- Je veux un avocat !
- Tss... Tss... Mauvaise influence des séries télé américaines...Ta garde à vue ne fait que commencer...
Lorsqu'elle n'était pas de service le samedi ou le dimanche, Brandoni aimait le vendredi soir...C'était un soir de luxe, un de ces soirs où l'on peut prendre le temps de tout et de rien, passer des heures à rêver devant la cheminée en écoutant ses disques préférés, lire allongée sur le tapis ou sur le lit, un plateau pour grignoter à portée de main, faire une orgie de mauvais feuilletons américains ou de films d'aventures rocambolesques en sirotant une vodka, mollement lovée sous la couette, Arakis au creux du bras, ranger soudain sa bibliothèque entière jusqu'à 3 heures du matin... Un soir où le temps s'abolit, s'étire, sans repère et sans contrainte...Ces vendredis soirs, Stéphane sortait rarement : elle se les réservait, égoîste et gourmande...Soirées privilégiées de liberté et de sérénité, que seule Arakis, avec sa philosophie féline, savait partager...
Vous savez, le milieu lesbien, comme vous dites, c'est un bien grand mot. Ce sont souvent les mêmes qu'on rencontre : la plupart des homosexuelles vivent tranquillement dans leur coin, avec leurs proches, hors ghetto, comme nous disons.
Mathilde revint s'asseoir.
Pas les trois femmes qui ont été assassinées : elles ne vivaient pas hors ghetto. Ça pourrait peut-être même être une piste. J'ai besoin que vous soyez mon guide, mademoiselle Gastin !
Votre guide, inspectrice Brandoni ? Jusqu'où exactement ? demanda Mathilde avec un demi-sourire, en plongeant son regard brun dans le regard vert de Stéphane. Cette dernière rosit imperceptiblement.
Je devine que vous ne connaissez pas bien les petits bourgs. Ici tout se sait. Dans l’heure qui a suivi votre arrivée, on savait qui vous étiez et où vous logiez. Même si vous ne voyez personne quand vous vous promenez dans les rues, les gens eux, vous voient. Il y a des yeux derrière tous les rideaux, qui vous observent, vous suivent, vous accompagnent. Tout le monde connaît tout le monde, dans le détail de sa vie et de sa généalogie.
Tout le monde connaît tout le monde, dans le détail de sa vie et de sa généalogie. Que vous soyez d'ici, ou que vous y passiez quelque temps simplement, vos faits et gestes sont observés, détaillés, commentés, voire enjolivés. Il faut être très prudent, ou bien irréprochable, pour échapper à cette surveillance constante, cet espionnage traditionnel, connu de tous, reconnu, admis... et même en étant prudent...
Chacun est libre de chercher le soulagement de ses maux où il peut : chez le médecin, le sorcier ou le Bon Dieu, nous ne sommes pas en concurrence ! Au final, qui sait ce qui a un effet réel ou un effet placebo ? Vous savez, mon métier rend philosophe !
Qu'attendez-vous exactement de moi ?
Eh bien... Que vous me pilotiez dans le milieu lesbien, que vous me fassiez connaître tous les endroits où les lesbiennes de cette ville se retrouvent : bars, boîtes, salles de sport, que sais-je encore ? Tout ça, bien sûr, sans révéler mon métier.
Vous savez, le milieu lesbien, comme vous dites, c'est un bien grand mot. Ce sont souvent les mêmes qu'on rencontre : la plupart des homosexuelles vivent tranquillement dans leur coin, avec leurs proches, hors ghetto, comme nous disons.
Je ne crains pas la justice des hommes, je crains seulement le jugement de Dieu : « Que dirai-je alors, moi misérable ? Qui me protégera si même le juste est à peine justifié ? ».
De cette mère guérisseuse, elle avait appris les pentacles, les incantations, les herbes et les prières qui guérissent. De cette mère aussi, elle avait reçu, comme une évidence et un poids, cette faculté de soulager les autres, don exigeant et épuisant dont, par chance pour elle, sa petite sœur Céleste n'avait pas hérité. Plus tard, tout à fait naturellement, Mélanie avait pris la succession de sa mère, vieillissante et usée.
Sans vouloir tomber dans le cliché, je dois bien reconnaître que les histoires amoureuses entre garçons y étaient fréquentes. Dans ce milieu uniquement masculin c'était banal, et personne ne s'en offusquait. Oh, bien sûr, les choses n'étaient pas dites : on parlait de meilleur ami, mais tout le monde savait, et ça n'avait pas d'importance, c'était comme une sorte d'initiation avant le passage à l'âge adulte