AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Raymond Ruyer (3)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
L'Art d'être toujours content

« ça n'a pas l'air de trop bien marcher vot' livre », qu'on m'interrompit un jour dans la rue alors que j'avançais sur le pavé en tenant entre les mains « l'art d'être toujours content » de Raymond. Bordel. On lit pas ce genre de livres pour être vraiment content. On lit ce genre de livres pour apprendre ce qui empêchera éternellement l'humanité d'accéder au contentement.





Je refusais depuis longtemps déjà de m'abandonner aux solutions faciles. Contre Timothy Leary qui recommandait à ses disciples de planer en consommant du LSD, Raymond se tourne vers des disciples au caractère davantage pusillanime, ce qui convient mieux à mon caractère : plongez jusqu'au bout du délire métro-boulot-dodo, nous dit-il, alors que nos yeux exsangues s'étirent tels des soucoupes volantes. Sacrée bonne blague. Non, non, je rigole pas, dit Raymond. L'idée, c'est de rêver éveillé pendant le boulot, de méditer les yeux ouverts dans le métro, et de s'enivrer dans la profondeur d'une niche psychologique savamment arrangée pendant le dodo. Telle est la méthode des néo-gnostiques ! hulule Raymond. Gnostique, pour rappeler que l'univers n'est que le reflet de ce que notre conscience veut bien en imaginer ; néo, parce qu'il faut bien s'adapter à son temps.





S'il fallait définir un modèle du néo-gnostique, ce serait l'écrivain Jean-Paul (de son vrai nom Johann Paul-Richter). S'il fallait définir le double obscur (pour ne pas dire l'ombre) du néo-gnostique, ce serait le filousophe Jean-Paul Sartre (qui, décidément, n'était pas aimé par grand-monde, ce qui nous le rend provisoirement étincelant). Jean-Paul, nous dit Raymond avec les yeux pleins d'étoiles, « c'est un homme qui, présentant avec minutie d'infimes microcosmes, peut, quand il le veut, se décentrer et se faire présenter, lui, Jean-Paul, par le Cosmos, par le monde de l'astronomie et par le Dieu du monde, par les étoiles et par leur Créateur, comme « présentateur présenté » ». Et Jean-Sol Partre, « les Gnostiques [l']appellent […], avec son existentialisme politisé, leur Hilote ivre. Ils le considèrent comme l'Anti-Sage par excellence, le mauvais Jean-Paul, par opposition au bon Jean-Paul Richter. C'est d'ailleurs aussi un Saint, un hypermoraliste, voué aux bêtises habituelles des hypermoralistes ». Bon, on n'a pas compris grand-chose mais ça semble se tenir quand même, disons, à condition de ne pas souffler trop fort.





L'idée serait donc d'appliquer jusque dans sa vie l'idée que le monde ne change pas, quels que soient les efforts ou les négligences que nous pensons lui infliger, et que la seule réalité que l'on puisse attribuer à l'univers, c'est celle de notre psyché. Raymond nous invite à vivre dans le monde avec la décontraction du fumeur de marie-jeanne qui aurait appris à réguler son homéostasie psychologique et physiologique pour qu'elle s'arrête toujours avant le point où elle risquerait de fléchir, de se précipiter dans une extase qui ne serait plus contrôlée, ou d'involuer à l'extrême d'un idéal d'apesanteur illusoire.





Raymond, tu voudrais pas qu'on se soumette à l'ordre dominant quand même ? DANS LE PUR ESPACE DE VOTRE PSYCHE, RIEN D'EXTERIEUR NE PEUT PARVENIR – nous répond Raymond depuis les volutes hyperstatiques de l'outre-tombe. Ah ouais, d'accord. On garde le métro-boulot-dodo pour pas se faire trop bobo sinon difficile de planer. Même si ce bouquin est une mine en soi qui vous fera décoller du plancher des vaches le temps de tourner les pages avec un bon gin, je comprends décidément mieux pourquoi être toujours content est un art, et que dans cet art, je ne produis que des croûtes.


Lien : https://colimasson.blogspot...
Commenter  J’apprécie          226
Néo-finalisme

Page 3 : « Le propre des doctrines purement « causalistes » c’est d’être réfutées aussi bien par approbation que par critique. Alors qu’à l’inverse, le propre de la doctrine du « sens », « c’est d’être confirmée autant par dénégation que par approbation. »





Nonobstant, après cette brève entrée en matière, Raymond s’attarde sur 300 pages à démontrer l’exactitude de la doctrine du sens ce qui, à en croire les prémisses, pourrait être fait d’un hochement positif ou négatif de tête, ni plus ni moins, celui qui sait continuant de savoir, celui qui ne sait pas ne voulant pas savoir, ceux qui ne se savent pas sachants et ceux qui se savent ne sachant pas continuant de mouliner du chicon.





Le sens existe, nous dit Raymond, la finalité est présente, dans le monde peut-être pas d’abord, mais dans nos petites têtes creuses qui, cherchant un sens, prouvent par-là même l’existence d’une finalité à petite échelle. Bon débarras ! hop, le petit tas de merde caché vite fait sous un bout de tapis à froufrous.





Pour nous divertir afin que nous ne voyions pas le monticule dissimulé sous nos pieds, Raymond nous fait changer de focale régulièrement. Quantique, chimique, biologique, minérale ou animale selon les découvertes scientifiques les plus stylées du moment. Il faudra bien s’y faire, nous dit Fabrice Colonna dans sa préface, car Raymond est un métaphysicien d’un nouveau genre qui évolue entre théologie et biologie pour montrer tous les raccordements secrets du monde. En cela, Raymond n’est vraiment pas un mec comme les autres, nous assure-t-on. Bien que ce soit un peu mensonger (ce livre date quand même de 1952, on ne va pas dire que le new age ne faisait pas déjà sentir ses influences), c’est vrai que les mecs sérieux n’osaient encore pas trop se frotter à ce genre d’alliage à l’époque, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui.





Raymond reste cependant un mec sérieux, pas comme les bouffons d’aujourd’hui qui font un couscous quantique avec des notions dont ils ne connaissent même plus le sens. Ainsi, s’il faut 300 pages (qui paraissent parfois en faire le double) à Raymond pour nous prouver la doctrine du sens, c’est parce qu’il consacre beaucoup de bonne volonté à démonter méthodologiquement toutes les idéologies et philosophies qui s’écartent un peu trop de la sienne. Je présume qu’une telle activité doit être délicieuse pour tout quidam qui se passionne pour les menues différences distinguant le néo-darwinisme du psycho-lamarckisme et du néo-matérialisme. Ce n’est pas vraiment mon cas. De néo en néo, on aboutit toutefois au néo-finalisme cher à Raymond, qui restitue la grandeur d’un Dieu ayant validé les dernières découvertes scientifiques :





« Le hasard et la statistique ne peuvent être que révélateurs d’un ordre préétabli, ils ne peuvent créer d’ordre. Dès qu’on la presse quelque peu, la conception du Dieu-Hasard ou du Dieu- « phénomène de foule » se ramène donc à celle du Dieu-Ordre, indiscernable d’un Dieu-Mathématicien ou d’un Dieu-Raison. »





Ou encore :





« Dieu n’est pas l’Agent des agents, leur fabricant, il est l’Agent qui est dans tous les agents. Sa liberté ou sa science ne contredit pas la mienne, car il est ma liberté et ma science. Son éternité ne contredit pas mon temps, car le temps n’est le temps – c’est-à-dire quelque chose de plus qu’une multiplicité pure d’instants qui ne se connaîtraient pas les uns les autres – que par l’éternité qui les anime. »





Mon cher Raymond, je vous prie de m’excuser de mon manque de conviction face aux idéaux de la science. Nous avons désormais trop de recul pour voir qu’elle vieillit et s’use comme tout le reste. Le tapis s’est envolé, ne reste plus que le petit tas de merde en-dessous. Berk.

Commenter  J’apprécie          90
Homère au féminin

Ben alors, vous l'avez pas lu celui-là encore? Personne n'a laissé une critique! J'my colle: génial, GENIAL. Un livre qui démontre que non c'est pas Homère qui a écrit l'Odyssée. Mais une femme, une princesse pour être plus précise. Une grande analyse littéraire qui n'a pas peur. Retirer à Homère pour rendre à qui de droit faut avoir bien du courage et de l'intelligence pour le faire. Curieux, personne n'en parle. Ca passe à l'as. Pas lu, pas dit....pas su! Pourtant démonter une idée reçue avec finesse, nuances, intelligence et patience, qui fait ça encore? Qui?
Commenter  J’apprécie          31


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Raymond Ruyer (36)Voir plus

Quiz Voir plus

Du bazar mélancolique au souk joyeux, le borborygme assourdissant des bonimenteurs

Bazar et vacarme sont le même mot. Le mot persan bazar s’analyse en wescar. Le mot arménien vacarme se décompose en wahacarana. L’un et l’autre disent la rue marchande (mot à mot « l’endroit où on marche pour acheter », la ville).

Émile Zola
Pascal Quignard

14 questions
16 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}