La seule chose dont l’homme doit avoir peur, c’est des hommes. Un chien ne mordra jamais sans raison. Alors qu’un homme, oui .
Les gens ne se sentent jamais aussi vivants qu’après un enterrement, à condition, bien entendu, que le défunt n’ait pas été un être trop proche ou trop cher. Ils ont tous dans un coin de la tête le fait que la prochaine fois, ça pourrait bien être leur tour.
Je pense même que c’était ce que maman espérait, pour pouvoir ensuite entrer en scène et faire tout un scandale. Les situations conflictuelles, c’était sa nourriture spirituelle.
Je compris à quel point il était stupide d’attendre de mon père qu’il aille à l’enterrement de sa tante. Ou à n’importe quel enterrement. Je ne pouvais même pas me l’imaginer se montrer à ses propres funérailles.
Si j’étais par le plus grand des hasards née aux États-Unis, je leur ferais à tous un doigt d’honneur, j’enfourcherais ma moto, et je m’élancerais vers le soleil couchant, sur une route s’étirant en une infi- nie ligne droite. Ou, si j’avais eu la chance d’être scandinave, je tournerais les talons, harnacherais mes rennes et partirais vers le nord, vers le pays des neiges et des glaces éternelles. Là où la seule rencontre que l’on peut faire, c’est éventuellement un ours polaire ou un renard arctique. Au Japon, je me barricaderais dans ma chambre. J’ai regardé un documentaire sur les jeunes Japonais qui ont trouvé ce moyen de se soustraire aux conventions sociales qu’on leur impose. Cet état a même un nom, mais je l’ai oublié. Quoi qu’il en soit, tout cela est bien beau et bon, mais dans mon cas, complètement inconcevable. Et comment pourrait-il en être autrement ?! L’action de cette his- toire se déroule en Bosnie.
Si vous êtes peu ou prou au fait de la situation en Bosnie, alors, vous comprendrez que faire un doigt d’honneur et tourner les talons ne sert pas à grand-chose.
Le cousin Stojan et la tante Mileva se mirent à glousser comme des préadolescents en cours de biologie lors de la présentation des organes sexuels de l’être humain.
Dans notre appartement, les choses entraient, mais ne ressortaient presque jamais.
Nul ne se serait risqué à marcher sur cette pente boueuse en talons hauts. Personne sauf Mimi. Même la boue s’écartait devant elle à chacun de ses pas.