Shea Ernshaw

Langues dégoulinant de pitié. Leurs terrible regard affligé. Leurs "désolés" n'ont rien changé.

La magie ne prend pas toujours la forme de mots, de chaudrons brassant des épices ou de chats noirs arpentant de sombres ruelles. Certaines malédictions prennent leur source dans le désir ou l’injustice.

La forêt est efficace en matière de mort, elle efface tout rapidement. Pas de restes à enterrer, à brûler ni à pleurer.

Tu l'entends ? me demandait-elle. La lune murmure tes secrets. Elle connaît tes pensées les plus sombres.

On voit arriver les chagrins d'amour à des kilo- mètres, dirait ma grand-mère. Mais on ne sait pas pour autant comment les éviter.

Je suis plus ténèbres que femme. Plus ombres d'hiver que soleil d'août.

Il suffit de vivre ici assez longtemps pour commencer à croire des choses auxquelles on ne croirait pas ailleurs.

Je resterai sur l’île, à lire l’avenir dans les feuilles de thé couchées au fond des tasses en porcelaine blanche, comme le faisait ma mère avant que mon père ne disparaisse.

𝑪𝒆𝒕𝒕𝒆 𝒇𝒐𝒓𝒆̂𝒕 𝒆𝒔𝒕 𝒅𝒖𝒓𝒆 𝒆𝒕 𝒔𝒂𝒖𝒗𝒂𝒈𝒆 𝒆𝒕 𝒄𝒓𝒖𝒆𝒍𝒍𝒆. 𝑰𝒍 𝒏𝒆 𝒇𝒂𝒖𝒕 𝒑𝒂𝒔 𝒔'𝒚 𝒇𝒊𝒆𝒓. 𝑷𝒐𝒖𝒓𝒕𝒂𝒏𝒕, 𝒄'𝒆𝒔𝒕 𝒍𝒂̀ 𝒒𝒖𝒆 𝒋𝒆 𝒗𝒂𝒊𝒔, 𝒂𝒖 𝒄œ𝒖𝒓 𝒅𝒆𝒔 𝒎𝒐𝒏𝒕𝒂𝒈𝒏𝒆𝒔. 𝑶𝒖̀ 𝒑𝒆𝒓𝒔𝒐𝒏𝒏𝒆 𝒅'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆 𝒏𝒆 𝒔𝒆 𝒓𝒊𝒔𝒒𝒖𝒆. 𝑷𝒂𝒓𝒄𝒆 𝒒𝒖𝒆 𝒋𝒆 𝒔𝒖𝒊𝒔 𝒑𝒍𝒖𝒔 𝒕𝒆́𝒏𝒆̀𝒃𝒓𝒆𝒔 𝒒𝒖𝒆 𝒇𝒆𝒎𝒎𝒆. 𝑷𝒍𝒖𝒔 𝒐𝒎𝒃𝒓𝒆𝒔 𝒅'𝒉𝒊𝒗𝒆𝒓 𝒒𝒖𝒆 𝒔𝒐𝒍𝒆𝒊𝒍 𝒅'𝒂𝒐𝒖̂𝒕.

𝑷𝒆𝒖𝒕-𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒒𝒖𝒆 𝒄'𝒆𝒔𝒕 𝒑𝒍𝒖𝒔 𝒔𝒊𝒎𝒑𝒍𝒆 : 𝒓𝒆𝒔𝒕𝒆𝒓 𝒔𝒆𝒖𝒍𝒆. 𝑪𝒐𝒏𝒔𝒕𝒓𝒖𝒊𝒓𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒎𝒖𝒓𝒔. 𝑼𝒏𝒆 𝒗𝒊𝒆 𝒔𝒐𝒍𝒊𝒕𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒐𝒖̀ 𝒍'𝒐𝒏 𝒏'𝒂 𝒑𝒆𝒓𝒔𝒐𝒏𝒏𝒆 𝒂̀ 𝒑𝒆𝒓𝒅𝒓𝒆. 𝑷𝒆𝒓𝒔𝒐𝒏𝒏𝒆 𝒒𝒖𝒊 𝒗𝒐𝒖𝒔 𝒃𝒓𝒊𝒔𝒆 𝒍𝒆 𝒄œ𝒖𝒓.

La Swan season a commencé. Et cette petite ville bordée par la côte n'en sortira pas indemne.

C'étaient des séductrices, des tentatrices auxquelles les hommes ne parvenaient pas à résister.

L'amour est une enchanteresse - sauvage et sournoise.
Elle se glisse derrière vous, douce, tendre et tranquille, juste avant de vous trancher la gorge.

Les fantômes demeurent. Mais parfois, le passé est la seule chose qui maintienne un lieu en vie.

Elle est toujours là. Apparition prise dans le temps, fantôme d'une jeune femme qui a vécu plus longtemps qu'elle aurait jamais dû, qui a osé tomber amoureuse. Qui s'attarde encore.
Pas pour se venger. Pas pour rechercher la rédemption dans les veines et les ombres de la ville.
Mais parce que c'est là qu'est sa place, là qu'elle s'est enracinée quand elle a débarqué il y a deux cents ans.
Cette Terre est la sienne. Humidité, vert de mousse et vents salés. Elle est faite de toutes ces choses, et elles sont faites d'elle, des mêmes fibres. La mort ne peut pas l'arracher à cet endroit.

Il fallut plusieurs jours aux locaux pour décider quoi faire de ces corps parfaitement conservés. Ils futnet finalement enterrés au cimetière de Sparrow, en surplomb de la baie. Décision la plus logique.
Aujourd'hui encore, des gens viennent se prendre en photo à côté de leurs tombes, bien que la Swan Season n'ait jamais repris. Plus de chant chuchoté des profondeurs du port. Plus de corps volés l'espace de brèves semaines de Juin.

Mais quelqu'un se rend au cimetière toutes les semaines, un jeune homme qui a perdu son frère, qui est tombé amoureux, et qui a laissé celle qu'il aimait sombrer dans la mer.

Bo carter s'agenouille à côté de la tombe d'Hazel Swann, il apporte des fleurs, il raconte des histoires à propos de l'île et de la marée et de la vie qu'ils n'ont jamais eue.

J'ai connu l'amour - un amour intense, insensé. Et rien que pour cela, tout le reste en valait la peine.

Nous marchons à travers le verger, examinant le résultat de nos efforts - ce soir, nous ferons flamber les trois souches- quand Bo s'arrête à côté du chêne isolé au centre des fruitiers, celui dans lequel un cœur a été taillé. On dirait un arbre fantôme, avec de la mousse dégoulinant le long de ses branches, deux cents ans d'histoire dissimulées dans son Tronc.
- On devrait peut-être brûler celui-ci aussi, commente Bo. Il est très vieux et pas très sain. [...]
J'appose ma paume sur ke cœur gravé.
- Non, je veux qu'on le laisse. Ce ne serait pas bien de le couper. Cet arbre compte pour quelqu'un.

[...]

Je m'arrête devant le vieux chêne, au milieu du verger- l'arbre fantôme aux feuilles qui frémissent dans le vent. Je pose ma paume sur le cœur grâce dans le tronc. (...) Ça me rappelle la nuit où, il y a tant d'années, j'étais allongée sous cet arbre avec l'homme que j'aimais alors : Owen Clément. Avec un couteau, il avait taillé le cœur dans le tronc pour marquer notre place dans le monde. Nos cœurs, liés l'un à l'autre. L'éternité coulant dans nos veines. C'est cette nuit là qu'il m'a demandé en mariage. Il n'avait ni bague, ni argent, ni même à m'offrir à part lui. Mais j'ai dit oui.

Je l'embrasse avant que mon cœur gonfle dans ma gorge. Avant que je me fissure et que, de fille, je me change en flaque. J'embrasse un garçon qui a été au plus profond des Wicker Woods et qui en est revenu, qui le goût des vents violents qui soufflent sur le lac en hiver. Un garçon qui est plus forêt que chair.

Les Walker ne peuvent pas se fier à leurs cœurs, leurs cœurs fuyants et fleur bleue qui saignent si facilement. Stupides et intrépides. Cœurs qui battent trop fort, qui s'effondrent sur eux-mêmes quand ils se brisent. Trop fragiles.