confine au hors sujet: citation de livre sur le choc des civilisations (coucou les théories fascistes!), osant présenter les catholiques comme la communauté religieuse la plus persécutée en France, et se comparant aux juifs avant la guerre. C'est une véritable honte de tenir de tels propos dans un livre qui essaie de nous parler d'un crime contre l'humanité: des gens mal intentionnés pourraient faire passer tout le livre pour un ramassis de mensonge. Cela représente juste une petite partie du livre, on est d'accord, mais c'est un vrai problème. Alors, certes, parler du génocide puis d'un mémoricide c'est important. Mais si c'est pour propager des idées nauséabondes en exposant un détestable sentiment de supériorité, cela en devient dangereux.



J'ai vu le documentaire auxquels ils ont participé, qui se concentre sur la partie de témoignages que je ne vais pas critiquer. Ce sont des témoignages. C'est extrêmement violent, comme on l'imagine, et je le conseille davantage. Mais rien que parce que je sais de sources sûres que cela a été écrit par des gens de la manif pour tous ( ils sont chrétiens juste parce que ça permet d'opprimer on dirait!) , évitez ce livre. On peut être lgbt et venir d'un pays ex-communiste. Et le monopole de la droite sur la dénonciation des crimes soviétiques doit cesser. Il faut reconnaître l'Holodomor comme un génocide mais on y arrivera pas comme ça.
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Nouvelles d'un pays perdu Bretagne

Ce reccueil de nouvelles de mon frère, dont les histoires se situent en Bretagne à une époque chrétienne aujourd'hui oubliée, a reçu un prix.
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