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Citations de Pierre Rive (26)


J’ai dans la gorge l’eau du ciel
La porosité du sol
Et
L’eau vive crache
Entre les muqueuses de mes joues.

Je suis la force et la simplicité
Le cordon transparent
Que l’on ne peut couper
Le chant infini des fissures.

Les troupeaux de la fatuité
Dédaignent mon bassin
Les puits contaminés
Implorent ma pureté.

J’ai vu l’orgueil
Pleurer sur son miroir
Et l’enfance éclabousser de rires
L’insouciance des chemins.

Fontaine
Tapissée de feuilles mortes
Fontaine
Avec les mains froides de l'hiver
Fontaine
Avec des bourgeons qui se dégrafent.

Je suis la force et la simplicité
Le cordon transparent
Que l’on ne peut couper
Le chant infini des fissures.

Et
Quand le jour ferme ses paupières
Les étoiles viennent se désaltérer.



Fontaine
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Extraits :

Voiles mortes
Dans le feu du soleil
L’identité s’oublie
Dans le scintillement de la mer.
Le couteau de l’air
Fait saigner les veines du rêve.

La mer a laissé
Entre les mains de l’absence
Les tourments.
Les ailes des palmipèdes
Dessinent la faim
Dans l’infini bleu du ciel.

Mer calme


Plume sur la plage
Sur la plage de ma main
Le sable comme des ruisseaux
Entre les roches de mes doigts.
Des musiques s’enroulent
Sur les branches de l’espace.

Plume
D’un oiseau sans forme
Sans nom
Invisible
Et pourtant si présent.

Plume
Dans l’encrier du cœur
Plume de sang
Avec ses fleuves
Ses estuaires
Ses voiles qui claquent au vent.

Plume sur la plage…

Plume
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La neige a tout mangé
Attablée
Avec sa grande serviette blanche.

La neige a mangé
Les arêtes, les murs
Les tapis de feuilles mortes.

La neige a mangé
Les bruits
Le temps passé.

Et le ciel est nu
Sans nuages
Et palpite à son cou
Un soleil éblouissant.

Et les branches
Chargées de silence
Laissent des flaques d’ombre
Aux langues du froid.


La neige
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Un chien
Un chien qui aboie au cœur de la nuit
C’est rassurant.

Au cœur de la nuit
Quand les hommes dorment dans leur prison.

Un chien
Un chien qui aboie dehors
Un chien sans laisse
Et qui retrouve son instinct primitif
C’est rassurant.

Au cœur de la nuit
Quand les hommes dorment dans l’impuissance
De leurs jours.


Un chien
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La musique des phrases
Sur les lèvres des murs.

Dans le cendrier
Se cristallisaient des rêves.

Entre les doigts jaunis
De l’adolescence
Se consumait le feu du désir.

Le tabac embaumait
Les cadavres des étoiles.

Celles qui avaient pris naissance
Au bout de la plume.


*


Étoiles mortes
Sur les feuilles accumulées.

Allongé sur le sable de la nuit
Avec sa nudité
Une mer noire venait pincer sa nuque.

Entre les barreaux du ciel
Des rayons lunaires
Inondaient son front.

Et se réchauffaient
Les danseuses de l’âme
Dans les avenues de l’ardeur.

*


Se hissaient les voiles de la faim
Les lumières mangeaient les gouffres.



Les nuits
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La sève écume
Entre ses bras puissants
Où foisonnent des fruits amers.
À son pied
Bientôt des tapis de glands
Où viendra se goinfrer la faune.

Ses feuilles s’abandonneront
À la rousseur de l’automne
Et le soleil
Viendra y faire son miel
Douceur
Dans sa ramure frémissante.

L’hiver lâchera ses fauves
Contre la cuirasse du végétal
Et les serpents de la nudité
Chercheront à l’étouffer.
Mais sous sa robe brune et fripée
Bourgeonneront déjà les armes
Qui couperont la tête
Aux bêtes belliqueuses.

*

Tels des papillons
Les fleurs se sont envolées
De l’écorce des bras.

Entre les doigts de la pluie
Agonisent encore
Les derniers pétales.

La blancheur de l’arbre
Se noie
Dans le fleuve du temps.

Laissant apparaître
Des petits fruits verts
Aux longues queues.

Bientôt
Charnu et fruité
Le rouge sera mangé
Par les becs de la liberté.

*

Respirant
La poussière des chemins pierreux
Et la peau aride de la terre
L’arbre trapu
Au tronc noueux
Et au feuillage argenté
Se moque des ardeurs du soleil.

Il suffira
De quelques olives
Pour que les ombres lui serrent la main.


Extrait ( Arbres)
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Le fleuve du songe se perd
Dans l’étendue grandissante de l’estuaire
Comme un fantôme dans les couloirs des vagues
Avec la cendre des chevaux dans les paumes
Avec des poissons aveugles
Et les chaînes de l’obscurité.

La corne de brume sonne le dos des récifs
L’épaisseur opaque étouffe le rivage et les cris des ailes.

La mort
La mort vivante enracinée aux coutumes
La mort étend ses branches vénéneuses.

Mais quand le soleil perce
Les lèvres de la faim
Glissent sur le derme du ciel.
Le parfum du verbe
Vient aux narines de la mer.
Les lumières se propagent
Et sur sa monture épicée
Le vent jette l’inertie aux mâchoires
De la voracité.


Percée

Froidure du désert de la nuit
Le souffle qui sortait des lèvres du sable
Est allé se perdre dans une mer étoilée.
Malgré ses barques obscures
Le frisson rassuré par l’immensité
Rajuste sa couverture.

Entraves poignardées
Dans des ruelles lumineuses
L’iode du ciel enivre
Les poumons d’une naissance.
La cruche du silence
Déborde de phrases.

Comme dans le ventre d’une femme
Le caravanier entre dans un jardin
Où l’humidité sort son archet.

Avec
Sur les feuilles
Le sang d’un placenta.


Naissance
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Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse.
Ce n’est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot.
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Extrait:

Qui a cru aux chants de l’oiseau ?
Quand la ville dormait
Quand les paupières des maisons étaient closes.
La nuit, comme un océan inanimé
Et son encre étalée sur les pierres érodées.
Quand les hommes reposaient
Atrophiés, défigurés
Repliés dans leur bazar de miroirs
Et de fausses certitudes.

Qui a cru aux chants de l’oiseau ?
Aux portes lunaires
Plumes sur la branche de l’instant
Phrases dispersées et retrouvées
Sur les lèvres du vent.
Quand les arbres tendaient leurs bras
Aux moissons du ciel
Et s’enlaçaient dans les bruissements
L’amour à fleur d’écorce.

Qui a cru aux chants de l’oiseau ?
Quand son bec vorace
Lacérait les robes de la laideur
Et se gavait de souffles divins.
Sa poitrine tachetée de lumières
Emettait des musiques sans fin.
Les ailes déployées, saisissantes
Dans les feux ardents
Du rêve.

Je l’entends toujours
Parmi mes navires nocturnes.
Serait-ce une sirène
Mi-femme mi-oiseau ?
Inutile de m’attacher à un mât
Ou de mettre de la cire
Aux oreilles des mots
Car je sais qu’elle a le front blanc
Et les yeux clairs.
Nous avons voyagé
Sous les mêmes étoiles
Nous avons eu
Les mêmes soifs.
Mes os orneront
Son abri de ramures
Et
Son visage
Aura toujours les mêmes traits.


Qui a cru aux chants de l’oiseau ?
Quand les hommes muselés
Pleuraient dans leur bazar de fausses certitudes.

Je l’entends toujours
Parmi mes rides.
Euphonie soudaine
Embruns sur les roches nues
Ombres des éclats
Ondulant sur les draps de sable.

Alors
Revient la faim
Et son cortège de clartés
Comme des halos au creux des vagues
Dans une mer insatisfaite d’écume.

Et
Dans cette sueur
La longue étreinte
Du songe et du souffle.

Qui a cru aux chants de l’oiseau ?

Je connais des créatures
Que l’on montre du doigt
Comme un fléau.

Je connais des créatures
Que l’on prend pour des bêtes
Mais
Dont les mélodies apaisent
Et dont les pelages
Se roulent de plaisirs
Dans les herbages du verbe.


Qui ?
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Chère Rose,


Je ne savais plus quoi penser de notre dernière rencontre. Il y avait tellement de sensualités dans vos gestes et sur votre visage. J’ai eu l’impression d’avoir passé ma vie à ramer dans un océan de pauvreté. C’est pourquoi, depuis peu de temps, j’ai investi dans un aéroplane. Cela afin, de survoler ma triste personnalité, de pouvoir vous approcher sans ressentir cette affreuse pesanteur qui déstabilisait mon armure et dégradait mes articulations. J’avais beau mettre de l’huile, à chaque fois que je vous apercevais – vous, si belle et si fragile – j’avais le palpitant qui commençait à rouiller, la langue chargée, les amygdales grosses comme des roupettes, et la salive figée.

Le jour fatidique où nous avons décidé de nous rencontrer pour une sérieuse conversation sur notre devenir, vous m’attendiez dans une jolie prairie fleurie. Alors, vous m’avez vu arriver tel un aigle royal. Mon zinc dessinait de grands cercles dans l’azur, et un vent douceâtre soulevait votre robe, laissant apercevoir votre superbe calbute à rayures vertes. Le preux chevalier du ciel faisait des acrobaties, tandis que vous restiez la bouche ouverte, émerveillée. Vous aviez toujours cet éblouissement dans la mâchoire, lorsque je décidai d’atterrir sur des tapis de pâquerettes. Mon aile gauche a emporté votre dentition, et c’est à ce moment là que je me suis aperçu que mes freins ne fonctionnaient plus. Ma belle Rose, je fus complètement désemparé lorsque mon appareil est allé se cogner avec fracas contre un bosquet de peupliers. Avec le choc, je me suis mordu la langue, et un morceau de viande est venu se plaquer sur le tableau de bord. Depuis ce temps-là, nous ne nous parlons plus.


Et je peux vous affirmer que c’est bien dommage !
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Extrait :

Mettre dans le fourneau de la pipe
Les plateaux, les arbres tourmentés, les ciels gris
L’ébène des falaises
Les sentiers accidentés qui mènent aux criques.

D’un coup de hache
Couper les amarres
Et se retrouver devant les étendues d’eau qui remuent
Dans le clair-obscur de l’immensité.

Se laisser aller au tangage
Avec les fils du vent sous les aisselles.
Ecouter les joueurs de flûte
Qui charment les serpents aux lisières des vagues.
Boire le sang du ciel
Parmi les feuilles des nuages.

Fumer le crépuscule
Et les cris des oiseaux.
Caresser les cordages
D’une main rêveuse.

Quand le phare n’est plus
Jeter les filets
Et sentir le bec de la chouette
Pincer le cou du pêcheur.
Et sentir éclore les bourgeons de l’instant
Dans le silence des étoiles.

Sur le pont
Les poissons dévorés
Par des lumières insatiables.




Pont
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Extrait :

Il secoue sa crinière :
Des poux de lumière tombent à terre.

Ses griffent lacèrent le cuir de l’existence.

Ses crocs mordent la chair du vent.

La gueule en sang
Il se lèche les babines.

Ses rugissements se perdent avec l’aurore.

Repu
Il se couche dans la poussière
Les yeux brûlés
Par
Les étoiles.


Le Lion
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Extrait :

La vieille gare

La vieille gare - J’ai vu tant de trains passer dans mes entrailles, j’ai vu tant de trains. Certains venaient de loin, avec encore les lambeaux de la nuit, avec sur les vitres la pluie et le sang des arbres. Leurs roues crissaient dans mon intestin, et je digérais aventuriers, travailleurs et vacanciers. J’ai vu tant de trains, les yeux givrés, ou le dos cuit par le soleil des étés.

Le quai de la gare - J’ai vu tant de passagers sur mon tapis bétonné, j’ai vu tant de passagers, et j’étais le serviteur de leurs jambes animées. Certains étaient pressés, conditionnés par les ficelles du gagne-pain et des affaires. D’autres, heureux de prendre un repos mérité.

Le café de la gare - J’ai vu tant de fessiers sur mes chaises, j’ai vu tant de fessiers. De toutes les rondeurs, de tout acabit. J'ai vu l'angoisse comme un masque quand la fatigue des ouvriers venait se rincer le gosier. J'ai vu la colère montrer son poing avec des musiques de verres brisés. J’ai vu des ongles rongés d’impatience, et la joie danser, quand descendait du compartiment l’être désiré. J’ai entendu des halètements et des cris enfiévrés qui venaient des toilettes.

La vieille gare - Mes pauvres amis, mon pauvre tapis et mon cher café. Bientôt, je vais fermer mes portes pour toujours. Nous ne serons plus qu’une impasse, des rails absurdes mangés par les herbes. Il n’y aura plus de vélos posés contre nos murs, plus d’amoureux à se bécoter dans les coins, plus d’attentes de convois. Mes pauvres amis, nous ne serons plus que des pierres fissurées, imbibées par les intempéries. Les enfants viendront crever nos yeux, et nous abriterons le grand bal du désespoir. Enfin, nous serons certainement la proie d’un promoteur et d’un maire assoiffé de pouvoir.
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Extrait

Il ne fallait pas croire tout ce que l’on disait dans les îles.
Tu n’avais pas un corps d’oiseau
Ni des griffes acérées
Et ton chant n’attirait pas les marins vers les récifs.
Tu n’avais pas une longue queue de poisson
Ni un visage hideux
Ni un gîte au fond d’un gouffre salé.

Tu étais une femme avec des courbes voluptueuses.
Ta chevelure ambrée dans le feu changeant du soleil
Et tes yeux avec des trésors enfouis.
Tu avais les seins fermes
Toujours offerts aux mains des vagues
Et nos deux corps s’élançaient dans les ondes ;
Nous nagions au loin.

Tu le savais
Que les hommes vivaient dans des flaques boueuses
Suintant la suffisance et la laideur.

Tu le savais
Que je reviendrais toujours vers toi
Comme un amant fou.

Il ne fallait pas croire tout ce que l’on disait dans les îles.
Tu n’avais pas un corps d’oiseau
Ni des griffes acérées.

Tu étais une femme avec des courbes voluptueuses
Une femme fictive
Qui lâchait ses chiens de sable
Parmi les bosquets d’algues
Dans la verticalité d’une mer
Où s’ancraient les navires du rêve.

Tu le sais
Que les hommes vivent dans des flaques boueuses
Suintant l’avidité et l’ordure.

Tu le sais
Je reviendrai toujours vers toi
Comme un amant fou.

Nous nagerons au loin.


La sirène
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Extraits :

C’était une belle matinée d’automne, le soleil était doux, on aurait pu boire à sa source sans se brûler les lèvres. Les allées, les pelouses, et les trottoirs étaient déjà jonchés de feuilles mortes. Encore, quelques dahlias aux couleurs éclatantes levaient la tête.

En sortant du tram, j’ai rencontré un ami que je n’avais pas vu depuis plusieurs mois. C’est toujours pareil, on se dit que… Et puis le temps passe, on oublie de se voir, on a ses occupations… Je lui ai donc proposé de prendre un café, de griller une cigarette, de faire un peu la causette. Le serveur était à peine arrivé avec son plateau fumant que le portable du compère s’est mis à sonner… J’allais lui dire que… lorsqu’une deuxième sonnerie a fredonné… J’aurais voulu savoir si… une troisième sonnerie… Je commandai donc deux autres cafés, et lui demandai des nouvelles de… lorsqu’il m’a prié de l’excuser, car il avait un message à écrire. Il a tripoté son clavier pendant que je payais l’addition…

En sortant du bistrot, nous nous sommes serré la main, et il m’a dit : « Tu sais, ça fait du bien de pouvoir discuter avec un ami de longue date ! »


Téléphone

Les villes deviennent invivables, saturées de klaxons, de crissements de freins, et d’émanations d’essence. Il suffit que l’homme se trouve en face d’un volant, d’un seul coup il devient le maître du monde. Il manipule son levier de vitesse comme s’il palpait son pénis dans l’arène du sexe. Il ouvre sa fenêtre, invective, fait des appels de phares, double avec condescendance. De plus, la voiture est devenue le symbole de la réussite sociale, ce n’est pas l’outil pragmatique, telle la pointe réclamant le marteau, mais la foire des envieux et des arrogants. Et puis, il faut dire que le monde a changé, les femmes sont arrivées sur le marché du travail. Après une lente émancipation et un épanouissement intellectuel, la douce maman du foyer est aujourd’hui devenue la reine du bizness, la prêtresse d’une pyramide infernale – paradoxalement, elle reste l’objet à dentelles, la publicité et le marketing lui tirent des aubades à tous les vents. Cependant, la femme libérée utilise une voiture pour aller œuvrer, et il n’est pas rare de voir des troupeaux sur les banquettes des attelages. Quant à la progéniture, il a grandi entre deux machines à polluer, et son premier geste est de caresser la pédale d’accélérateur.

Alors, tout ce beau monde vient envahir les rues et les boulevards périphériques. Et tant que le pétrole rapporte, on n’est pas encore disposé pour d’autres solutions.




Les voitures
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Extrait :

Acte 4


Sur les remparts de Troie, le roi converse avec son fils.


Priam

- Depuis que Pâris a ramené sa greluche de Sparte, on est dans la merde. Et, on s’enlise un peu plus chaque jour. Il y une odeur de putréfaction dans les rues de la ville. Les citoyens ne sont pas folichons. Et, avec le réchauffement de la planète, l’odeur ne fait que s’amplifier. On va finir dans la mélasse avec deux doigts dans le tarin. On va avoir bonne mine, si un jour ils trouvent nos fossiles. Ils vont nous prendre pour des extra-terrestres. .. Je vois déjà le tableau… Et puis cet Achille, ça fait déjà cinq ans qu’il fait le fanfaron devant nos portes. Ça fait déjà cinq ans que nous nous affrontons comme roulés par les vagues d’une mer en fureur.

Hector

- Il vrai que le frangin a toujours été un mordu de la fesse et de la motte. Maintes fois, je lui ai dit d’envoyer sa cocotte valdinguer dans les poubelles. Simplement, madame est une bonne vendeuse de sucettes. Madame a la menteuse bien accrochée et elle sait très bien rouler des galoches. Madame a les frusques les plus chéros de tout le voisinage. Et, à force de jouer du valseur avec ses jupettes au ras de la moule et ses talons hauts, elle va finir par créer la zizanie chez les familles honnêtes.

Priam

- Ah ! Ah les femmes ! Les femmes ! ( D’un coup de paluche, il écrase une colonie de mouches sur son front auguste) Quand on élève des biques, il y a moins de problèmes !

La petite cosette

- Quoi les femmes ! Quoi les femmes !

Scapin

- Vous n’avez pas vu Léandre ?
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Extrait :

Il faisait chaud sur le parking. J’ai toujours aimé la chaleur. Habiter au Brésil parmi les femmes qui se trémoussent ou dans un petit village de pêcheurs entre les murs blancs de la Grèce, cela me serait très agréable. Certes, l’image du Brésil est un leurre : la profusion de la misère, la pollution de la baie de Rio… Certes, les statues qui ont bercé de légendes ont tendance à s’enliser dans les marécages de nos soirées coutumières. Cependant, retrouver le geste essentiel, raccommoder les filets, manger à sa juste faim, boire le sang du crépuscule me serait vraiment très agréable.

Mais, j’étais garé devant ce parc dans une ville pieuvre dont les ventouses happaient avec avidité les campagnes environnantes. Pourtant, des branches lourdes traversaient les grilles impunément avec des dégradés de vert. Dans la chevelure des arbres, murmurait déjà un monde nouveau. On aurait dit que la nature voulait retrouver ses droits sur le bitume. Le parking était désert ou presque, un chien urinait devant une cabine téléphonique en péril. C’était l’heure de midi, et je m’apprêtai à faire fondre la graisse de la quarantaine.

J’avais mis mes chaussures de sport, et j’étais en train de verrouiller ma vieille carrosserie, lorsqu’une voiture est venue se ranger juste à côté de la mienne. Effectivement, sur un parking désert, venir s’aligner à cet endroit me parut bien étrange. Enfin ! Il y a plus étrange ! J’ai donc jeté un coup d’œil sur le conducteur, je ne voyais pas grand-chose avec les reflets que faisait le soleil. Je me suis accroupi pour serrer mes lacets. La vitre s’est baissée, laissant apparaître un visage féminin.

La femme souriait. Dingue ! Une femme qui se mettait à sourire ! Il est possible que ce soit un phénomène de société, je trouve que les femmes sont de moins en moins souriantes : le stress, le travail, la compétition, les embouteillages, le sida, l’équilibre amoureux, la mignonne abandonnée avec son rejeton, la donzelle qui cherche le prince charmant à chaque coin de rue, le boutonneux qui pique sa crise… La libération des mœurs n’a pas arboré que de bonnes choses. Non seulement elle souriait, il faisait beau. Je n’ai jamais eu la moindre aversion envers les gens de couleur : elle était noire, et son faciès était racé.

Il y avait quelque chose de risible. Je me trouvais avec mon short et mes jambes pleines de poils en face d’une black qui laissait glisser sur son nez des lunettes avec montures dorées. Le rouge vif qu’elle portait aux lèvres ne contrastait pas vraiment. Cependant, dans le blanc de ses yeux, on pouvait s’y perdre, assurément.

Le besoin de séduire qui m’avait tenu la main pendant des années avec fougue ne faisait plus partie de mes rituels. Cependant, faire un brin de causette n’était pas interdit. Je me suis accoudé à sa portière, comme on s’accoude sur le muret du voisin pour lui parler des légumes ou des fleurs de son jardin. Il y avait un livre sur le tableau de bord. Je lui ai demandé si elle aimait la littérature. Elle m’a montré la couverture de l’ouvrage : c’était une collection à l’eau de rose. Tous les goûts sont dans la nature, pour ma part, l’eau-de-vie et l’eau de rose… L’écriture n’est pas uniquement ce nid où les chenilles sortent à la file indienne comme des majorettes sous un ciel merveilleux.
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Extrait :

Il vaut mieux se taire quand on n’a rien à dire. Déjà, cette phrase est beaucoup trop prolixe. Pour tout vous dire, il aurait mieux fallu ne pas l’écrire. Ou alors, simplifier l’expression de telle façon que… que le blanc soit plus exprimé. C’est à dire, trouver un raccourci algébrique qui fait économie de mots tout en gardant le timbre de l’idée première. Cependant, si je suis ce raisonnement, nous arrivons indéniablement dans un monde empreint de difficultés. Choisissons un fragment de cette phrase : il vaut mieux. Avouez que même si l’on n’a rien à dire, « il vaut mieux » ne veut strictement rien révéler. Car, à cet effet, on peut tout imaginer. Assurément, on peut dire : il vaut mieux avoir sa main dans la culotte de la voisine, plutôt que dans celle du voisin. Ou encore : il vaut mieux être un singe ignorant plutôt qu’une tête de veau ébouillantée. C’est ce qui m’étonnera toujours dans la langue française, on débute une phrase et puis… Bon ! Continuons notre développement. Si je prends une autre fraction : se taire. Se taire quand il est isolé de la phrase n’est pas plus explicite. Car, on peut se taire pour écouter l’autre, puis parler profusément. Ou encore, on peut se taire lorsque l’on est à la pêche au bord d’un lac ; tout à coup se décrocher les mâchoires ; chanter des chansons paillardes, parce que le poisson a mordu l’hameçon. Bon ! Enfin, prenons : « on n’a rien à dire . » On peut très bien ne rien avoir à dire sur tel ou tel sujet. Et puis, étaler une thèse sur la vie des moustiques dans l’Arctique. Bon ! Résultat des courses, on ne peut guère simplifier l’expression. Et, c’est bien dommage, car j’aime les choses simples. D’ailleurs, tout ce qui est compliqué me donne la nausée, me chiffonne et me fait mal aux seins. Quand je pense qu’il y a des gens qui parlent ou qui écrivent pour ne rien dire… En vérité, je crois qu’il est préférable de l'exprimer verbalement. Quoique… Quoique, le fait de le dire soit déjà très loquace. Le mieux serait d’en parler à un proche, cela afin qu’il puisse le dire à votre place. Et, on s’en laverait les mains ! Quoique… Quoique, le fait d’en parler à votre voisin soit déjà trop bavard. En vérité, le plus sage serait de le mimer. Nous serions enfin dans le royaume du silence, de la quiétude. Voilà ! Voilà ! Pourtant…

Pourtant, les gens qui brassent de l’air pour ne rien dire m’agacent particulièrement.




Il vaut mieux se taire…
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Extrait :

Du placenta
On m’a mis
Comme un bijou dans un écrin.
Chaque soir
Chaque matin
On retapait mon coussin
Pour que la perle soit présentable.
Des têtes blondes
Des têtes brunes
Bouclées et fardées
Me souriaient du haut de leur poitrine opulente.
J’ai vu le soleil à travers leurs yeux.
J’ai vu la pluie à travers leurs larmes.
J’ai grandi dans l’hystérie.
On m’a lavé
Éduqué.
Moi
Issu de testicules divins
Quand je ne demandais rien
On me donnait tout.

Maintenant
Maintenant, je suis le roi.
Oui
Je suis sur le trône
Et ce n’est pas seulement
Pour pousser ma digestion :
Les viandes imbibées
Les vins capiteux
Les montagnes de desserts.
Je suis entouré
De conseillers
De savants
De lettrés
De guerriers
De maîtresses…
Mais
Ni les conseils
Ni les barbes érudites
Ni les fers de lance
Ni les mouches sur les peaux farineuses
Ne satisfont mes rêves.

Je suis le roi :
Je vois le soleil à travers leurs yeux ;
Je vois les étoiles sur un tissu
De vanité
De plaies
De sang coagulé
De croûtes insidieuses
De délires
Et
D’angoisses.

Je suis seul
Toujours seul
Puisque la solitude
Ne m’a jamais habité
Puisque la lame du rasoir
N’a jamais eu un geste de liberté
Sur
Mon visage.



Le Roi
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Extrait :

Nous avons des brindilles
Que nous jetons au feu
Pour que jamais ne meure
La création.

Nous avons des hiboux
Dans nos greniers
Et la musique du silence.

Nous avons de l’eau limpide
Après la fonte de nos nuits.
Nous avons des femmes
Aux gestes rassurants
Et des enfants enivrés
Dans les feuillages du vent.

Nous avons des moissons à l’infini
Et le torse en sueur.

De cette sueur qui arrache
L’herbe de la condescendance.

Nous avons des caves profondes
Et du vin profond.

Nous avons des vieillards goguenards
Dans ce village oublié
Où l’identité est encore vivante.



Village
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