Livre lu dans le cadre de la Masse Critique du mois de septembre et du challenge ABC 2012-2013
Ce roman policier est de petit format, en taille et en épaisseur. L'histoire est écrite sous forme d'un journal intime où Dédé la Classe, le personnage principal, nous raconte ce qu'il a fait ou dit chaque jour depuis qu'il a démarré son enquête solo suite à l'assassinat de son fils unique.
De petits chapitres s'enchaînent jour après jour et suivant les différents évènements de sa journée. Cela se lit vite et bien, un peu d'argot par-ci par-là ainsi qu'une écriture agréable à lire, sans anicroches :-)
L'auteur alterne sans difficulté passé et présent de Dédé, afin de nous faire mieux comprendre dans quoi nous mettons les pieds. L'histoire se passe dans le milieu des truands, grands ou petits, de Paris. Dédé a été un de ceux-là en son époque, plutôt bien connu des services de police de la capitale. Son fils a donc repris les « affaires familiales » à sa retraite...
Pour ma part, ce petit bouquin qui ne paye pas de mine est une belle découverte :-) Encore merci à Babelio et aux éditions « Le petit écailler » !! Cela m'a permis de découvrir un nouvel auteur de polar que je relirais avec plaisir :-)
Son style est vif et incisif, il écrit son histoire sans fioritures tout autour, ça change de certains bouquins ^^ Petit bouquin sans prétentions mais très agréable à lire. Une petite enquête policière menée par un truand à la retraite et vu au travers de ses yeux et de sa morale :-)
Voici donc un auteur que je vous conseille de découvrir si vous aimez les polars :-)
Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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L'idée de cet ouvrage est excellente, étrange voire fantastique :A l'occasion des 200 ans de la mort de Sade (+18.12.1814), 17 écrivains (mais aussi philosophes, universitaires, peintre, scénographe ou cinéastes) ont été conviés à lui adresser une lettre à leur convenance,à la première personne ou non.
Si presque tous ouvrent leurs missives par de respectueux ou de polis Cher Marquis, Cher Marquis de Sade, Cher Sade, Cher Monsieur de Sade, Comte, Cher Donatien-Alphonse-Francois, un ose un Votre Énormité et une autre un Mon cher amour.
Classées en trois thèmes (Libertés, Modernités et Éternités), ces lettres d'amour, de reproche, d'adieu ou de remerciement saluent toutefois presque unanimement l'homme acharné à vivre libre malgré l'emprisonnement, l'embastillement, l'internement.
Un de nos contemporains tient à le remercier pour nous avoir appris le caractère obsessionnel du désir, un autre salue le véritable écrivain, le provocateur ultime, un autre encore relate le choc ressenti à la découverte de son oeuvre et son emprise sur sa vie personnelle et ses rencontres. Une cinéaste, femme d'images, l'imagine sur un plateau télé interviewé par un journaliste avide de scoops bien scabreux.....
La grande intelligence de cet ouvrage est de n'être pas tombé dans l'écueil qui aurait été d'empiler des louanges et rien que des louanges afin de lui tresser une couronne mortuaire faite de lauriers alors que l'épine sied mieux à ce cher Sade !
Ainsi, reçoit-il une lettre d'adieu de celle qui, fatiguée du chaos et des cahots de l'existence, lui annonce qu'elle ne le lira plus, qu'il sera désormais le fantôme de sa bibliothèque mais qui, ultime fidélité, le remercie de l'avoir peut-être aidée à se libérer de ses chaînes.Une autre lettre d'adieu lui parvient d'une autre lectrice qui avoue vouloir jeter l'éponge afin de sauvegarder son âme et son esprit.
Ainsi Sade reçoit-il aussi une missive s'interrogeant sur la récupération faite de son personnage et sur la reconnaissance qui en dit long sur la misère des temps que nous traversons....
.. pauvre Monsieur de Sade ! Finalement reçoit-il une longue lettre d'amour enflammée !
Merci à Babelio (via la Masse Critique) et à la maison d'édition Thierry Marchaisse pour m'avoir fait découvrir cet ouvrage fin, intelligent (belle couverture ) que je recommande vivement!
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C'est un tout petit livre, à la couverture sobre: L’écaillier est une jolie maison d'édition. La collection le petit écailler, que je découvre grâce à l’opération Masse Critique, avec ses romans courts et concis nous donne des histoires marquantes.
Dédé la Classe, ex-truand retraité vit des jours tranquilles en Espagne auprès de sa femme qui doucement perd la mémoire. Jusqu'au jour où le téléphone sonne" Entre le moment où j'ai décroché le combiné de mon oreille et où je l'ai reposé, je n'étais plus le même". Son fils unique, Alexandre, qui avait repris les "affaires" de son père vient d'être assassiné en pleine rue à Paris.
C'est le chemin d'un père meurtri et vengeur que nous relate l'auteur sur 10 jours. Avec une écriture simple mais percutante nous suivons les méandres de cet homme qui se méfie de tous, même de ses anciens amis, pour comprendre ce qui s'est passé. Et le commissaire Bourdeau, son vieux complice, mais lui du bon côté de la loi sera présent pour l'épauler.
Cette histoire se passe sur 10 jours et ce décompte est comme une promenade nostalgique, avec une urne sous le bras "L'urne à mon bras pesait de plus en plus lourd, mesurant toute ma vieillesse, mais bon père, j'ai continué à marcher vaillamment, comme si je tenais Alexandre nourrison, fragile, plein d'avenir et résonnant de pleurs déchirants.". On retrouve le Paris d'avant qui n'a guère changé avec un petit passage par Tours " cette ville la moins littéraire de France" que Dédé égratigne au passage.
Les personnages sont bien campés, on a même l'impression de les entendre penser...Certains ont des craintes, fondées, car Dédé la Classe n'est pas un tendre.
J'ai aimé lire ce roman policier pour son ton doux-amer. Il y a de la tendresse dans cette histoire, des pensées silencieuses, une histoire à rebours du temps, des mensonges et des trahisons. De courts chapitres, des dialogues nombreux, une description précise à peine esquissée, des larmes refoulées et une violence sans ambiguïté m’a fait lire ce roman d’une traite en m’attachant aux mots.
Une collection à suivre et un auteur à découvrir.
Merci à Babélio .
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Dans cet ouvrage, des hommes et femmes qui sont universitaires, écrivains, juristes ou philosophes écrivent une lettre à Sade. Le fond diffère à chaque missive et l'orientation choisie varie selon le rédacteur. Il n'est pas question pour les écrivains de lui dire de but en blanc s'ils l'aiment ou le détestent mais plutôt de choisir un aspect de Sade (sa personnalité, ses écrits, sa fin de vie, ses pensées) et de s'en servir comme trame pour s'adresser au marquis.
J'ai beaucoup aimé ces lettres qui traitent d'un point de vue différent la pensée, les écrits de Sade, son enfermement, sa mort. Tandis qu'une lettre me fait réfléchir pour savoir si je suis d'accord ou non avec son rédacteur, d'autres se projètent contemporains de Sade et me re-situent à ses côtés à la Bastille. Certains font des parallèles avec la façon dont est traité le corps de nos jours : piercings, corps morcelés (dons d'organes), mères porteuses, l'enfant à tout prix. Un des auteurs a un parti pris plus poétique tandis qu'une autre me semble invectiver l'écrivain lequel n'a pas voix au chapitre bien évidemment puisqu'il ne s'agit pas d'un dialogue.
Il est souvent question de la nature de l'homme (homme naturellement bon ou a contrario meurtrier, incestueux, violent) ?
J'ai un avis très positif sur ce livre pour plusieurs raisons :
- ceux qui ont rédigé les lettres m'étaient complètement inconnus à l'exception de Noëlle CHâtelet et Catherine Cusset. Je n'ai donc pas été parasitée par ce que j'aurais pu avoir lu de l'auteur ni même "parasitée" par le physique de la personne. Je n'avais pas la vision du visage de l'écrivain mais uniquement son écrit.
-Les lettres sont de qualité, bien écrites voire dfficiles pour deux d'entre elles : j'ai dû les relire lentement pour m'en imprégner et les comprendre.
-J'ai bien aimé le procédé, les points de vue différents.
-Je me suis demandé ce que j'aurais pu lui écrire.
-La couverture est très jolie et j'aime le toucher différent entre le bandeau glacé, lisse et brillant et le reste de la couverture (et j'attache une grande importance aux titres et couvertures des livres).
- J'ai même laissé passer du temps entre la lecture des premières lettres et la lecture de la dernière lettre. Je n'avais pas envie de la lire parce que je n'avais pas envie de n'avoir plus de lettres à lire.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Thierry Marchaisse pour cette opération Masse Critique.
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Jubilatoire, subtil, « La comédie urbaine » est d'utilité publique, le remède anti-déprime. L'antidote à la morosité, le gris effacé du tableau. Vous allez sourire, annoter les références, les malices et les clins d'oeil. « Il est cool Georges. Il est Grec. Il est poète lui aussi. Je suis sûr que si Homère avait un prénom, ce devrait être Georges. » « En attendant c'est super de se voir en Mandrin. » L'humour est une boîte de couleur. Ici, vous allez subrepticement vous élevez dans les signaux littéraires, les degrés de l'écriture de renom de Sébastien Doubinsky. Le summum est ce côté Diogène, décalé, un pied de nez à l'adversité. Comme on les aime ces trois histoires qui s'emboîtent telles des poupées gigognes. Ces trois lascars, le poète, le barman et le philosophe égaré dans sa quête existentielle cobaye de laboratoire également. Gare aux rebondissements ! « Ma vie normale » est le lever de rideau de « La comédie urbaine ». Libraire côté ville, le narrateur se pense poète. « Un roman posthume de Marguerite Duras quinze euros. Schling ! » « La journée passe. Nous vendons. Nous bavardons. Nous vendons. La journée repasse. » Le narrateur est jeune, hors du circuit conventionnel. Il vit avec Akiko qui « qui bosse à Cradigel. » Binôme affuté aux averses, aux petites galères, aux fins de mois difficiles Quelques bières et plus. Même pas peur même pas mal ! La jeunesse est leur garde-fou. « Je n'ai qu'une seule chose en tête et cette chose, vois-tu, eh bien, c'est mon poème et mon poème c'est toi ! » « Il vient de se faire refuser par Gallimoche. » Cette comédie urbaine est une satire. Les chaises tombent au sol. Les pied-nickelés vont entrer en action. « Il n'y a pas pire que des poètes remontés. C'est toujours eux les premiers sur les barricades. Ils ne s'interrogent pas, les poètes. Ils foncent. » Et là les amis, le rythme est un tour de manège. « Moi c'est Dante et Béatrice. Lui, plutôt Miller et ses pouffes. » La joie de lire cette comédie est une étreinte avec les protagonistes. « C'est pas des flics, qu'il faudrait leur envoyer, c'est des poètes. Homère, Shakespeare, Ronsard à Bobigny au Val Fourré, aux Minguettes, pour réapprendre aux gens la valeur des mots. Leur beauté est gratuite. Accessible. Universelle. Bordel de merde. » Voyez cette comédie, ces sourires aux lèvres, cette marche ubuesque qui contre le conformisme. Ne pas dire ce qui va se passer. « Ouvert en août » et « Castrol Hôtel » sont des pépites. On aime ce fil rouge, cette continuation dans la dérision, dans ce nihilisme qui s'invite à la comédie. Ces trois jeunes hommes dont la vie est dans ce hors cadre qu'on affectionne. La trame est un cahier du jour, cette saveur pétillante qui reste constante jusqu'au bout. Que dire des femmes ici, contemporaines, actives, féministes, libres. Retenez bien le nom du groupe de hardcore d'Akiko « Les Furies » ! Ces trois récits sont un hymne de fraternité, de bonne humeur et d'optimisme. Haut les coeurs ! Un saut dans la flaque des diktats sociétaux, la marginalité comme issue, les actes assumés et ça fait un bien fou. « La comédie urbaine » est dans ce summum littéraire. Dire les importances avec légèreté. Prendre soin de la lecture car elle est gagnante. Sébastien Doubinsky est digne d'un génie évident. Comme j'aimerai voir « La comédie urbaine » en version 3D. Lisez ce livre, offrez-le à vos amis, glissez-le sur un banc pour un poète égaré et mélancolique. Si vous avez un cadeau à faire c'est celui-ci ! du rire en myriade ! Trois derniers mots : thérapeutique, magistral, jouissif. Publié par les majeures Éditions Publie.net.
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La vieille Star a deux amis : Annika, jeune péripatéticienne de son état et le Capitaine Bourdeau, Jipé pour les intimes.
Quand Annika se fait tuer, Star et Jipé vont s'unir pour mener une enquête aux confins de l'enfer.
Si l'auteur esquisse un duo flic-pute, il le fait en décrivant la dure réalité de la rue, de la nuit, du crime... Tout est sombre, sordide, dans ce véritable cloaque, et pourtant, il en ressort presque une aura romantique de cette relation on ne peut plus atypique.
Un vrai polar d'ambiance à la lecture rapide et effrenée, dont on ne garde finalement pas un souvenir impérissable. Peut être du à son nombre de pages qui nous privent de nous attacher davantage à ces deux personnages ?
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Le monologue de Billy the Kid, la rébellion instinctive, ses conséquences. Magnifique.
Publiée en 2010 chez Joëlle Losfeld, la douzième œuvre de Sébastien Doubinsky n'EST PAS une n-ième biographie ou pseudo-biographie de Billy the Kid (même si le thème peut se targuer à bon droit d'illustres prédécesseurs, tels le Borges de "Histoire de l'infamie"), mais une utilisation sensible et intelligente de la figure singulière et mythique du jeune bandit du Far West pour explorer, dans une direction chère à l'auteur, les ressorts possibles et les aboutissants de la rébellion INSTINCTIVE.
Non pas celle, dotée d'une théorie politique, mise en scène par exemple par l'Ernst Jünger du "recours aux forêts" (Traité du rebelle, 1951), avec un agenda bien différent, mais bien celle, correspondant à une grande partie des témoignages - hors celui, terriblement biaisé comme on le sait, de Pat Garrett - sur l'outlaw aux quatre pseudonymes, qui naît comme par accident d'un irrépressible besoin de justice, ici et maintenant, et balaie de ce fait toute convention sociale à l'instant t, pour devoir ensuite en vivre et assumer les conséquences.
À partir de cela, Sébastien Doubinsly nous crée ce magnifique monologue intérieur, usant d'une habile forme, alliage de mots d'autodidacte, apparemment rugueux, qui peinent à éclore, et de leitmotivs ou d'idées se précisant toujours davantage, alors que la fatale chambre de Fort Summer semble maintenant se rapprocher à grands pas, monologue convoquant crimes et délits passés, épisodes de bonheur simple, rencontres féminines plus ou moins éphémères, et surtout moments fondateurs d'une vie et d'un mythe, autour de ce que Billy appelle le COMMENCEMENT et le DÉBUT, et qu'il devra réaffirmer ensuite, sans arrêt, pour mener sa vie.
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C'est dans le cadre de Masse Critique que j'ai découvert Le feu au royaume et son auteur, Sébastien Doubinsky.
Je remercie vivement Babelio et les éditions du Petit Écailler pour cette belle découverte.
Ce petit polar nous emmène sur les pas d'André Thiriet, dit Dédé la Classe, truand à la retraite qui revient à Paris pour enterrer son fils Alexandre qui vient d'être assassiné. Dédé se met en quête de l'assassin et est bien décidé à se venger.
Édité sous la forme d'un journal intime, ce très court roman est écrit avec énergie, sans fioriture et de manière très cinématographique. On a l'impression d'être plongé dans un film policier des années 70 et on entrevoit les silhouettes de Gabin, Delon ou Ventura. On respire le Paris humide, on se délecte de l'argot et des réminiscences du vieux truand.
En filigrane de l'enquête, ce roman parle d'amour : l'amour filial, l'amour d'une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer, l'amour du "métier", l'amour d'un certain code entre truands et flics qui n'existe plus, l'amour d'un Paris à jamais disparu...
Émouvant et passionnant, le roman se lit d'une traite d'autant plus qu'il est très court (145 pages).
Le feu au royaume m'a donné très envie de découvrir les autres livres de l'auteur et de me pencher de plus près sur les parutions du Petit Écailler !
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Grande maestria pour un bon roman "noir de grand banditisme".
Publié en 2012, ce roman de Sébastien Doubinsky s'apparente à un exercice de style, disons-le nettement même si le mot est bien galvaudé, très jubilatoire.
Maîtrisant parfaitement les codes du "noir de grand banditisme", l'auteur habituellement subtilement politique nous livre ici un récit bref et haletant, où l'on imagine sans peine des Gabin, Ventura ou autres Robert Dalban incarnant toute une faune au milieu de laquelle ce parrain du milieu parisien, largement "rangé" en Espagne depuis que sa femme, amour de sa vie, est aux prises (perdantes) avec M. Alzheimer, est brutalement rappelé au front lorsque son fils et successeur est assassiné... Dévoilements soudains, violence dans les échanges pas du tout tempérés, vieux caïds angoissés, jeunes loups fringants qu'il s'agit peut-être de calmer, lois d'honneur du milieu appliquées sans doute sans grand discernement : les ingrédients sont là, et emportent le lecteur.
Un très bon moment, du brio, peut-être juste le regret fugitif de moins sentir que d'habitude l'imagination poétique et politique de "l'autre" Doubinsky, mon préféré, celui de "Quien Es", de "Fragments d'une révolution" ou de "La trilogie babylonienne". Ceci dit, cette toute petite déception ne devrait pas durer : je viens de me procurer, dans un repaire d'occasions, le tout premier roman du maestro, "Les vies parallèles de Nikolaï Bakhmatov", et m'en réjouis d'avance...
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Absinthe nous plonge dans un univers chaotique. On ne comprend pas tout d'emblée. Un multivers se développe avec les pages. D'une part, on est confronté à un monde où les dieux, Odin, Yeshoua et consorts, sirotent du gin, prennent, l'avion, etc... On ne sait pas trop qui dirige tout là haut. Zeus, le Seigneur, ou Jah (terme hébreu pouvant désigner à la fois Dieu des chrétiens, juifs et musulmans) ?
"Mais Jah était arrivé de nulle part et avait joué un jeu intelligent. Il avait raconté aux hommes plein de mensonges sur les autres dieux, leur avait fait une peur bleue, et cela avait fonctionné. Un jeu rapide aussi. En quelques milliers d'années, il avait presque conquis l'ensemble du territoire, en renvoyant les anciens dieux à leurs fermes, déserts, collines, jungles et étangs – pour ceux qui avaient eu de la chance. Mais les vieux singes n'avaient pas dit leur dernier mot."
La vue de Jah décline, et certaines divinités, comme Baal ou Pan, ont disparu. Hermès, lui, parcourt le monde, consultant des divinités variées, poussé par une envie de comprendre ce qui se trame. Certains de ces dieux sont peu enthousiastes à l'idée de revenir aux affaires, mais la Pythie, ce laideron devin, préssent un changement...
Dieux ou hommes, femmes ou déesses, les personnages sont plutôt grossiers, les phrases concises. Les conversations et les situations, le plus souvent absurdes, nous renvoient à notre monde, où la pondérance et la philosophie sont tout aussi malmenés. Ça se passe sur tous les continents à la fois, entre New Lagos et Brazilia. New Petersburg joue un plus grand rôle. Elle a été le lieu d'une révolte de drogués et d'obèses considérant que "les mesures de santé publique étaient du fascisme". A part Hermès, toujours sur la route, on suit surtout les aventures d'un éditeur véreux qui va se refaire une santé financière en publiant L'Evangile selon Jésus. Et d'une chanteuse ratée qui devient diseuse de bonne aventure, grâce aux visions que lui procurent le cannabis. Peu importe si elle ne voit que le passé : ses flashs inspirent la confiance chez ses clients.
Le récit est parsemé de catastrophes ou bizzareries qui parviennent sous la forme de dépêches et de chapitres digressifs. Mais le malheur des uns n'est-il jamais de bonne augure ? On est peu ému lorsqu'on apprend que tel chef d'une superpuissance a été trucidé, ou que l'équilibre capitaliste est perturbé par un parasite qui s'attaque à l'argent liquide et à l'or (la monnaie scripturaire, aujourd'hui prédominante, est hélas épargnée).
Bref, Doubinsky nous invite dans un monde à peine plus tordu que celui que l'on constate chaque jour de notre poste d'observation. La réécriture absurde de passages bibliques peut déclencher un sourire ou une réflexion. Y a t-il une sagesse à retenir de ce livre ? Peut-être avec Baiame. Le dieu du ciel d'une partie des aborigènes d'Australie, lorsqu'il énonce : "L'homme va découvrir un nouveau monde bientôt. Son propre monde. Libre. Acceptez cette liberté et il n'y aura pas de problème. Plus de contrôle sur les choses. Une nouvelle ère, fait du passé et du présent. Réunis. Une expérience transparente." . Plus tôt, Tezcatlipoca avait déjà donné semblable avertissement à Hermès. "Vous avez vécun dans le confort pendant trop longtemps, toi et tes amis civilisés. Même votre propre liberté vous fait peur maintenant." Comme si le logos des Blancs pourraient en rabattre devant la sagesse du Sud Global ?
Sébastien Doubinsky, qui vit au Danemark, fait des emprunts à la mythologie, notamment nordique (Ragnarök) et biblique (Absinthe est une étoile jouant un rôle important dans l'Apocalypse). Autrement, les références modernes de Doubinsky sont sans doute anglophones, et elles m'ont échappées à la lecture. Sauf une, cinématographique :
"- Tarantino ! Pensa Sid, déchiré entre la curiosité et la peur d'une balle perdue."
Il y a aussi cette dédicace introductive à Michael Moorcock "sans qui le Multivers ne serait pas le même".
Sébastien Doubinsky m'a précisé que pour la traduction française, il a "pris des pubs francaises (authentiques) des années 60 et 70 au lieu de pubs américaines".
Lire Absinthe permet donc d'approfondir sa culture pub tout en peaufinant ses connaissances en cosmologie. Concernant le style, si je devais absolument l'associer à un autre livre m'étant passé entre les mains, je convoquerais le Cul-de-sac ? de Douglas Kennedy. En tout cas, Absinthe a peu à voir avec Quién es ?, roman de Doubinsky écrit en français, et dont les phrases à rebondissements, interminables, mais souvent belles, m'avaient conquis.
https://blogs.mediapart.fr/emmanuelglais/blog/010524/lecture-absinthe-roman-de-sebastien-doubinsky
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Excellent livre empli de poésie et de rêveries. Le style est élégant alerte. Je suis particulièrement étonné par la qualité des ouvrages édités par La toute jeune maison d'éditions ABSTRACTIONS et en tant que roman, celui de Seb Doubinsky est une véritable réussite. Bravo
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