On envoyait par mer des forçats de Brest à Toulon et Rochefort ou réciproquement.
Vers 1837, à bord d'une gabare ainsi chargée une effroyable tempête se déclare dans les parages d'Ouessant.
Presqu'aussitôt le navire est en perdition.
La nuit est sombre.
Pour éviter de se briser sur les roches, il faut virer de bord coup sur coup et résister ainsi autant que possible à la double action des rafales du sud-ouest et des courants de la marée montante.
A chaque instant, les vigies signalent des brisants.
La gabare se débat dans un labyrinthe d'écueils.
L'équipage entier est à la manoeuvre.
On n'a pas sur le pont un homme de trop, car le péril est à son comble.
Les forçats le savent, ils songent à briser leurs fers et, comme au temps d'autrefois, à courir la chance d'être libérés par le naufrage.
En s'accrochant à quelques débris pourquoi ne serait-on point roulé à la côte ? ...
Depuis 1848 ... on a beaucoup parlé de socialistes, de Fouriéristes et de communistes ..., et le monde ignore que dans une petite île de la Basse-Bretagne (Houat), la nécessité, la misère a conduit les habitants à vivre de la vie phalanstérienne, sous la direction d'un curé, dont les intérêtes sont soigneusement séparés de ceux de la communauté ...
Un jour cependant, on était à la veille du lancement d'une grande frégate dont la construction venait d'être achevée, et l'on avait inutilement cherché, parmi les ouvriers du port, un homme assez résolu pour donner le fatal coup de hache [...] On avait confié cette dangereuse mission à un forçat.
On disait encore, mais plus vaguement, que si le condamné échappait à la mort, il recevrait sa liberté en récompense de son dévouement ! ...
Nous vivons, cher monsieur Sam, dans un temps où l’ardeur de s’enrichir cause bien des désastres. Dès qu’on offre au public l’appât d’un gros intérêt, on fait tourner toutes les têtes ; et considérez que, souvent, le plus fripon n’est pas celui qu’on pense… Ce sont quelquefois les actionnaires eux-mêmes, dont la cupidité autorise et légitime presque toutes ces turpitudes… Aussi longtemps qu’on distribue des dividendes, qui s’inquiète du reste, qui fait la moindre question sur la marche d’une affaire ou sur la moralité de ceux qui la mènent ? Les actionnaires sont les complices des entrepreneurs, et ces derniers détrousseraient les voyageurs sur les grandes routes, pour leur payer des dividendes, que, Dieu pardonne, ils les empocheraient, sinon sans inquiétude, du moins sans remords…
Toute société humaine se compose, à son début, de deux éléments séparés et distincts : le chef qui commande, le peuple qui obéit.
Dans le principe, ces deux éléments ont pu exister longtemps sans se confondre; le chef avait des droits reconnus, le peuple des devoirs acceptés; la condition de l'un et celle de l'autre étaient distinctement établies, et bien que les droits et les devoirs n'eussent pas été écrits, rien ne menaçait l'autorité du premier, comme, non plus, rien n'ébranlait la fidélité du second.
Le comte connaissait la vie que Dieu a faite aux hommes, et, par expérience, il savait combien le cœur humain est fier, surtout dans l'infortune ; aussi, il respectait sa douleur, et ne cherchait pas à l'éveiller par une curiosité indiscrète. Pialla, au contraire, n'écoutant que les sublimes élans de sa compassion, avait plus d'une fois tenté de soulever le voile qui cachait cette impérieuse infortune ; mais l'inconnu ne s'était jamais laissé pénétrer. La curiosité de Pialla était donc vivement excitée.
Le bourg de Saint-Jean-du-Doigt est loin d’offrir à la curiosité du touriste ce que le touriste est habitué à chercher en Bretagne, c’est-à-dire des monuments d’une haute antiquité, ou quelque objet digne d’être soumis à l’appréciation des antiquaires de Paris. — À part son église dont quelques parties rappellent, avec assez de fidélité, l’architecture du quinzième siècle, et un vase d’argent richement ciselé, que l’on y conserve comme un don authentique fait à la commune par la reine Anne, le petit bourg ne présente guère d’intérêt au voyageur, que sa position pittoresque, et la beauté du site qui l’environne !
Le voisinage de la mer imprime à tout paysage un caractère de force et de grandeur ; il y a dans le spectacle de cette immensité sans horizon, comme dans la sauvage harmonie de ces vagues incessamment agitées, quelque chose qui fascine, tourmente le regard et imprègne l’âme d’une tristesse amère et douce à la fois…
En présence de cette page sublime du livre de la nature, c’est en vain que l’on chercherait à nier Dieu… Dieu est là, il faut courber le front et adorer !…
– J’irai jusqu’à trois mille.
Lucien fit un effort sur lui-même, remit tranquillement la statuette sur le bahut où le comte l’avait prise, et entraîna ce dernier vers le côté opposé de l’atelier.
Il était très pâle.
– Monsieur le comte, dit-il, d’un accent solennel ; voilà dix années que je travaille avec ardeur, cherchant infatigablement ma voie au milieu des sentiers perdus de l’art, usant ma force, ma jeunesse à ce labeur surhumain ; aujourd’hui je suis encore inconnu, et j’ignore si la gloire que j’ambitionne doit m’apporter jamais la réalisation des rêves que j’ai bercés. – Eh bien ! je vous le dis, s’il m’était prouvé que cette gloire ne peut s’acquérir qu’au prix de cette statuette vendue, passant de main en main, je n’hésiterais pas, monsieur le comte, et je renoncerais à tout, plutôt que de consentir à une telle profanation !
– Je le disais bien, fit le comte avec un reste de raillerie ; vous êtes insensé.
– Non, je suis amoureux.
– C’est bien pis !...
Quelques minutes après, la voiture disparaissait à l'horizon dans un tourbillon de poussière, et le bruit de ses roues s'éteignit bientôt dans le sinistre silence de la nuit.
Le lendemain, un spectacle horrible vint frapper de stupeur les habitants de Lieursaint et répandre la consternation dans les communes environnantes.
D'où vient que barcaroli, cochers, débardeurs, faquins, prennent les ordres et subissent la surveillance de ces individus qui, appuyant sur un gourdin énorme leur mains paresseuse et chargée de bagues, portent plus haut la tête sous le bonnet phrygien qu'un roi sous sa couronne ?
Il y a dans leur allure indolente, dans leur importance affectée, je ne sais quoi de bizarre et de répugnant; il y a une étrangeté de prime abord inexplicable, dans l'obéissance craintif qu'on leur témoigne.
Sobres de gestes, avares de paroles, à peine pour presser l'exécution de leur ordres prononcent-ils un mot, un seul...
La Camorra...
Le mot est magique, irrésistible.