5 questions posées à Louis Pouliquen, à l'occasion de la sortie de son livre La maison de l'île (Coop Breizh).
J'écris, et par je ne sais quel sortilège, sous la voix de Marie, c'est toute une série de tableaux qui s'éclaire au tréfonds de moi.
Et puis dans sa tête, la guerre était toujours présente. Elle lui revenait jour et nuit. Elle s'était un peu éloignée de lui durant les chantiers des grands travaux entrepris l'année de son retour, sans jamais le laisser totalement en paix, puis elle faisait parfois des retours en force. Il peinait à se remettre à ce rythme lent des saisons et des jours de la vie paysanne. Il avait repris ses habits de paysan mais il suffisait d'un rien, un bruit, un silence, une image, un nuage dans le ciel et je ne sais quoi pour qu'un souvenir du front surgisse et qu'il se retrouve sous l'uniforme. Oui, le soldat brigadier qui, jour après jour, montait avec sa roulante porter les repas aux combattants des premières lignes le poursuivait jusque dans ses champs.
Toute l'histoire de Marie est consignée dans ces pages. Ce sont les secrets de madame Dieu qui alimentaient - et alimentent encore - les conversations de la ville à mon arrivée, il y a plus de deux mois. Elle me les a confiés jour après jour, depuis ce matin de lumière où la main du hasard nous a fait nous rencontrer sur la pointe de l'estacade, face à ce qu'elle m'avait nommé " une parcelle de la beauté du monde ".
J'écoute la voix sortant de la pénombre, qui me voile les traits de Marie. Le ton se maintient à égale hauteur, sans chute, sans silence, sans emballement, toujours captivant et sans la moindre monotonie. C'est maintenant une voix sereine et paisible. Elle me raconte l'histoire d'un couple à la mi-temps de sa vie, et qui prend de l'âge.Une vie sans histoire tant que le grand âge n'est pas là, et la voix devient plus lente quand il s'approche, pour mieux profiter de la saveur des années heureuses.
Ces jours n'aurons de fin que lorsque, pour la dernière fois, il me sera fermé les yeux...