Sébastien Doubinsky lit le poème ''Tu es plus belle que le ciel et la mer'' de
Blaise Cendrars.
Je me suis relevé et j’ai fait quelques pas dans la pénombre. J’avais envie de frapper un mur, mais j’avais peur de me fracturer la main. Ostéoporose.
Il était là, bien sûr. (…) Déjà jeune, il avait l'air vieux. Bourdeau. Commissaire, non – capitaine Bourdeau. Je trouvais ce changement de nom de grade ridicule. Heureusement, « flic » était éternel.
Je me suis soudain rappelé qu'on pouvait tracer les appels sur les portables. Connards de terroristes ! A cause d'eux, on n'était plus tranquilles aujourd'hui.
Des boutiques de fringues africaines, des restos indiens, des boutiques d'électronique chinoises... Paris devenait – enfin – New York. J'aurais dû être jeune aujourd'hui.
Le hall d'entrée de la demeure était impressionnant. Un immense escalier vous déboulait dessus, cascade de marbre et de fer forgé. C'était un escalier droit, à la française.
- Typiquement 1860, déclara quelqu'un devant lui.
Il suivit le mouvement qui l'entraîna à travers un dédale de couloirs rococo.
Rien n'avait été saccagé.
Les révolutionnaires déambulaient tranquillement dans la bâtisse, leurs armes et leur bouteille de tequila à la main, insensibles à tout ce luxe. Les frères Rivas avaient par avance interdit tout pillage.
Tous les biens devaient être inventoriés puis distribués aux habitants du village. Cette hacienda représentait trois siècles de richesses accumulées par l'exploitation des paysans indigènes. À quoi bon, par conséquent, piller ce qui vous appartenait de droit ? Cela tombait sous le sens.
Entre le moment où j'ai décroché le combiné de mon oreille et où je l'ai reposé, je n'étais plus le même. Quelque chose avait fondu en moi, disparu, s'était dilué dans mes veines pour toujours. C'était indescriptible, fugace, foudroyant comme un poison antique – cette tragédie grecque qui nous poursuit depuis vingt siècles sans jamais nous lâcher.
Je ne sais même pas si au fond de toi reste une sensation d'amour pour moi, une chaleur vague qui t'émeut quand tu me vois, une mystérieuse chambre secrète derrière ton front qui résonne au son de ma voix ?
Or, l’œuvre, comme objet de crise et comme objet quantique, échappe à toute identité culturelle figée. Ou plutôt, elle la dépasse. Par sa nature d’objet en mouvement, d’objet non-figé, situé dans une temporalité relative et multiple, l’œuvre est un paradoxe permanent. Elle peut alors être facilement déplacée, replacée ou laissée dans son contexte. Étant à la fois réelle et virtuelle, son déplacement n’entraîne pas un effondrement du paysage culturel dont elle fait partie, mais un réaménagement temporaire de sa perception. La culture est une identité rhizomique, au sens deleuzien du terme, dont les « centres » ou les « nœuds » sont essentiellement symboliques et mobiles. Lire devient alors un déplacement qui suit un déplacement.
Ce déplacement suit, voire épouse l’effet, et risque constamment de tomber dans le plus grand piège : celui d’attribuer à cet effet une identité définitive. C’est confondre un désir avec un besoin. Le besoin passe par la catégorie, le désir, lui, appelle le genre. C’est un désir né d’une angoisse, provenant elle-même de cé déplacement provoqué par la lecture. Or ce mouvement est celui de l’Histoire, dont l’aléatoire ne peut être corrigé que par des fantasmes. L’effet de l’œuvre ne sera cependant jamais son identité définitive, pas plus que sa forme ne l’associe à une espèce « pure ». L’œuvre, comme la culture, est toujours hybride d’hybride. (« LIRE »)
J'avais déjà COMMENCÉ certaines choses à l'époque, mais on ne pouvait pas parler véritablement d'un DÉBUT - une motte de beurre m'avait valu une sacrée remontée de bretelles de la part du shérif Whitehill - il avait les joues violacées de colère et ses dents jaunes claquaient près de mon nez mais je n'étais pas terrifié - honteux, oui, de m'être fait prendre, c'était la première fois que je volais quelque chose - mais je le regardais s'énerver sur moi, sa main tordant mon oreille comme dans les dessins comiques des gazettes, je le regardais comme si j'étais en dehors de moi-même, mes yeux flottant loin de mon visage pour mieux m'imprégner de cette scène - Whitehill au visage violacé par la colère sous son grand chapeau blanc et son étoile cuivrée qui vibrait sur sa poitrine, accrochée au gilet de cuit en veau mexicain - c'était un homme d'une grande bonté et je ne laisserais jamais dire à quiconque que tous les shérifs sont des ordures - ce sont des hommes comme les autres qui ont juste accepté de se laisser transpercer par leur devoir et il y en a parmi eux qui le vivent comme une blessure permanente et ceux-là doivent être respectés et honorés comme des pères - bien entendu, les autres peuvent crever.
Quelque chose claqua à l'intérieur de Sheryl.
Ses mots se mélangèrent à la salive de sa langue, et sortirent de ses mâchoires serrées en une mélodie improbable. Elle ramassa la camera poisseuse de sang mais qui marchait toujours, et se mit à parcourir ce chaos, filmant sans discontinuer. La petite lumière rouge était son étoile du berger, la guidant à travers ce dédale obscur de violence et de folie.
C'était là la seule lumière qu'elle voyait.
Lorsque les hélicoptères de secours atterrirent enfin, elle filmait toujours, entourée d'un monceau de cadavres qui l'avait miraculeusement protégée des balles et des éclats d'obus. Elle chantait pour elle-même un air qu'aucun des infirmiers ne put reconnaître.