Merci Babelio Masse Critique et les éditions L'Escampette pour l'envoi de ce recueil de poésie d'un auteur que je ne connaissais pas du tout.
J'ai trouvé page 51 la phrase qui selon moi symbolise cette poésie
"dans la nuit des villes
la règle est toujours : continue d'avancer"
Dybek est un auteur de la pop génération et de la pop culture. Né en 1942.
Il nous offre ces poèmes en prose tirés de ses souvenirs de la rue à Chicago, teintés de ses origines polonaises.
On y retrouve en vrac, les bruits de la ville, les parties de pêche dans les étangs des friches alentours, le blues des prostituées " (...) les prostituées avaient le blues à force de fréquenter la police". Tout ce qui a fait son quotidien alors qu'il n'était pas encore un homme fini.
Une poésie réminiscente de certaines chansons de Bob Dylan (Memphis Blues Again par exemple) ou encore des poésies de Leonard Cohen.
Dybek joue avec les mots comme ses ancêtre polonais transformaient les mots pour leur donner une consonnance polonaise, en déclinant les mots anglais le plus souvent en leur rajoutant un a comme dans shoesa pour les chaussures.
Son enfance "polonaise" sous la férule de sa grand-mère, la babushka, adoratrice de la vierge noire de Częstochowa imprègne la symbolique de sa poésie.
Il parcourt la ville à une époque où l'on se souciait peu d'environnement et de pollution, encore moins de sécurité au travail :
"L'air avait une odeur naturelle de cendre",
"je vénérais déjà la nature environnante comme un immigrant"
Dans les friches encerclant la ville "la zone à l'écart où les jeunes se retouvent, où les lièvres ont établi leur sanctuaire.", dans les rues, ça castagne parfois "Oncle Chino (...) disait avoir apperçu un regard (...) provenant du visage difforme que lui renvoyait amoureusement l'enjoliveur éclaboussé de sang"
L'amour n'est pas absent de ces poèmes, un amour encore en recherche, un amour fait de doutes adolescents, brut et brutal, soudain, caché, refoulé, mystérieux, quasi religieux :
"la petite robe d'été déboutonnée glissa au bas de ses reins sur une caisse de bouteilles vides"
"une femme en combinaison de satin et les géraniums qu'elle arrose se transforment en or"
"se précipiter en silence vers le désastre tout comme vers le désir"
"la plus charmante émotion que tu inspires reste évasive : la lumière qui traverse une figurine en verre"
(ils)"se laissent un moment abuser pensant que c'est une fille à l'étage qui leur fait signe"
"c'est la première fois que quelqu'un la paye pour la prendre en photo"
"n'importe qui pourrait juste décider de la payer pour baiser"
"pense à tous ces coeurs brisés, dit-elle, en laissant tomber son soutien-gorge"
Cela ne pourrait être qu'un rêve décide-t-il : "des lèvres planantes descendaient tout le long de son corps" ; "lobe des oreilles familiers avec leur goût de perles" ; "se demandant s'il doit la réveiller gentiment de la langue, ou la laisser dormir"
"je fus certain de reconnaître l'empreinte des lèvres de cette fille sur ses pieds blessés"
De belles images surréalistes traversent ces poèmes : "Les dormeurs tirent le plafond vers le bas pour s'en faire un édredon" ; "il entre dans une histoire où les ombres empruntent un visage humain" ; "j'ai essayé de payer une guirlande de saucisses avec un chapelet"
Une poésie du quotidien, d'un quotidien emporté par le passé et désormais perdu.
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