L’imagination, c’est comme la mémoire et les muscles, plus on l’utilise, plus elle devient performante.
Ne plus rien apprendre, c’est un étiolement de la pensée qui s’amorce.
Apprivoise ton passé, même s’il te paraît anonyme. Certains psychologues et scientifiques commencent à démontrer que nous ne sommes pas uniquement les héritiers génétiques de notre famille. Ils pensent que nous devenons tout autant les légataires des souffrances de ceux qui nous ont précédés, de leurs expériences, de leurs vies.
- Les Français poussent leur arrogance à imaginer que leur passage dans ce monde consiste à apporter les Lumières, mais aussi à imposer leur perception de la vérité à la planète entière. Je fuis Florence l’été, car je ne supporte pas ces troupeaux de Français, qui sont autant de Napoléon en puissance, à la conquête de nos villages. Observe et écoute une terrasse avec des touristes français et tu verras. J’ai cru comprendre que si ce sont des Parisiens, c’est encore pire.
Il rit à nouveau, heureux d’avoir pu se moquer.
Même depuis mon arrivée chez les Penmarc’h, je continuai à lire. Une fois que les autres dormaient, après avoir ravaudé seule près de la cheminée, je profitais des dernières lueurs des flammes pour me plonger dans mes histoires. Je lézardais les murs de la ferme. Grâce à ces personnages, ces paysages, ces époques différentes, je m’échappais, fuyais, puis m’enfuyais et m’évadais. Même si je ne lisais qu’une dizaine de minutes, cela suffisait à mon bonheur. Je passais alors une nuit reposante, malgré les ronflements et les bruits du père dans le lit d’à côté.
Je rentre chez moi, mon mari me laisse en paix, par indifférence. Lui, il aime le golf, la voile, la moto, la chasse, mais la chasse de luxe, pas celle du sketch des Inconnus. C’est la même que l’autre, mais ils ont remplacé la bière par des bordeaux, et les saucisses par des omelettes aux truffes. Il passe son temps libre avec ses pseudo-amis. Ils comparent le volume de leurs comptes en banque, de leurs actions, se réjouissent en cachette lorsque l’un d’entre eux faiblit.
Tout en moi semblait sortir d’une hibernation depuis longtemps estampillée sans retour. Jamais je n’aurais cru pouvoir ressentir à nouveau cette fulguration-là. Il approcha sa bouche, et s’arrêta lorsque j’en discernais la présence impatiente. Il attendit que ces courts instants durent une éternité, puis son souffle léger devint d’un velouté à peine entrouvert, juste perceptible. Hans commença à m’emmener. J’eus l’impression d’être étendue sur les ailes d’un papillon. Mon corps s’abandonnait peu à peu, mes autres lèvres éclosaient au contact de cette pointe tout aussi ferme que douce et tout en moi s’embrasa. Il me dévoilait avec précision, tendresse, simplicité, à la perfection. Ses mains libérées inventaient des latitudes frémissantes en un ailleurs méthodique. Sa langue, telle une part de moi, repoussait le dernier verrou pour atteindre cette terre inconnue. Sans carte ni boussole, je décidai de m’y perdre.
J'appris à aimer la citation de Jean Guitton : " La frontière des deux France passe quelque part entre Saint-Etienne et Lyon... Lyon appartient au Nord... Saint-Etienne a le caractère du Midi, sans rivage, sans beauté ".
Etre mutée à Saint-Etienne pour une Lyonnaise équivalait à l'enfer. Cette rivalité qui remontait à la Gaule des Ségusiaves confrontée aux Romains de Lugdunum ne me concernait pas. J'étais avant tout Parisienne puisque j'étais née et avais grandi au coeur de Montparnasse.
Posséder des livres parcourus avant moi ne me gênait pas. Je cherchais à ressentir les vies de tous ces lecteurs et lectrices qui m'avaient devancée. Souvent, je découvrais un marque page, une note, une fleur séchée, un ticket de tiercé ou de métro. A partir de cet objet, mon esprit divaguait, s'envolait, encore une fois.