Citations de Sabrina Richard (28)
Elle se mit à la fenêtre et, avec ses mots d'enfants, demanda au monsieur qui état au Ciel de l'aider. Elle attendit une réponse, mais comme sa maman le lui disait souvent, ce n'est pas parce qu l'on n'entend rien qu'il n'écoute pas. Il trouve toujours une solution...
C'est ainsi que, ce jour-là, peu avant midi, un appel anonyme attira son attention. L'informateur fit allusion à une récente disparition d'enfant dans le très chic quartier de l'Upper West Side.
Une fois caché entre deux voitures, Jack fit ce qu’il avait à faire. Cela ne le retarderait que de cinq minutes environ sur son planning, rien de bien grave en somme.
- C’est ça, ça va être de ma faute en plus ! J’ai un rendez-vous extrêmement urgent et je n’ai pas le temps d’écouter les balivernes d’une bonne femme !
Et, sur ce, il tourna les talons et s’éloigna, disparaissant rapidement au milieu de la cohue matinale.
- Passez une bonne journée vous aussi ! cria-t-elle à son dos.
Les quelques personnes qui avaient été témoins de la scène sourirent de la réaction d’Emma, d’autres déploraient le manque d’éducation de certains messieurs.
Elle sourit, respira un grand coup et murmura « aaah… New York… ! », puis elle alla s’assoir sur un banc qui faisait face à la porte du building.
Elle croqua avec gourmandise dans son bagel tout en vérifiant sa montre d’un œil. 8h50, plus que dix minutes et elle serait fixée.
Il en fallu de peu pour qu’elle n’heurte un homme d’une quarantaine d’années, tellement pressé qu’il ne regardait pas où il allait (typiquement le genre de personne qui vous rentrait dedans et qui après vous demandait de vous excuser).
- Vous pourriez pas faire attention non ! C’est un monde ça ! Eructa-t-il, la bouche tordue et le visage congestionné par la colère, tout en effectuant un pas de côté pour éviter d’être éclaboussé par le café brulant.
- Excusez-moi mais vous ne regardiez pas devant vous non plus ! répliqua-t-elle piquée au vif.
- C’est ça, ça va être de ma faute en plus ! J’ai un rendez-vous extrêmement urgent et je n’ai pas le temps d’écouter les balivernes d’une bonne femme !
Et, sur ce, il tourna les talons et s’éloigna, disparaissant rapidement au milieu de la cohue matinale.
- Passez une bonne journée vous aussi ! cria-t-elle à son dos.
- Mam’zelle ?
Les affaires qu’elle avait vues au tribunal lui revenaient en mémoire, il y avait cet homme, d’une vingtaine d’années environ…
- Mam’zelle, si vous commandez pas, vous sortez de la file, c’est pas plus compliqué qu’ça ! fit le vendeur de bagels.
Emma leva les yeux et sortie de ses rêveries assez brusquement. Elle releva la tête, la bouche ouverte et les yeux dans le vague… « Côté sexy, je peux repasser », réalisa-t-elle soudainement. Elle reprit aussitôt contenance.
- Excusez-moi, euh… oui, bonjour, je voudrais un bagel fourré fraise et un grand café noir s’il vous plaît, répondit-elle.
- Une fraise et un grand noir pour la d’moiselle, ça fera sept dollars cinquante ma p’tite… serviette ?
- Je vous demande pardon ? répondit-elle surprise.
- Sept dollars et cinquante cents Mam’zelle… et vous voulez une serviette pour pas tâcher vot’ tailleur ?
- Euh oui, pardon. Elle sorti un billet de dix, prit sa monnaie, sa commande, deux sachets de sucre roux en poudre et sortie de la file.
Comme elle l’avait expliqué à ses parents lors de ses vacances chez eux, elle voulait croquer les audiences pénales et travailler dans un journal pour illustrer les articles des journalistes des différents quotidiens.
C’est pourquoi, au cours de ses études, elle avait assisté à plusieurs audiences afin de s’imprégner de l’ambiance et des lieux, d’étudier les différents angles de lumière suivant l’heure de la journée et avait fait plusieurs esquisses qui, elle devait le reconnaître, étaient plus que correctes.
Plusieurs clients ayant été servis, la file d’attente avança de deux ou trois mètres, Emma suivit le mouvement, plus par réflexe que consciemment.
Elle avait bien pensé rejoindre une agence de publicités, certaines l’avaient d’ailleurs contactée à ce sujet, mais la perspective de faire des maquettes publicitaires pendant trente ans la décourageait d’avance. Emma voulait croquer la vie réelle pas la société de consommation, elle voulait représenter les gens dans leur vie de tous les jours (ou pour être plus exacte, dans leurs mauvais jours) et c’est pourquoi elle avait envisagé de devenir dessinatrice spécialisée en matière judiciaire.
La file d’attente faisant une dizaine de mètres (heure de pointe oblige), Emma prit son mal en patience et vérifia pour la énième fois qu’elle avait son book ainsi que ses lettres de références (que ses différents professeurs de l’université lui avaient écrites ainsi qu’un certains nombre d’amis influents de ses parents) et elle espérait que cela ferait suffisamment bonne impression auprès d’une maison d’édition ou de presse pour décrocher son premier emploi et ainsi lancer sa carrière.
Sur la droite du stand se trouvaient les bacs à friture où le vendeur plongeait régulièrement la pâte à frire et vérifiait rapidement la cuisson entre deux clients. Ce dernier, âgé d’environ 45 ans, avait revêtu comme chaque jour, son uniforme composé d’un grand tablier où l’on pouvait lire imprimé en rouge sur fond blanc : « Les meilleurs bagels de NY City vous attendent ici ! » et d’un calot bleu posé de guingois sur le sommet de son crâne qu’il avait chauve.
Il lui restait une vingtaine de minutes avant son entretien (elle détestait être en retard et avait tendance à arriver quinze à trente minutes avant tout rendez-vous), elle avisa un vendeur de bagels et se dirigea vers son stand. Ce dernier n’avait rien d’exceptionnel. Surmonté d’un grand parasol de couleur bleu, il était composé sur sa gauche d’un présentoir où l’on apercevait derrière une petite vitrine, tout un assortiment de bagels aux parfums variés, quelques bretzels, différentes boissons ayant toute un taux plus ou moins élevé en caféine et en sucre ainsi que quelques rares bouteilles d’eau minérale, un distributeur de serviettes, de pailles, de vrai ou de faux sucre, ainsi que de bâtonnets en bois en guise de cuillère.
La cacophonie ambiante de la rue la tira de ses rêveries, les taxis klaxonnaient, les automobilistes s’invectivaient, les piétons slalomaient entre les véhicules bloqués et sur le trottoir cela n’était pas mieux, les passants croisaient Emma, la frôlaient, la bousculaient pour certains, pressés de rejoindre leur bureau, leur rendez-vous professionnel ou autre, mais elle n’en avait cure, son rêve était peut être en train de se réaliser…
Elle leva la tête et son regard s’attarda sur le nom du building… « The New York Times »… Son cœur se gonfla de bonheur d’un coup, ses yeux s’embuèrent, ces quatre mots représentaient l’aboutissement de tant d’années d’études, de centaines de dessins, d’un nombre incalculable d’heures passées à croquer, dessiner, gommer, s’énerver lorsqu’elle n’arrivait pas au résultat souhaité… et de joie, enfin, lorsqu’elle avait obtenu son diplôme à la fin de son cursus universitaire (dixième de sa promo, ce n’était pas rien) et elle avait l’intention de batailler dur pour que tout ce travail soit enfin récompensé.
Mais Emma voulait tenter le coup. Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’elle était sortie de la fac et après quinze jours de vacances passées auprès des siens où elle avait rassemblé et trier ses meilleurs croquis, elle avait bien l’intention de se faire connaître… ou du moins, reconnaître, par ses pairs.
C’est pourquoi elle se tenait là, devant ce bâtiment imposant sur la 5ème avenue.
Ces derniers, en attendant de décrocher le poste de leur rêve, devaient se contenter de petits boulots, passant de serveurs à illustrateurs pour des fanzines ou trainant leur book à différents entretiens, infructueux pour la majorité d’entre eux…
Mr. Walson, homme autant respecté que craint, avait la cinquantaine et occupait ce poste depuis une quinzaine d’années environ. Il était réputé pour être difficile à convaincre et n’aimait pas donner leur chance aux jeunes talents. Voilà qui avait de quoi calmer les ambitions des centaines de dessinateurs fraîchement sortis de l’University of Art de la Grosse Pomme, ou de tout autre établissement d’Arts graphiques, chaque année.
New York, 5ème avenue, matin du 29 août 2008.
Voilà, elle y était.
La façade était imposante et masquait le soleil. La circulation était intense en cette heure de la matinée et la chaleur commençait à grimper, Emma sentait déjà son chemisier coller dans son dos, sous sa veste de tailleur et il n’était que 8h40 du matin.
- Quelle idée d’avoir mis une veste par une chaleur pareille…, maugréa-t-elle, mais ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait rencontrer le directeur en chef de la direction artistique du New York Times, Mr. Carl Walson.
— Marcus ?
— Ouais, c’est quoi le problème ?
— Je viens de voir un mec attaquer quelqu’un, je crois qu’il l’a buté !
— Tu crois ou t’en es sûr Jef’ la picole ?
— J’en suis sûr ! Je viens de le voir sur l’écran du deuxième sous-sol. Attends, le type bouge… Tu es où toi ? Ouais, c’est quoi le problème ?
— Je viens de voir un mec attaquer quelqu’un, je crois qu’il l’a buté !
— Tu crois ou t’en es sûr Jef’ la picole ?
— J’en suis sûr ! Je viens de le voir sur l’écran du deuxième sous-sol. Attends, le type bouge… Tu es où toi ?
— Je suis au premier étage, répondit-il (Marcus était de la même génération que Jeffrey et tous deux étaient proches de la retraite). Une alarme incendie s’est déclenchée dans les escaliers, c’est encore un gars qui était en train de griller une clope !
— Le mec, on dirait qu’il porte quelqu’un… ouais, c’est bien ça ! Il balance le corps dans le coffre d’une bagnole !
— Putain, je descends tout de suite ! répondit Marcus, tout en dévalant les escaliers aussi vite que le lui permettaient ses genoux aux ménisques usés. Dans sa précipitation, il ne pensa même pas à prendre l’ascenseur…
Sous le choc des images qu’il venait de voir, Jeffrey appela aussitôt son collègue via la radio portative qu’il avait toujours à portée de main.
— Je crois qu’on a un gros problème ! Hurla-t-il dans sa radio.
— Eh mec, pourquoi tu cries comme ça, j’suis pas sourd ! Lui répondit une voix nasillarde.
— Marcus ?
— Ouais, c’est quoi le problème ?
— Je viens de voir un mec attaquer quelqu’un, je crois qu’il l’a buté !
— Tu crois ou t’en es sûr Jef’ la picole ?
— J’en suis sûr ! Je viens de le voir sur l’écran du deuxième sous-sol. Attends, le type bouge… Tu es où toi ?