Soramh soutenait Ruben qui menaçait de s'écrouler. Il dévisagea les gens autour de lui. Les visages haineux, les injures qui leur venaient aux lèvres, l'éclat féroce dans leurs yeux, la joie devant le spectacle, l'impatience à la perspective de ce qui allait suivre, la soif de sang. Qui étaient ces gens pour qui la souffrance était une fête ?
Soramh étudia le terme de frère, lui qui n'avait jamais eu de famille. Il était orphelin depuis si longtemps qu'il ne gardait aucun souvenir de ses parents. Il avait grandi seul, et avait volontairement choisi de le rester. Mais ce simple mot, offert par un homme d'une autre espèce que la sienne, renfermait une chaleur qu'il n'avait jamais ressentie avant, une émotion qu'il ne savait pas nommer.
Il entrevit l'ampleur de sa détresse, de sa solitude, dans la mélancolie qu'elle transmettait par ses notes flûtées. Il comprit alors qu'elle n'avait pas peur de la mort, mais qu'elle l'appelait de ses vœux.
-Je ne pensais pas survivre à... tout ça, poursuivit-elle en imitant le geste d'Haskan. Maintenant que je suis là, je suis obligée de vivre. Mais je ne sais plus comment faire.