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EAN : 9782373851885
112 pages
Les éditions du Sonneur (05/09/2019)
4/5   7 notes
Résumé :
Qui suis-je pour juger l'autre ? Qui peut bien avoir la légitimité pour juger du sens de la vie d'un homme ? Comment être soi et juge en même temps ? . Le magistrat Serge Portelli s'empare de notre collection pour raconter le dur métier de vivre. Il dit non pas la vérité, mais sa vérité, son intime conviction. Voici le récit d'un homme face à d'autres, victimes ou agresseurs, humains, tous si terriblement humains. Il se souvient de la sauvagerie de certains gamins, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les éditions du Sonneur ont lancé en 2015 – l'année de leurs dix ans – une collection formidable, «Ce que la vie signifie pour moi», reprenant le titre d'un court récit autobiographique de Jack London publié en 1906 (disponible aux éditions du Sonneur), un récit personnel très marquant, dans lequel il évoque le chemin qui le mena à son engagement politique.
Dans cette collection, des écrivains, artistes, scientifiques, magistrats, etc. sont conviés à s'emparer de cette question, ce que la vie signifie pour moi, à interroger sous la forme de leur choix le monde et la vie en mouvement autour de cette question.

Chaque livre de cette collection est comme une rencontre et en particulier celui que je vous invite à découvrir, le quinzième titre de cette collection, paru en septembre 2019 : « Qui suis-je pour juger l'autre ? » de Serge Portelli. Serge Portelli a été un juge d'instruction remarqué, conseiller du Président de l'Assemblée nationale pour les questions de justice, d'intérieur, concernant les droits de l'homme et les questions juridiques et il est aujourd'hui avocat.

S'emparant du sujet, ce que la vie signifie pour moi, Serge Portelli nous donne à lire la construction de la conscience d'un juge, dessine une carte de son humanité, qui comme son courage apparaît exemplaire. Il nous parle de sa rencontre avec les prévenus et les victimes, comment ces rencontres l'ont profondément transformé, comment il a peu à peu appris sa posture de juge, la manière d'exercer avec humanité ce pouvoir exorbitant que la fonction confère, comment il a appris à reconnaître l'humanité dans l'autre, y compris le pire des criminels, comment il a pu supporter les récits souvent insoutenables des victimes.
Serge Portelli remercie d'ailleurs à la fin du livre tous ceux qu'il a jugés pour tout ce qu'il a appris d'eux et livre son expérience introspective et humaine avec beaucoup d'humilité.

On retiendra du livre une scène très marquante où l'auteur assiste – à l'époque il est jeune magistrat stagiaire – à des audiences au Palais de justice de Paris, audiences-spectacle où le Président n'a pas son pareil pour enchaîner les blagues et les bons mots en se moquant de la dégaine et des maladresses des prévenus. Cette scène est aux antipodes de la conception de la justice de Serge Portelli, qui apparaît comme un juge pleinement conscient de sa responsabilité, rejetant toute conception d'un pouvoir ou d'une justice qui méprise et qui broie. Il insiste sur le fait que les hommes changent, en se prenant lui-même pour exemple, et que la plupart des condamnés ne récidivent pas, n'aspirant qu'à sortir d'une criminalité éreintante.

On connaît Serge Portelli car il s'est opposé avec constance à Nicolas Sarkozy, dans les médias et par ses livres, lui reprochant ses attaques répétées contre la justice et sa politique fondée sur la peur. En contraste avec les portraits de prévenus ou de victimes, il dresse un portrait saisissant du candidat Sarkozy à quelques mois des élections présidentielles de 2007 : Serge Portelli se retrouve face à lui en débat, pour lui porter la contradiction sur le thème de la justice, alors que le candidat brandit de faux chiffres sur la récidive et la promesse des peines planchers totalement inutiles, « qui seront supprimées sept ans après avoir été votées ».

Serge Portelli parle aussi de l'Algérie dans ce livre, du sentiment de familiarité avec ce pays lorsqu'il y revient en 2013, cinquante-huit ans après l'avoir quitté ; il évoque aussi son travail sur la parole et le langage de la justice, pour pouvoir exercer une justice compréhensible, à hauteur d'homme.

« Qui suis-je pour juger l'autre » forme un livre mince mais dense, une rencontre avec un homme de justice d'une infatigable énergie et d'une humanité immense, une rencontre indispensable.

Retrouvez cette note de lecture et beaucoup d'autres sur le blog de Charybde : https://charybde2.wordpress.com/2019/11/11/note-de-lecture-qui-suis-je-pour-juger-lautre-serge-portelli/
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Quelle question emplie de sens pour tous les étudiants qui, comme moi, s'apprêtent à passer le concours d'accès à l'École nationale de la magistrature : qui suis-je pour juger l'autre ?

C'est à cette question que tente de répondre Serge Portelli, ancien magistrat devenu avocat. Cet essai a été publié dans la collection « Ce que la vie signifie pour moi » : quel fort symbole de corréler ainsi la justice et la vie. L'auteur nous livre quelques réflexions sur le sens de la justice, tant au sens littéral que figuré. Littéral car, en tant qu'ancien magistrat, il aborde quelques affaires qu'il a eu à connaître. Figuré car juger, est-ce toujours être juste ? Tous les jugements sont-ils justes ? Toutes les lois sont-elles justes ? On ne peut alors s'empêcher de penser à Antigone rétorquant à Créon : « Tes lois, crois-moi, sont peu de choses à côté des lois naturelles et immuables des dieux », thème d'ailleurs abordé par l'auteur avec ce soupir de satisfaction « Ouf ! Antigone a été acquittée ».

Dans cet ouvrage, il aborde donc son expérience de magistrat : la perte d'un détenu retrouvé pendu dans sa cellule, l'exploration du concept de désistance, le rejet du fatalisme face à la récidive, l'importance de la motivation des jugements, la manière de parler aux victimes et de raconter leur histoire. Il est, à ce propos, la raison pour laquelle l'article 81-1 du code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction peut ordonner une enquête de personnalité de la victime. Il relate avec justesse la réalité derrière la robe de magistrat : « La première audience correctionnelle que je présidai fut terrible. (…) Je me doutais bien d'une embrouille en achetant cette robe. Elle était bien plus qu'un déguisement. Il y avait tout un paquetage invisible. Une façon de vivre, de se tenir, de penser et de parler ».

Ce livre est humain avant tout, à tel point qu'à la fin, l'ancien magistrat remercie tous ceux qu'il a jugés pour tout ce qu'ils lui ont appris. Il livre son expérience sans artifice, avec humilité et modestie. On sent la responsabilité de la fonction qui pèse sur ses épaules et son désir de l'exercer avec indépendance et impartialité. Il déclare, à propos d'un notable, qu'il convient de le juger comme n'importe qui. « Si je ne peux pas prendre les réquisitions prévues, je vous rends l'ensemble des dossiers. Je n'irai pas à l'audience ».

C'est un récit court mais intense, une rencontre extraordinaire avec un juge qui croit en l'homme. Il déclare à ce propos « Si je suis persuadé que tout homme peut changer, c'est que moi-même j'ai changé du tout au tout ». Je conclurai ainsi : quel bonheur d'avoir fait la connaissance de cet homme par le biais de son écrit, aux valeurs et aux idéaux intacts. Merci Monsieur.
Lien : https://littecritiques.wordp..
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Valérie Millet, la fondatrice des éditons du Sonneur me connait apparemment bien quand elle m'a mis dans les mains « ce petit livre qui te plaira ». Dans la collection « Ce que la vie signifie pour moi » dirigée par Martine Laval, c'est Serge Portelli, magistrat, qui donne du sens à la justice par le biais de cet ouvrage. Durant toutes mes études juridiques, j'ai parcouru bon nombre de témoignages d'auxiliaires de justice, parfois pompeux, parfois égocentriques, celui-ci ouvre une nouvelle brèche tant elle lie la justice à l'humain. « Qui suis-je pour juger l'autre ? ». Si à notre échelle de citoyen la question se pose, elle n'est rien quant à la vie d'autrui en devient altérée par une peine de prison. C'est en cela que Serge Portelli convoque son expérience de magistrat au travers des enquêtes qu'il a menées en tant que juge d'instruction. On voit ainsi, sous sa plume, le destin cabossé de toutes ces âmes délinquantes se fracasser contre le mur aveugle d'une justice qui oublie tant ce qu'est un être humain. En une centaine de pages, il est arrivé à faire de ce plaidoyer, un texte nécessaire qui ose mettre l'humanité au coeur d'un système judiciaire désincarné.

Vous y croiserez Henri, passé vingt quatre fois devant le juge, récidiviste pour des vols sans que personne ne comprenne que sa logique n'était que virtuelle et que son irresponsabilité était évidente. Mais aussi ces trois gamins de 8 à 11 ans qui ont tué un clochard tout en lui enfonçant un morceau de bâton dans l'anus. « Cet âge est sans pitié ». Ou encore Ginette tuée et défigurée par une jeune étudiante pour un mauvais mot sur ma mère, à laquelle « il fallait rendre un visage à cette femme ».

«  Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition », affirmait Montaigne.

Serge Portelli s'interroge sur le « paquetage invisible » de sa robe de magistrat, différencie le droit et la justice, comprend au fil de son exercice qu'il n'y a pas qu'une seule vérité. Avec une certaine finesse et une grande pédagogie qui me fait penser que cet ouvrage serait idéal pour mes étudiants, il réussit à lier la ligne que l'on trace dans nos vies à cette morale dictée par nos lois. Dura lex, sed lex. Oui, mais « la justice peut-elle se satisfaire de solutions automatiques ou doit-elle être toujours individualisée ? ». La justice voit-elle encore quelle personne juge t-elle ? le bandeau de cette dernière n'est-il pas déjà tombé de ses yeux ? Avec force, Serge Portelli dénonce les dérives d'une justice qui ne voit plus et qui juge à tour de bras sans jamais croire à la rédemption.

«  La pente naturelle de l'esprit est de croire que tout se répète, que la vie est à sens unique. »

Si certains sont morts dans une grande indifférence notamment dans leur cellule, qui sommes-nous pour juger d'un parcours de vie ? Seriez-vous surs avec leur passif, de prendre une direction différente ?
Quant aux méandres du pouvoir politique, toutes années confondues, l'auteur ne mâche pas ses mots lorsqu'il décline la légion d'honneur, me rassurant quant à certains passages légèrement égotistes que je pardonne volontiers étant donné qu'on lui demande de parler de lui. Il parait difficile de lui en vouloir lorsqu'il a de surcroit eu raison trop tôt sur de nombreux sujets.
Au-delà des thématiques qui en deviennent essentielles dans une société si fragilisée et excluante, Serge Portelli lance un cri d'alerte contre les centres de rétention qui fleurissent, du climat de délation qui s'installe, du côté factice de l'administration judiciaire ou encore de l'inhumanité ambiante.

«  Il est si facile de se convaincre que nous ressemblons à nos actes, qu'ils nous définissent une bonne fois pour toutes et que notre identité tient à leur répétition ».
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Essai très court mais magnifique. Avec humilité et sincérité, Serge Portelli tente de répondre à une question fondamentale pour un magistrat : qui suis pour juger l'autre ?
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Pour tous ceux qui travaillent sérieusement au milieu des hommes, la fatalité n’existe pas. Suffirait-il de faire le premier pas sur une route toute tracée pour être sûr et de l’itinéraire et du point d’arrivée ? La pente naturelle de l’esprit est de croire que tout se répète, que la vie est à sens unique. La justice, toujours tiraillée par la tentation du plus simple, est l’une des premières victimes de cette illusion. Qu’il puisse y avoir des changements de cap, des demi-tours, des zigzags apparaît inconcevable.
Que l’homme change – cette réalité que tout homme de bonne volonté peut constater chaque jour n’importe où, en ouvrant simplement les yeux – semble répugner à la justice et pour tout dire la fatiguer. Il est si facile de se convaincre que nous ressemblons à nos actes, qu’ils nous définissent une bonne fois pour toutes et que notre identité tient à leur répétition.
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On ne lance pas un instrumentaliste sur scène après lui avoir appris seulement le solfège. La première audience correctionnelle que je présidai fut terrible. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il fallait faire. Ou plutôt si, je le savais très bien. Toutes les règles de procédure, je les connaissais par cœur. Les dossiers, je les possédais sur le bout des doigts. Mais je tremblais comme une feuille. Un peu comme lorsque, bon élève, je montais sur l'estrade pour réciter une poésie. Pas seulement le trac, ni l'angoisse d'exercer un pouvoir exorbitant et décider, si jeune, du sort et de la liberté des autres. Le plus épouvantable était le lien qu'il fallait établir avec les autres. Comment s'adresse au prévenu, à la victime ? Quel ton employer ? Jusqu'où écouter ? Être autoritaire ? Empathique ? Garder la main ? Inutile de préciser qu'aucune consigne, aucun conseil n'était délivré au juge débutant.
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Videos de Serge Portelli (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Serge Portelli
LE FESTIVAL AUQUEL VOUS AVEZ [HÉLAS] ÉCHAPPÉ !
Nous avions eu envie de réunir l'écrivain René Frégni et le magistrat et auteur Serge Portelli. Nul doute que ces deux-là auraient pu trouver des points communs dans leurs parcours humanistes, évoquant notamment le métier de juger et les prisons. Ils nous adressent quelques mots rédigés pendant leur confinement, en attendant que reviennent des jours meilleurs.
À lire : René Frégni, Carnets de prison ou l'oubli des rivières, coll. « Tracts », Gallimard, 2019. Serge Portelli, Qui suis-je pour juger l'autre ?, coll. « Ce que la vie signifie pour moi », Éditions du Sonneur, 2019.
http://www.ohlesbeauxjours.fr
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