J’allume mon ordinateur pendant que le café coule dans un chuchotement continu. J’adore ce petit bruit familier. Il me souhaite la bienvenue. Je n’ai pas de chien, pas de chat, pas de lapin nain, pas même de poisson rouge, alors c’est la cafetière qui me salue chaque matin. Si je persiste dans mon célibat, je finirai par causer avec la télé.
Je reste un long moment les yeux ouverts sur le plafond de ma chambre. Je crois bien que je n’ai pas dormi de la nuit. La visite de Marc m’a tellement bouleversée que je ne sais plus trop à quoi m’en tenir. Je me demande s’il imagine réellement l’état de confusion dans lequel il m’a laissée en partant de chez moi comme il y est venu, juste après m’avoir embrassée.
Son baiser !
J’en garde sur mes lèvres une saveur incomparable. Des trois garçons qui ont rempli mon existence jusqu’à présent, aucun ne m’a troublée à ce point. Aucun ne m’a embrassée ainsi non plus en m’abandonnant ensuite, pantelante, au milieu du salon. Il m’a fallu de nombreuses minutes pour m’en remettre, après son départ. Je ne suis d’ailleurs pas certaine de m’en être totalement remise. J’ai atteint un stade critique où je risque l’autocombustion à chaque instant.
— Ton Prince Charmant ne t'enlevait pas dans ses bras pour te déposer au milieu d'un lit immense et ne te faisait pas tendrement l'amour ? insiste-t-il en faisant semblant de s'indigner.
Je chuchote que non.
— Et pourquoi ce crétin ne faisait-il pas ça ?
— Parce qu'il avait mis tellement de temps à monter les étages que
généralement, mon réveil sonnait et que je me suis toujours réveillée
avant, je réponds en réprimant un rire.
Ferme les yeux, écoute ton sexe ! Il
réclame, il supplie tout comme ma verge
tendue m’ordonne de lui donner le plaisir.
J’ai besoin de ton aide Micky

J’avale d’un trait le reste de mon café avant de m’intéresser au contenu du colis. J’y découvre des fromages de chèvre, des tomates grappes qui sentent bon, de la charcuterie très appétissante, des fruits frais ainsi, comme de bien entendu, qu’un gros concombre. C’est idiot, j’en ai rêvé de ce légume, mais j’ose à peine me souvenir de l’usage que j’ai pu en faire. Tandis que je rigole toute seule, Stéphane fait son apparition à la porte de la cuisine.
— Laisse ce concombre tranquille, s’il te plaît, me dit-il, un sourire aux lèvres. Je refuse de devoir me méfier du contenu de mon assiette.
— Tu as un humour plus pourri que le mien, et pourtant je m’entraîne, je lui rétorque, joueuse.
— Alors pourquoi riais-tu en caressant ce légume?
— Je repensais justement à ton indécente supposition, je mens effrontément.
— Tu as une façon d’y repenser assez troublante.
— Contrairement à ce que tu sembles supposer, je n’étais pas en train de masturber ce concombre, mais de le lustrer pour le rendre brillant. N’est-il pas plus appétissant comme ça? je demande en lui présentant le légume.
— Par moment, tu me fais peur, rigole-t-il. Range ce concombre dans le frigo, par pitié, Fred.
— Comme tu voudras.
Je m’exécute avant de procéder au rangement du reste des courses.
— Si tu ne cesses pas de donner du « Monsieur » à chaque phrase, je
t'étrangle, menace-t-il, un sourire aux lèvres.
— Je suis désolée, c'est... plus fort que moi, je bredouille, ahurie.
— Par ailleurs, j'apprécierai que tu me livres le fond de ta pensée, je
sais que tu en brûles d'envie parfois. Sache que je ne suis à cheval sur
aucune étiquette et que je n'attends pas forcément de toi que tu joues les
gouvernantes zélées même si je sais aussi que tu peux l'être.
— C'est que je crains toujours d'outrepasser mes fonctions et de vous...
contrarier.
— Je préférerais que ce soit le cas, affirme-t-il très sérieusement en
sondant mon âme de son regard clair. Je n'ai pas réclamé une potiche et
je doute que tu en sois une.
Chaque femme vit plusieurs existences à la fois. Tour à tour une fille, une amie, une soeur, une mère, une compagne, elle est, selon le moment, une enseignante, une infirmière, une ménagère, une mère… une
amante.
Derrière la façade lisse d'un quotidien presque banal se cache bien souvent
l'autre femme, celle de l'ombre, de la nuit, celle qui rêve, celle qui fantasme… celle qui aime.
C'est cette femme-là que j'ai choisi de révéler en écrivant des histoires qui font vibrer l'imaginaire, éveillent les sens, donnent l'envie de réaliser ses rêves.
Pour toutes celles qui n'osent pas, celles qui s'ignorent, pour celles qui savent déjà ou pour ceux qui cherchent encore à comprendre.
Qu'importe qui je suis vraiment, je suis une femme comme toutes les autres, tranquille et sage… en apparence.
— Je ne suis plus sage depuis que je t’ai rencontré, tu le sais bien. Tu as une influence déplorable sur moi.
— Pourquoi ai-je le sentiment que tu ne demandais que ça.
— Parce que je suis stupidement tombée amoureuse d’une fenêtre derrière laquelle se cache un homme étrange qui fait de moi ce qu’il veut, même à distance. Parce que dans son regard, je me suis sentie enfin vivante.
Cette journée du onze novembre me fixa définitivement sur son compte. Précise à tendance maniaque, directive à tendance autoritaire, persévérante à tendance obstinée, elle mena les opérations d’une main de fer. Par chance, elle l’enveloppa d’un gant de velours et me récompensait de mes efforts par une caresse ou un baiser.
Mais comme l'a dit le Dalaï-lama (qu'elle plaçait juste après sa grand-mère sur l'échelle de la transmission de la sagesse) : "Les seules vraies erreurs sont celles que nous commettons à répétition. Les autres sont des occasions d'apprendre."