Entre combat pour les libertés individuelles et « antivax », reportage en immersion dans le rassemblement parisien de samedi dernier.
La gauche doit-elle s'engager dans cette bataille contre le passe sanitaire ?
Comment défendre les libertés individuelles sans verser dans le complotisme ?
Débat avec le chercheur Philippe Marlière et la médecin urgentiste Sabrina Ali Benali.
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Pour Emmanuel Macron, en brûlant le Fouquet's, on insulte la République. Mais quand des patients décèdent dans les couloirs d'Urgences, des retraités font les poubelles pour manger, et des enfants de cinq ans meurent dans les rues, là, tout va bien…
>> https://twitter.com/DrSabrinaaurora/status/1107050836843261955
Je rentre de garde. Je suis depuis plus d’un an médecin remplaçante aux Urgences Médicales de Paris, une association de permanence de soins à domicile. J’y travaille trois nuits par semaine.
Il est 6 heures du matin,
À l’aube d’un nouveau jour froid, je me sens oppressée. La sensation du travail non complètement accompli me pèse, la misère de nombre de patients me brise le cœur.
Cette nuit encore, je n’ai pas eu les moyens de soigner correctement.
J’ai été envoyée dans un EHPAD par le Samu. Une femme de 82 ans. Détresse respiratoire.
Il me faudra déjà cinq bonnes minutes avant de pouvoir pénétrer dans l’établissement. Comme personnel de nuit, seulement 3 aides-soignants pour 200 résidents. Deux restent affairés autour de la patiente en détresse pendant que le troisième descend m’ouvrir la porte.
Des constantes, un coup de stéthoscope, et quelques minutes plus tard, mon diagnostic est posé. C’est un OAP (œdème aigu du poumon). Il s’agit d’une accumulation de liquide dans les alvéoles pulmonaires due à une insuffisance cardiaque gauche. Son corps lutte pour respirer.
J’explique à la patiente que je dois appeler le SMUR et qu’elle doit être transférée à l’hôpital. Alors que je compose le numéro, elle m’arrête de sa main gauche. « C’est hors de question, je n’irai pas à l’hôpital. Je ne veux plus de ça. » Avec le souffle qu’il lui reste, elle m’explique ce qu’elle entend par « ça ». Ses expériences précédentes dans les grands hôpitaux parisiens. Les heures passées sur un brancard, à la vue de tous dans cette zone d’attente, à supporter les cris du type alcoolisé attaché sur le brancard derrière le paravent sur sa gauche, les vomissements de la jeune femme sur sa droite, le ballet incessant des blouses qui vous promettent de repasser rapidement, le bassin laissé une heure et demie sous ses fesses et oublié là, qu’elle n’arrive pas à retirer elle-même, l’angoisse de ne rien savoir de ce qu’il vous arrive car personne n’a le temps de venir vous parler. Quémander un verre d’eau, une couverture, attendre désespérément un lit dans le service où elle doit aller...
Elle ne veut rien entendre. « Écoutez, ma mignonne, vous faites votre travail, je comprends, mais moi je n’ai plus l’âge de supporter ça. »
La blouse n’est pas une armure.
Page 113 :
Savez-vous que juridiquement, il n'existe plus d'hôpitaux publics en France ? L'adoption de la loi de réforme de l'hôpital de juillet 2009 a, en effet, rayé de la législation la notion d'"hôpital public".
Dans certaines spécialités, les internes font jusqu'à quatre-vingts, cent heures par semaine. Compte tenu de notre métier, du stress qu'il implique et de l'immense concentration qu'il exige, ces heures à rallonge représentent des risques graves pour notre santé et celle de nos patients. Les pilotes d'avion ne sont pas autorisés à voler plus de onze heures consécutives, pourquoi un chirurgien, un réanimateur ou un urgentiste devrait-il, lui, travailler vingt-quatre heures durant ?
Souvent, ce que l'âme tait, le corps l'exprime. Aucune souffrance ne se cache très longtemps.
En semaine, l'interne fait donc sa journée dans son service de 9 heures à 18 heures, et doit ensuite descendre aux urgences pour sa nuit de garde. Le lendemain matin, il a à son compteur vingt-quatre heures de travail dans les jambes. Un fonctionnement dangereux, d'autant plus pour une discipline qui préconise aux patients l'importance d'une bonne hygiène de vie avec des temps de repos nécessaires, un sommeil régulier, etc.
Ce stage me confirme ce que je sais depuis bien longtemps : j'aime l'hôpital. J'en aime les odeurs, la couleur de ses murs et jusqu'à leurs lézardes. L'hôpital vibre en moi comme un appel. Ce sentiment ne me quittera plus jamais, quelles que soient les réalités auxquelles je me trouverai confrontée.
La blouse n'est pas une armure. Elle ne le devient jamais. On a beau mettre de la distance, tenter de se protéger, ce métier est profondément humain et c'est ce qui fait son abyssale beauté.
Aujourd'hui, je suis médecin. Je viens de là, de cette histoire, de cette formation, de ces chaos de la vie que tout un chacun connaît. Tout cela a fait de moi ce que je suis. Médecin, militante, humaniste, profondément éprise de justice. Au fil des années, mon expérience de l'hôpital, ma confrontation avec une institution que j'aime par-dessus tout mais qui ne répond plus au projet d'équité de la Sécurité sociale m'ont heurtée, révoltée souvent.