Swami Chinmayananda

C'est l'originalité du Vedânta que d'affirmer une complète liberté de l'intellect ; il ne demande jamais aux étudiants de croire aveuglément ce qui leur est dit.
(explication verset 34)

18. Ces corps ont tous une fin. Le Soi qui s'y incarne est Eternel, Indestructible, Incompréhensible. Par conséquent, livre bataille, ô Bhârata.
Commentaire :
Les formes physiques, constituées d'enveloppes de matière, sont les véhicules périssables du Soi qui est le facteur "éternel", "indestructible" et situé au delà de la compréhension. Cela ne signifie pas que l'Eternel ne peut pas être connu, mais que le Soi ne peut pas être appréhendé par les moyens habituels de perception.[...]
Ce verset se conclut sur l'injonction de Krsna (ndr : Krishna) : "Combats". Ce n'est pas un appel à la guerre mais plutôt un message spirituel invitant l'homme à se défaire de sa mentalité défaitiste, à faire face avec courage et sincérité à toutes les situations, dans tous les domaines de la vie, à tout moment. La résistance active à ce qui est négatif est le credo de la Bhagavad Gîtâ.

Nous observons la vie depuis les différents niveaux de notre être et en tirons certaines conclusions. Nous avons ainsi une estimation physique du monde à partir de notre corps, une vision émotionnelle de la vie à travers le mental et une évaluation intellectuelle de l'existence grâce à notre raison. Physiquement, je vois une femme, qu'émotionnellement je reconnais comme étant ma mère et qui, considérée intellectuellement, est un assemblage de cellules.
[...]
Par conséquent, ce qui me déprime et me fait souffrir au niveau physique, émotionnel ou intellectuel, peut recéler une source d'inspiration si je le considère dans une perspective spirituelle.

Dans notre monde, un soleil unique répand sa clarté sur tout ce qui existe, que ce soit bon ou mauvais, méchant ou vertueux, laid ou beau. Pourtant, le soleil n'est pas souillé par le mauvais et le laid, pas plus qu'il n'est béni par le bon et le beau. De même, dans notre vie intérieure, la Conscience, toujours parfaite et joyeuse, fonctionne à travers les couches de matière et les anime, mais n'est jamais contaminée par les péchés du mental, les perversions de l'intellect ou les crimes du corps. Le Soi se contente d'illuminer. Ce rayonnement du Soi, jouant sur les pensée et les émotions, se divise pour former les structures mouvantes des multiples individus, avec leurs comportements sans cesse changeants.

Il est réellement absurde, pour un chercheur spirituel, d'attendre dans la vie des conditions telles que nulle perturbation ne vienne distraire sa méditation. Le monde et son jeu ne sont que changement permanent. Dans un contexte aussi kaléidoscopique, il est stupide d'espérer bénéficier d'une situation constamment propice à la pratique spirituelle. Par conséquent, le chercheur spirituel doit découvrir dans ce monde changeant son propre équilibre, en maîtrisant les jugements de son intellect, ses attachements mentaux et des contacts physiques avec le monde extérieur.

La Vérité est le Sujet, et non un objet de l'intellect. Le Soi est Celui qui connait, qui ressent, qui perçoit. Il n'est pas ce qui est connu, ressenti, ou perçu.

[13-28]. Il voit juste, celui qui voit le Seigneur Suprême existant de la même façon en tous les êtres, l'impérissable au coeur du périssable.

Chaque goutte d'eau de la rivière vient de l'océan. Sous la forme d'un nuage, elle atteint ensuite les montagnes, et là se manifeste en tant que pluie, puis rivière. Arrosant les champs sur les rives et leur donnant vie, ces eaux se précipitent dans leur hâte torrentielle jusqu'au réceptacle d'où elles se sont élevées. De même, les individus sont nés du Tout pour servir leur contemporains, nourrir la culture, contribuer à la beauté du monde, et pourtant, dans leur pèlerinage, aucun d'eux ne s'arrête en route. Tous doivent se précipiter vers la Source dont ils viennent. La rivière ne perd rien quand elle atteint l'océan. Même si, en route, elle acquiert certaines qualités, un nom particulier, une forme qui lui est propre, tout ceci est une phase temporaire, une commodité adoptée par les "eaux de l'océan" pour rendre souriant un terrain aride.

L'homme ordinaire est tellement préoccupé par le détail de ses expériences et tellement attaché à son désir de savourer la beauté extérieure des choses et des situations, qu'il en vient à négliger la Lumière permanente de la Conscience en lui. Il ne La reconnaît pas, alors que sans Elle, rien ne serait possible. Seuls ceux qui ont atteint le détachement nécessaire par rapport aux détails du champ d'expérience reconnaissent et vivent les joies du Pur Soi, le Sujet.

Ceux qui réussissent à calmer leur mental et à purifier leur intellect des attachements et des désirs perturbants reconnaissent la Gloire du Soi, et expérimentent Sa Béatitude Infinie. Par contre, ceux qui font beaucoup d'efforts, mais de façon mécanique, n'atteignent pas forcément le succès.