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Citations de Serge Portelli (13)


Que produit la prison ?

Si la société ne vit pas sans sanction, peut-elle pour autant être vraiment sûre de leur efficacité ? Qu'Est-ce que d'ailleurs l'efficacité d'une peine ? Au regard du déluge de lois pénales votées ces dernières années et du recours systématique à l'emprisonnement, on pourrait espérer que la question soit au moins à chaque fois posée. Il n'en est rien. Elle a comme un statut d'évidence. Se posait-on d'ailleurs la question de l'efficacité de la peine de mort quand elle existait ? Il semble parfois que la seule souffrance infligée épuise le maigre champ du questionnement : Est-ce que la prison fait suffisamment souffrir celui qui a entravé la loi ? Cette question de l'efficacité n'a pourtant de sens que si l'on assigne à la prison un but plus large que celui de seulement punir ou isoler un temps de la société.
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L'obsession de la récidive

La prison est un monde sans cesse redécouvert et sans cesse oublié. Tous les rapports qui s'accumulent depuis des dizaines d'années ressassent inlassablement les mêmes constats, comme si rien n'avait été déjà écrit, vu, acté, filmé, attesté. Comme si ce monde clos n'offrait aucune prise à la mémoire. Pourtant, cette attention intermittente est un luxe au regard du désintérêt pour l'après-prison. Car une fois la liberté retrouvée, après la rupture de la levée d'écrou, une autre existence débute.

Une vie encore moins connue que celle de la prison. A croire que les murs sont encore plus hauts après que pendant. Là, pas de compassion à éclipse, pas d'indignation éphémère. Juste un regard lointain, méfiant et inquiet.

Aujourd'hui, les rares fois où la question est posée, elle est formulée presque exclusivement de la façon suivante : celui qui sort de détention va-t-il récidiver ? Subsiste-t-il un risque de nouveau passage à l'acte ? Avons nous affaire à in individu dangereux ? quel type d'expertise pratiquer pour le deviner ? Quelles recherches lancer ? Sur le sujet nous disposons d'études de plus en plus nombreuses, souvent contradictoires, qui tentent de chiffrer plus que d'expliquer le taux de récidive, synonyme d'échec ou de réussite de la prison. Mais le regard le plus obsessionnel est celui du politique, obnubilé par cette question. Le sortant de prison est devenu un suspect en puissance, enserré dans un maillage d'institutions de surveillance. Se sont multipliées les lois qui , votées à la chaîne ces dernières années, étaient censées réduire le risque de récidive en créant de multiples institutions de fichage, de contrôle ou de soins contraints.
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La prison est aujourd'hui la peine majeure. Mais que sait-on de ce qu'elle "produit" ? Tout dépend évidemment du but qu'on lui assigne.
Si on considère que la prison a pour mission de faire souffrir, inutile d'aller plus avant. La mission est remplie.
Si elle n'est qu'une entreprise de gardiennage utilisée le temps de l'emprisonnement pour "protéger la société " et isoler le condamné, il suffit de compter le nombre d'évadés pour évaluer le respect de sa mission.
Enfin, si le but est d'éviter la récidive, il suffit de comptabiliser les détenus libérés et de nouveau incarcérés dans les temps suivant leur libération.
Mais on condamne quelqu'un à la prison pour qu'il en sorte un jour (en tout cas depuis l'abrogation de la peine de mort) : alors, si la prison a pour ambition de faire changer le condamné, de modifier l'homme qui a été détenu, la mesure devient plus délicate. Compter ne sert plus à grand-chose. Il faut aller voir ce que deviennent concrètement les anciens détenus. Il faut les rencontrer et les écouter.
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La parole de l'ancien détenu

La désistance n'est pas uniquement un concept mais aussi une méthode. Celle-ci repose sur une analyse individuelle du parcours délinquant à travers le témoignage qu'il en porte. Dans ce livre, nous ne prétendons pas nous inscrire dans une démarche scientifique de ce type mais nous rejoignons cette méthode : donner la parole à ceux qui connaissent le mieux la prison, ceux dont elle a été le cadre permanent pendant plusieurs années, les anciens détenus.
Pour les rencontrer, nous sommes passés par l'intermédiaire d'associations d'anciens détenus, d'organismes de réinsertion, de visiteurs de prison, d'aumôniers qui ont gardé des liens privilégiés avec eux. Nous avons eu le souci de varier les âges, le sexe, les motifs d'incarcération, les situations de réinsertion actuelle. Notre objectif n'est ni d'asséner une morale, ni débusquer une vérité. Il est de faire émerger une parole aujourd'hui rare : nous l'avons volontairement reçue telle que nous était confiée, dans toute sa subjectivité, sans mener une enquête exhaustive, ni refaire un procès.
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Pour tous ceux qui travaillent sérieusement au milieu des hommes, la fatalité n’existe pas. Suffirait-il de faire le premier pas sur une route toute tracée pour être sûr et de l’itinéraire et du point d’arrivée ? La pente naturelle de l’esprit est de croire que tout se répète, que la vie est à sens unique. La justice, toujours tiraillée par la tentation du plus simple, est l’une des premières victimes de cette illusion. Qu’il puisse y avoir des changements de cap, des demi-tours, des zigzags apparaît inconcevable.
Que l’homme change – cette réalité que tout homme de bonne volonté peut constater chaque jour n’importe où, en ouvrant simplement les yeux – semble répugner à la justice et pour tout dire la fatiguer. Il est si facile de se convaincre que nous ressemblons à nos actes, qu’ils nous définissent une bonne fois pour toutes et que notre identité tient à leur répétition.
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Faire miroiter une sécurité absolue, laisser espérer l'éradication de la criminalité ou de la récidive, alors que c'est évidemment impossible, c'est mettre en place des lois et des institutions qui vont peu à peu cadenasser les libertés de tous et nous faire vivre dans une société de surveillance et d'enfermement.
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« La lutte contre la torture rejoint alors un combat ordinaire, celui pour l’égalité des hommes et l’affirmation d’une commune humanité. Plus personne, évidemment, au début du XXIe siècle, n’ose affirmer ouvertement qu’il existe des sous-hommes, voire des surhommes. Il n’est plus question de race, en ce sens, ni de hiérarchie dans les civilisations. Officiellement du moins. Il n’est pas interdit de le penser mais il est pénalement répréhensible de l’affirmer publiquement. Dès lors surgissent de nouvelles formes sournoises de discriminations. Ainsi, sous couvert de lutte contre l’immigration clandestine, les étrangers en situation irrégulière, les « sans papiers », subissent dans la plupart des pays du monde un statut extrêmement discriminatoire, font l’objet d’enfermements injustifiés, parfois avec leurs enfants, souvent dans des conditions dégradantes et indignes et sont reconduits dans leur pays d’origine au mépris de leur sécurité. De nouveaux « monstres » surgissent qui peuvent faire l’objet d’une haine commune, de traitements inhumains voire de tortures. Les délinquants récidivistes et les délinquants sexuels sont ainsi devenus les cibles de politiques publiques démagogiques qui, plutôt que de chercher à comprendre le pourquoi de cette criminalité complexe avant de la traiter ou de la punir, renvoient ces sujets à des mesures d’exclusion et d’enfermement inhumains, parfois perpétuels. Quant aux terroristes ou présumés tels, s’ils constituent à l’évidence un danger, ils sont devenus la cible de tous les fantasmes et donnent lieu à une surenchère de mesures répressives hors-normes et sont la cible privilégiée de la torture. »
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La liberté et la démocratie ont toujours le même adversaire : le pouvoir et ses possibles abus.
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Les droits de l'Homme ne sont pas une illusion, les juges ne sont pas des pantins, mais ils peinent à s'affirmer face à la puissance de l'argent, de la corruption, des réseaux de pouvoir, des oligarchies de toutes sortes accrochées à leurs privilèges, indifférentes aux libertés ou farouchement déterminées à les laminer.
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Comment ne pas être choqué cette exploitation de la souffrance d’autrui à des fins de propagande ? Qu’un ministre de l’intérieur aille aux obsèques d’une victime d’un crime de droit commun ? Pourquoi pas, dès lors qu’il le fait avec recueillement et discrétion. Mais le faire ostensiblement devant les caméras est consternant. Qu’il en fasse état ensuite dans des discours électoraux, est simplement indécent. Heureusement toutes les victimes ne se plient pas à ce cérémonial médiatique et électoral et infligent quelques rebuffades au ministre candidat. Ainsi lorsque les parents des jeunes de Clichy sous Bois électrocutés en octobre 2005 refusent de se rendre au ministère de l’intérieur. Siyakah Traoré, frère d’un des deux jeunes électrocutés dans un transformateur à Clichy sous bois explique son refus par “l’incompétence” de Nicolas Sarkozy, préférant obtenir un rendez-vous chez le premier ministre qui était alors son concurrent direct.
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Le discours subsidiaire sur la réinsertion

Ce discours lancinant sur la récidive s'est peu à peu substitué à celui sur la réinsertion, même si ce dernier n'a pas disparu. Depuis que la prison existe, le détenu a toujours fait l'objet d'un discours généreux et humaniste, voire philanthropique, qui a pris différents noms au XIXe siècle puis au début du XXe : l'objectif affiché de la prison était alors l'"amendement", le "relèvement", la "rééducation morale". Le sortant de prison bénéficiait de la même sollicitude paternaliste que le détenu. On parlait de "patronage post-pénal", de "parrainage" des libérés. Il fallait bien y penser, au moins depuis qu'avait été instaurée en 1885 la libération conditionnelle : une sortie anticipée de prison, mais qui n'avait pas de sens sans un soutien au moins matériel.
Jusqu'à la Libération, cette réinsertion était du domaine privé. La prison a changé après la Seconde Guerre mondiale en France. L'un des principaux facteurs d'une volonté de réforme a été que nombre d'hommes politiques ont vécu l'enfermement : la prison, l'internement, les camps...
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On ne lance pas un instrumentaliste sur scène après lui avoir appris seulement le solfège. La première audience correctionnelle que je présidai fut terrible. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il fallait faire. Ou plutôt si, je le savais très bien. Toutes les règles de procédure, je les connaissais par cœur. Les dossiers, je les possédais sur le bout des doigts. Mais je tremblais comme une feuille. Un peu comme lorsque, bon élève, je montais sur l'estrade pour réciter une poésie. Pas seulement le trac, ni l'angoisse d'exercer un pouvoir exorbitant et décider, si jeune, du sort et de la liberté des autres. Le plus épouvantable était le lien qu'il fallait établir avec les autres. Comment s'adresse au prévenu, à la victime ? Quel ton employer ? Jusqu'où écouter ? Être autoritaire ? Empathique ? Garder la main ? Inutile de préciser qu'aucune consigne, aucun conseil n'était délivré au juge débutant.
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Sur la page de l'association, on peut lire en caractères gras : « L'objectif de l'Ange Bleu est de vous aider ». Un numéro de téléphone est indiqué, que Georges avait alors composé : « J'avais appelé l'ange bleu pour être aimé, se rappelle-t-il. Sur le site, c'est marqué : l'objectif, c'est de vous aimer. Je voulais parler, être aimé, compris.
- Mais vous avez mal lu ! rectifie Latifa Bennari. Le but c'est de vous ai-der, pas de vous ai-mer ! Ce n'est pas du tout la même chose...
- Ah oui ? s'étonne Georges. Je n'ai pas vu ça... Tiens... Bon ben ce n'est pas grave, les gens quand on les aide, on les aime un peu quand même... »
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