Citations de Sébastien Brégeon (36)
Une pluie fine lui arrive en pleine figure. Le contact de l'eau sur sa peau encore brûlante est apaisant, pourtant il n'arrive pas à se détendre. Le hurlement horrifié résonne encore dans sa tête, persiste comme le ferait un bourdonnement entendu trop longtemps. Il est mal à l'aise, et les méduses phosphorescentes, étrangement plus nombreuses à chaque instant, remontant en surface, éclosant par centaines, ne font que confirmer son sentiment de mal-être.
Son air satisfait disparaît. Il vient de poser le pied sur une substance molle, encore chaude. Sa chaussure fume. De la vapeur remonte de sa semelle.
– Et merde !
Les larmes coulent le long de ses joues, une goutte tombe, nourrissant la mer de son chagrin.
Le crapaud détend instantanément les cuisses, pour aller atterrir maladroitement sur une autre pierre, à quelques dizaines de centimètres de là. Il laisse l'étrange être de pierre dans son dos. Torsionnant les yeux dans sa direction, il ne le quitte pas du regard.
Si je tenais les salopiauds qui font ça, crie-t-il en serrant les poings et les dents.
Certainement les jeunes qui restent tard le soir à boire et à fumer. Mais, je ne comprends pas l'intérêt de ce vandalisme.
– C'est le principe du vandalisme, détruire par pur plaisir.
Le garde forestier passe la petite butte et disparaît de la vue. Les trois randonneurs reprennent timidement leur route, accompagnés du regard par le crapaud. Ils disparaissent à leur tour, engloutis par les épais buissons qu'ils font trembler.
En cours de matinée, j’ai croisé un des clients de l’hôtel dans le couloir. Il me dévisageait tout en marchant. Je sais bien ce qui l’attirait. Les habits de travail qu’on nous oblige à porter doivent être commandés dans des sex-shops, la petite panoplie parfaite de la soubrette.
L'eau monte en trombe à plus d'un mètre. Paul voit de nouveau un visage translucide se former, plus distinctement cette fois-ci. Deux yeux ronds aussi vides que le néant ornent une grande bouche ouverte sans dents. Elle ne cesse de s'allonger donnant l'impression de vouloir l'aspirer.
Un gros bouillonnement en surface et puis plus rien, plus aucun mouvement. Des sons métalliques résonnent et s'élèvent du fond de la piscine, ressemblant à s'y méprendre à des rires.
Ce sont surtout des hommes qui viennent à l’hôtel, particulièrement en semaine, des commerciaux pour la plupart. Ces types qui semblent plus pervers que la moyenne, qui nous matent les seins sans aucune discrétion ou qui se tordent au risque de se déboîter une lombaire pour essayer de deviner la couleur de notre culotte.
Insensiblement, le lieu s’obscurcit. Des nappes de brouillard sombres s’accumulent au ras du sol.
Viviane aperçoit du coin de l’œil le brouillard onduler, elle tourne la tête et le mouvement s’arrête.
Elle frissonne. Tais-toi ou il va paniquer
Un chien hurle à la mort. La cime dégarnie d’une forêt émerge, un grand corbeau noir scrute la forêt. De sombres nappes de brouillard enveloppent le lieu. Elles réagissent à l’arrivée de l’intrus. Un chuchotement confus de voix apeurées s’en élève. Les masses informes, contrariées, s’agitent. Les voix marmonnent une plainte presque inintelligible. Alerte… danger…
Je pensais également au moment où j'allais devoir retirer le scotch. J'allais avoir droit à une épilation gratuite. J'avais toujours gardé mon duvet pour pas qu'il repousse dur. Ce salaud allait me laisser un souvenir de cet instant.
_Tu peux m’expliquer pourquoi personne ne se promène en forêt le soir ?
_ Parce qu’ils sont faits de la même trempe que toi. Pas de l’acier trempé, mais de la poule mouillée.
Une vapeur noire s'élève des nouveaux arrivants, et rejoint la masse sombre
Si j'avais su ce matin que j'allais vivre la pire journée de ma vie, celle où j'apprendrais ma mort, je serais restée couchée
Je me suis vue tomber pendant que je réfléchissais à la vitesse de la lumière. Et dire que mon fils dit que j'en suis pas une.
Si j'avais su ce matin que j'allais vivre la pire journée de ma vie, celle où j'apprendrais ma mort, je serais restée couchée."
La demi-douzaine de bras à portée de main du crapaud réagit, et se jette vers le cadavre frais. Les membres voraces se disputent à coups de poing et de griffes pour s’en emparer, tels une meute de chiens affamés.
– Je ne me ferai jamais aux bruits de la forêt, dit-il. Ces claquements bizarres, qui surgissent de nulle part, et qui s’arrêtent sans prévenir. Cela me fait toujours un petit pincement au cœur.