Les hommes, au moment de leur mort, se transforment en étoiles et comme chacun sait, même mortes, les étoiles continuent de briller.
« – Bonjour, me lança une gamine d’une dizaine d’années.
J’eus un mouvement de recul :
– Est-ce que je peux t’aider ?
Plusieurs secondes s’écoulèrent sans un mot.
– Tu as quelque chose à me dire ? finis-je par lâcher.
La préadolescente, habillée et maquillée comme une poupée de kermesse, avala sa salive :
– Je m’appelle Charlie et je suis votre fille.
L’enfant m’observait avec insistance ; nos regards se soutenaient sans faiblir.
– Je suis votre fille, insista la petite aux yeux clairs.
J’eus du mal à faire une phrase complète.
– Je n’ai pas de gosse, désolé.
Mon ventre se contracta. « Gosse » ? Pourquoi n’avais-je pas plutôt dit « enfant » ou « fille » ? Et pour quelle
raison étais-je désolé ?
– Est-ce que je peux entrer ? demanda-t-elle.
Je soupirai :
– Où sont tes parents ? Comment es-tu entrée dans la résidence ?
– Je promets de répondre à toutes vos questions si vous m’accordez un peu de temps. »
Lorsqu'il fait faire des équipes, je suis le dernier choisi.
Julianne n'avait pas pour habitude d'appeler si tard. J'imaginais le pire, comme d'habitude. (...) Mon imagination peut devenir, en l'espace de quelques secondes, ma pire ennemie.
Les univers artistiques me passionnent. Quoi de plus beau qu’un individu mettant à nu sa sensibilité ? (page 166)
Mais vouloir plaire à tout le monde a un prix. Il faut être capable de sacrifier ses opinions, ses goûts, ses idées au Grand Dieu Séduction. (page 220)
Les réseaux sociaux permettent de vivre une seconde existence. Une vie en mieux. Combien de gens se prennent pour des artistes ? Combien d’individus s’inventent un quotidien fait de luxe et de privilèges ? Les filtres proposés par les applications gomment les rides et les imperfections. Les ciels ternes deviennent lumineux. Les décors piteux se transforment en paysages. Il suffit de quelques clics pour changer le plomb en or. (page 221)
Elle (ma grand-mère) hantait encore mes rêves. Elle m’avait autant élevé que mes parents, m’avait encouragé à dessiner, à écrire et me donna le goût de la lecture. Il n’y avait jamais eu d’interdit. Elle ne m’avait jamais affirmé : « Non, tu ne peux pas faire cela. » Chez mes grands-parents, je pouvais jouer à la poupée et me déguiser en princesse. Je pouvais me rêver en actrice de cinéma ou en guerrier androgyne. Les frontières étaient brouillées. J’étais un catalogue de fantasmes, un juke-box éclairé par des néons fluorescents. À mes parents, qui se désespéraient de me voir habillé en fille, elle rétorquait : « Ce n’est qu’un enfant ; laissez-le s’amuser. » J’avais vite compris que ma liberté se trouvait auprès d’elle, dans sa maison, dans son jardin.
Je me posais la question de temps en temps.
La présence que je sentais dans mon studio pouvait-elle être l’esprit de ma grand-mère ?
On ne rencontre pas les gens par hasard. On ne se lie pas à l’autre par accident. Chacune de nos relations vient réparer une blessure. Une blessure d’abandon, de rejet, d’humiliation, de trahison ou d’injustice.
Tout à coup, il n’était plus la même personne. Il changeait de catégorie d’individu et passait dans celle des « Écrivains », des « Hommes de lettres ».