Thierry Gillyboeuf

Ne fût ce que pour le grand plaisir que j’ai eu à lire et à voir plusieurs fois "La vingt-cinquième heure", je suis content que l’écrivain et traducteur Thierry Gillybœuf de Lille ait pris la défense de l’auteur de ce chef-d'oeuvre contre la cabale montée par les "Lettres Françaises" de janvier 1953, sous la plume de Francis Crémieux (1920-2004).



Et Crémieux n’était pas le seul à calomnier ce pope-poète des Carpates. Virgil Gheorghiu a été accusé d’être un agent du KGB russe, de la Şecuritate roumaine, d’un traître et agent double, d’un sinistre antisémite, etc.

Au point que lui-même a noté en 1967 : "La moitié de mes livres ont été brûlés par les fascistes, et l’autre moitié par les antifascistes".



Mais qui était Virgil Gheorghiu au juste et pourquoi un tel acharnement ?



L’homme est né le 15 septembre 1916 à Războieni en Roumanie près de la Moldavie actuelle et mort 75 ans plus tard, le 22 juin 1992, à Paris. Comme son père, il est devenu pope de l’Èglise orthodoxe roumaine en 1963. Il a fait des études à Chişinau et Bucarest de Lettres et philosophie. En juillet 1939, il s’est marié avec Ecaterina Burbea, une avocate juive de 2 jours son aînée qu’il a appellé sa "Tulipe Noire".

Très jeune, Virgil Gheorghiu a commencé à écrire de la poésie et a remporté, en 1940, le prix royal de poésie.



Gheorghiu a vécu une époque difficile avec à l’extérieur de son pays, Hitler et Mussolini et à l’intérieur la montée de la Garde de Fer fasciste, l’assassinat du Premier ministre Călinescu, la destitution et l’expulsion du roi Carol II. Sa défense poétique du Premier ministre a failli lui coûter la vie par un légionnaire de la Garde de Fer.

Après son service militaire, il s’est rendu comme journaliste en Bessarabie et a condamné la terreur stalinienne. Ce qui lui vaudra, en 1945, une arrestation par l’allié américain à Heidelberg, où il a conçu son chef-d'oeuvre "Oră 25".



"La 25ème heure" ou l’histoire du simple paysan roumain, Iohann Moritz, est une dénonciation radicale d’une société qui nie les droits fondamentaux de l’homme et des régimes totalitaires comme le nazisme et le communisme soviétique qui étouffent l’individu. Cette histoire est évidemment pour une part importante d’inspiration autobiographique.



Le succès de ce livre a été immédiat et considérable, dès sa parution en 1949. Succès encore stimulé par le film qu’en a tiré Henri Verneuil en 1967 avec Serge Reggiani, Virna Lisi et un inoubliable Anthony Quinn dans le rôle principal.



La cabale précitée montre d’étonnantes similitudes avec l’affaire Kravchenko qui s’est déroulée à la même époque. Viktor Kravchenko, un transfuge russe aux États-Unis, avait publié juste après-guerre une autobiographie révélatrice sur les excès horribles du régime stalinien, entre autres en Ukraine "J’ai choisi la liberté ".

Un témoignage important dont l’authenticité fut contestée dans les "Lettres Françaises". Contrairement à Gheorghiu, le Russe a entamé un procès en diffamation qu’il a gagné avec dédommagements. Voire l’ouvrage de Guillaume Malaurie : "L’affaire Kravchenko " et ma critique du 22 juin 2017 sur Babelio.



En effet, Virgil Gheorghiu n’a jamais légalement ni par écrit formellement contredit les accusations portées injustement contre lui, mais différents livres publiés par lui après le tollé dont il fut l’objet, nous donnent assez de précisions sur l’enfer pour les Roumains et Moldaves après l’arrivée de l’Armée rouge à Bucarest et Chişinau en août 1944.



Comme conclut Thierry Gillybœuf dans son excellent essai, richement illustré par 16 pages de photos originales, "Malgré l’adversité, Virgil Gheorghiu est toujours resté un homme debout".

Cet art poétique induit ou reproduit un art de vivre en marge de la société. " J'avais vingt-cinq ans et je me préparais une vie d'ascète. [...] A vingt-huit ans, aujourd'hui, je suis devenu ce que j'avais rêvé d'être, c'est-à-dire à peu près rien. " ["Papiers collés" ](p. 43)

[La marge chez Georges Perros par Marie-Françoise Séjourné ]



Un camarade écrivain- bouquiniste , Christian Estèbe, m'a expédié un ancien numéro de La Termitière; un numéro spécial "Georges Perros" . Surprise reçue ce lundi 18 novembre 2019 !



Le numéro débute par des poèmes de Perros, "Venezia et retour" concerne son voyage -éclair en Italie, en compagnie de Jean Roudaut et Michel Butor, en janvier 1969. Ce voyage, et surtout sa visite-express de la Capitale des Doges, lui inspirera en 1975, un ensemble de poèmes...

Poèmes suivis de textes critiques, analytiques de plusieurs contributeurs , nous commentant l'oeuvre et de la personnalité de Georges Perros, dont un très bref hommage de Christian Estèbe, le camarade écrivain- libraire au poète. Appris ainsi que Perros enseigna la littérature...fut un professeur aussi apprécié qu'atypique... !



"Après Douarnenez, il y a Tréboul. C'est là, dans le cimetière marin qu'est

enterré Georges Perros. J'ai vu sa tombe. (...)

On a beaucoup écrit sur Perros et c'est une bonne chose. Il avait de grands

amis, une compagne, des enfants, il aimait la vie. Des étudiants à Brest

n'ont jamais pu oublier ses quelques cours de littérature qu'il appelait

des "cours d'ignorance". " (p. 63)



Ce numéro spécial perrossien me rappelle quelques unes de mes lacunes à

combler dont les célèbres "Papiers collés"...toujours en attente !! .



Perros, le poète de la Marge !!

Il était si fasciné par la Bretagne, qu'il décida de s'installer dans le Finistère ... Marqué par le texte de Roger Grenier, "Les Iles"...ce fut le déclic qui lui

confirma son envie d'ECRIRE !...Les marges de ce bout de Bretagne , des

mondes insulaires , marges qui habitent intensément ses textes...!

Thoreau est une "légende" . Avec Emerson il est l'un des esprits parmi les plus brillants de l'histoire américaine . Mais c'était un homme comme les autres , qui eu le mérite de s'affirmer et de devenir "lui méme" . Cette biographie relate trés bien le parcours de cet esprit libre , de ce géant des lettres américaines . Les biographies sont souvent scolaires ou didactiques , ici point de cela . Le récit est passionant de bout en bout , et l'on prend un plaisir immense à faire ce parcours avec cet espritlibre qu'était Thoreau .