"C'est mon père qui m'a donné ce surnom. Pour ma sixième année, il a planté un arbre. Et il m'a dit ce jour là : tu vois mon fils, cet arbre est un sycomore, quand tu auras vingt ans, il sera indéracinable, soit comme lui, puissant et fort."
L’objectif de ce service était de prendre en compte la souffrance des patients en les soulageant par des soins palliatifs au lieu d’un d’acharnement thérapeutique.
Ultime don d’humanité, pour mieux les accompagner sereinement vers leur fin de vie. Tout était prévu dans cet établissement. Chaque chambre était équipée d’un fauteuil de relaxation pour que les membres des familles désireuses de rester au chevet de leurs êtres chers puissent y dormir.
Il savait que la lutte deviendrait vite inégale. La maladie avait déjà humilié et dégradé le corps de celle qu’il avait tant aimée et à présent, l’ombre maléfique se tenait là immobile, impatiente d’ouvrir la porte à cette âme pour l’élever dans l’immortalité. Un spasme le fit sursauter, sa Louise venait de le quitter pour un autre monde.
Il n’aimait pas faire la permanence avec un stagiaire qui sortait tout juste de l’ENSP. Il pensait que dans deux ou trois mois, elle serait promue commissaire en titre. Il ne pouvait s’imaginer être sous ses ordres. Âgé de 57 ans, sa retraite l’attendait dans quelques semaines et il comptait bien en profiter.
— Vous savez, Isabelle, quand vous aurez comme moi trente ans de service, l’expérience du terrain n’est pas comparable à la théorie apprise à l’école de police. Il vous faut acquérir des réflexes. Mettre en arrestation des délinquants est toute une technique, notamment au niveau des interrogatoires. Il faut également avoir le sens de l’observation, mais tout cela, Isabelle, s’acquiert au fil des années. Aujourd’hui, je suis au top de mon expérience et vous pouvez pouvez faire confiance à mon intuition. Regardez-moi travailler.
Isabelle resta songeuse devant ces paroles. Ce qu’elle pensait en fait, si l’égocentrisme du brigadier pouvait se mesurer en kilomètres, il pourrait en atteindre la lune.
Chacun de nous possède au plus profond de son âme un jardin secret. Une envie, un rêve que moi-même je n’ai pu réaliser.
Elle avait, au fil des semaines, réussi à entrer dans sa vie intime et savait que sa femme n’était pas portée sur le sexe. Elle voulait en tirer le meilleur parti et avait réussi à tripler son salaire en quelques mois, mais ne voulait pas en rester là. Son patron était riche et c’était pour elle la poule aux œufs d’or qu’il fallait plumer. Mais elle avait quand même l’impression qu’il ne lui disait pas tout. Elle était à présent sûre qu’il avait une activité parallèle. Bien souvent elle se mettait à écouter ses conversations privées. Il parlait souvent de marchandise avec Fred et avec un commissaire. Elle était persuadée que cette marchandise n’avait rien de commun avec la société et surtout après la conversation de ce matin entre son patron et ce René Lafage.
— Attends ma belle, on va te faire du bien comme à ta copine, elle adore quand on la prend à deux.
Elle allait se faire violer, un acte abject dont elle ne se remettrait probablement jamais. Elle se débattit comme une furie. Elle priait le ciel de se réveiller de ce cauchemar.
— Nicolas, tu es un beau jeune homme, mais vois-tu, tu n’es pas mon type. J’ai cinquante ans et je pourrais être ta mère, moi je préfère les messieurs qui ont une certaine maturité.
— Mais c’est ridicule ! Il n’y a pas d’âge pour profiter de la vie.
La veuve se consola vite et devint la maîtresse de docteur. Elle ne sortait plus de sa propriété et Duval, un soir, lui avait fait découvrir ce fameux tunnel. Elle était excitée de penser que le roi Louis XV devait utiliser ce passage pour rendre visite à ses maîtresses. Un soir de solitude, la comtesse décida d’emprunter ce unnel pour rejoindre son amant. Quand elle entra en silence dans la petite maison, pensant faire une surprise à Duval, elle fut frappée de stupeur. Son amant était en pleins ébats amoureux, avec deux prostituées.
Depuis des années, elle se battait seule, sans pouvoir se confier, vivant ses propres cauchemars dans un monde parfois cruel. Ils restèrent immobiles un bon moment, sans rien dire. Le temps s’était arrêté pour eux, jouissant de la douceur de cette matinée du mois d’août.