Nathaniel entra sur ces entrefaites et s'adossa au comptoir de la cuisine.
- Je lui dirais qu'elle est aussi riante, aussi sereine que la rose du matin rafraîchie par la rosée, récita-t-il.
Shakespeare ?
Non il n'avait pas osé.
Il souriait de toutes ses dents.
Eh bien si, il l'avait fait.
Je retournais le bacon dans la poêle.
- Vous avez la sorcellerie à vos lèvres, dis-je.
Il éclata de rire. Il avait l'air de beaucoup s'amuser.
- Le monde entier est un théâtre, et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs.
Bon, il avait potassé son Shakespeare. Je pouvais quand même le battre sur ce terrain.
Tu as du mal à exprimer tes sentiments à haute voix, je le sais. Alors j’ai pensé qu’il serait plus facile de les coucher par écrit.
J’aimerais que tu utilises ce carnet pour y noter tes angoisses, tes doutes, tes peines, ainsi que tes joies, tes espoirs et tes rêves. Tu t’en serviras avant tout pour y relater les différentes étapes de ton parcours de soumise, que tu pourras émailler d’allusions à notre vie quotidienne, si le cœur t’en dit.
Voici quelques indications pour commencer. L’essentiel est la franchise. Je ne te tiendrai jamais rigueur de ce que tu auras consigné dans ce journal. Tu m’as tant donné. Je suis certain que ceci ne fera pas exception
Ce collier incarne le pouvoir que j’exerce sur vous, déclama-t-il. Le porter signifie m’obéir aveuglément et satisfaire tous mes caprices. Toute rébellion sera immédiatement punie. Pour ma part, je vous traiterai avec respect et veillerai autant à votre bien-être physique et mental qu’à votre épanouissement par la soumission. Le voulez-vous ?
Il n'y avait plus de dominant ni de soumise, plus de maître ni d'esclave, nous n'étions même plus un homme et une femme, mais deux amants. Enfin, il entra en moi lentement avec une douceur, une tendresse infinie.
Je ne l'aurais pas juré, mais quelques secondes avant qu'il ne s'abandonne, je crus voir une larme perler de ses yeux.
- Les choses que nous apprécions le plus sont celles qui demandent beaucoup d'efforts. Les choses que nous devons attendre. On n'y attache pas autant de valeur quand elles arrivent sur un plateau d'argent.
De lundi à vendredi, j’allai travailler comme d’habitude dans une bibliothèque publique de New York, entourée de livres et d’amoureux de la page écrite.
J’avalai une grande goulée d’air, puis posai délicatement mes lèvres sur les siennes.
Bon sang !Impossible de contenir la joie qui enflait en moi. Notre fragile coquille humaine était inapte à contenir de telles émotions
Viens doucement, paradis terrestre !
Les lèvres qui ne sont point accoutumées à toi,
Sucent, timide, tes jasmins,
Ainsi l’abeille pâmée, Atteignant tard sa fleur,
Bourdonne autour de la chambre,
Compte ses nectars – entre,
Et se perd dans les parfums
Je respirai un grand coup, ouvris un nouveau document dans mon ordinateur et me mis à taper avec frénésie.
Nathaniel West est le plus grand imbécile que la terre ait jamais porté.
Mais qu’est-ce qui t’a pris ?
Triple buse !
Abigaïl ouvrit la porte, pénétra dans la pièce et referma le battant derrière elle.
Un parfait imbécile, voilà ce que tu es.
Tu es cinglé de l’avoir invitée à venir ici.
Quelle bourde, tu t’en souviendras longtemps !
Elle s’immobilisa au milieu de la pièce. Je l’observais du coin de l’œil. Les bras ballants, les pieds écartés de la largeur de ses épaules.
Zut.
Zut. Zut. Zut. Zut et zut
Zut. Zut. Zut. Zut et zut.
Merde. Merde. Merde.
Zut et rezut
- Et que lisez-vous, hormis la poésie ?
Voilà qu'il s'intéressait à mes goûts littéraires à présent.
- Un peu de tout, répondis-je, curieuse de savoir où cette conversation nous mènerait. Avec une préférence pour les classiques.
- Un classique est quelque chose que tout le monde voudrait avoir lu et que personne ne veut lire, dixit Mark Twain.
Sur quel terrain dangereux cherchait-il à m'entraîner ? M'asticoter par des câlins aguicheurs était une chose, mais me provoquer dans des joutes verbales, surtout littéraires, en était une autre. Déjà qu'il contrôlait mon corps, voulait-il en plus dominer mon esprit ?