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Critiques de Shûgorô Yamamoto (2)
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Barberousse

Kyojô Niide est le médecin en chef d'un dispensaire. C'est un homme vieillissant, autoritaire, parfois colérique, mais un homme au grand coeur, surnommé Barberousse : "la barbe de l'homme était en fait d'un gris mêlé de blanc plutôt que rousse, mais l'énergie qui émanait de ses traits justifiait ce surnom".

Même si la tâche semble perdue d'avance, tant la misère est forte, Barberousse se démène sans compter (malgré les restrictions budgétaires que le gouvernement shogunale lui impose) pour soigner les plus démunis, et pour cela, n'hésite pas à faire payer très très cher les consultations ou les médicaments préparés pour les plus riches, pour trouver quelque argent. Il est un peu Robin des bois, ce personnage, qui pense à une sorte d'état-providence avant l'heure. Kyojô est un Humaniste pour qui personne n'est foncièrement mauvais : tout le monde est à plaindre, puissants et pauvres, tous sont ignorants et stupides : "Ce que nous pouvons faire actuellement, ce que nous devons commencer par faire, c'est lutter contre la misère et l'ignorance".

Autre personnage, Noboru Yasumoto, jeune médecin, tout juste sortant de Nagasaki où il a appris la médecine occidentale. Ce jeune homme est arrogant, prétentieux, mais son expérience au dispensaire va le mûrir et il se débarrassera de ses stériles ambitions pour gagner en humanité. Roman d'apprentissage, mais aussi roman des petites gens dont Yamamoto fait de poignants portraits : chaque chapitre apporte une histoire dans l'histoire, car chaque patient donne lieu à un récit en soi : des petites gens souvent aux portes du désespoir, survivant de petits boulots, mal nourris, enfants qu'on met au travail ou qu'on vend.

Yamamoto est un conteur qu'on sent au plus près de ce peuple à qui il donne toute sa dignité.

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Barberousse

820, Edo (Tokyo) - Japon.

Fraichement sorti d'une école de médecine hollandaise à Nagasaki, Noboru Yasumoto espère une carrière prestigieuse auprès du Shogun, grace à ses appuis. Pourtant à sa grande déception, il est affecté dans un dispensaire qui soigne gratuitement les indigents, auprès de Kyojo Niide, surnommé Barberousse.

Le jeune ambitieux refuse de s'impliquer et se plaint des conditions de vie.



" Il n'avait aucune intention de rejoindre l'équipe de médecins stagiaires. Il suffisait d'ouvrir les yeux pour se rendre compte que travailler dans ce cadre était salissant et peu stimulant, pour ne pas dire fort ennuyeux."



" On a beau être dans un établissement de soins gratuits, la moindre des choses serait de nous faire dormir sur des tatamis comme tout le monde."



Barberousse, autoritaire et bourru, ne dit rien et décide d'emmener Noboru avec lui dans ses consultations. Peu à peu, le jeune homme découvre des cas divers de maladies souvent liés à des difficultés sociales ou financières. Sa révolte s'assouplit et il devient admiratif devant le travail de son mentor.



Ce roman est une formidable approche de la basse société japonaise de l'époque. A travers les portraits des différents patients, on découvrela misère humaine des petites gens : des jeunes filles exploitées pour la prostitution au détriment de leur santé, Oyumi la nymphomane qui tue ses amants suite à différents traumatismes, un garçon de ans qui vole pour nourrir sa famille, le suicide d'une famille entière pour échapper à la honte et à la misère, un homme qui fait des demandes de mariage compulsives, un vieil homme qui sacrifie sa vie et sa santé pour expier une ancienne faute, ...



Les situations sont dramatiques et on ne peut rester indiférent devant tant de détresse.

Noburu s'éveille à la compassion et finit par adhérer aux réflexions humanistes du médecin.



"Il n'y a rien de plus précieux, de plus beau, de plus pur qu'un être humain. En même temps, rien n'est plus abject, plus infâme, plus stupide, plus pervers, plus avide et plus cruel."



"Pour moi, l'humanité authentique se trouve plutôt chez ceux qui souffrent de la pauvreté et de l'ignorance que chez ceux qui s'enrichissent et mènent des vies prospères ; ce sont les premiers et non les seconds qui ont véritablement espoir en l'avenir."



On y découvrira aussi une critique des politiques de l'époque qui vont réduire les "subventions" du dispensaire pour vivre plus largement, signifiant ainsi la mort de nombreuses personnes, qui ne peuvent payer les consultations.



"- Ce que nous pouvons faire actuellement, ce que nous devons commencer à faire, c'est lutter contre la misère et l'ignorance pour pallier les insuffisances de la médecine, tu comprends ? […] Tu peux toujours dire que c'est un problème politique, c'est la façon habituelle de se débarrasser de la question ! Mais qu'est-ce que la politique a fait jusqu'à présent pour éradiquer la misère et l'ignorance, hein ? Prends la misère, simplement : depuis le début du gouvernement d'Edo, il y a eu je ne sais combien de lois et d'ordonnances, mais peux-tu me citer un seul article interdisant de laisser les êtres humains vivre dans le dénuement ? "



Des réflexions qu'on pourrait encore ressortir aujourd'hui....

Le style du roman est simple, sans fioritures mais Yamamoto se reclame du genre de "littérature populaire" et refuse que ses écrits soient considérés comme de la littérature.

Il est à noter que ce roman a été adapté par le célèbre Akira Kurosawa sous le même titre en 1965 avec le légendaire Toshiro Mifune dans le rôle titre. Kurosawa a d'ailleurs repris d'autres titres (non-traduits) pour les films : Sanjuro et Dode's Kaden.



Une plongée dans le Japon du 19ème et ses bas fonds à découvrir pour son réalisme et son humanisme.
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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