Quand j’ai voulu acheter La petite maison dans la zermi, je me suis un peu renseigné sur le bouquin et sur le gus à qui on le devait. Dans les années 80, Thierry Pelletier se faisait appeler Thierry Cochran, rapport au portrait du bel Eddie qui ornait son Teddy (celles et ceux qui me connaissent bien voient un lien important entre lui et moi) et était un pilier de la mouvance psychobilly tant sur scène que devant, autour… Je découvre alors qu’il vient (à l’époque) de sortir Les rois du rock qui revient sur cette période en une série de textes courts et personnels. Vous aurez deviné sans mal la fin, ce n’est pas un mais deux livres de Thierry Pelletier que j’ai donc acheté alors.
Les années 2000-2010 ont vu un certains nombre d’anciens combattants (et/ou de nouveaux mythos) tenter de faire revivre la légende d’un Paris des marges et des bandes, chanter la gloire de la mythique raya et si possible un peu la leur au passage. On aurait donc pu craindre que ce bouquin s’inscrive au moins partiellement dans la démarche mais on est loin du compte (pour ma part je le craignais fortement, et en même temps, parce qu’on n’est pas à un paradoxe près, je l’attendais un peu quand même parce que le folklore que ce soit celui des Teuz et Korrigans ou celui des fiftos et des keupons ça garde toujours une certaine force d’attraction pas très rationnelle).
Toujours la même écriture chouettos, toujours aussi le même assemblage de textes très courts qui, pris à part, paraissent généralement très anecdotiques mais qui mis bout à bout constituent une fresque cohérente par petites touches impressionnistes. Avant même le premier texte, on voit qu’on n’est pas uniquement dans le folklore ultra-convenu, la citation en exergue n’est pas de LSD (allez ne me lâchez pas, reconnaissez qu’on était tous persuadés que ce serait le cas, que je ne suis pas le seul) mais de Villon.
On retrouve dans les textes des récits de concerts mythiques et de bastons homériques. Ça oui, quand même. Des moments de joie, sans conteste, des moments de loose mais prêtant à sourire, des tas. Mais l’ensemble n’est pas fait pour faire regretter aux jeunots (comme mézigue) de n’avoir pas connu l’époque. La dèche n’y était pas moins dècheuse que maintenant, la connerie aussi largement partagée, la bibine et la drogue, c’étaient peut-être de bons moments mais surtout combien de vies gâchées (l’anecdote sur le keupon alcoolique qui s’est laissé mourir de faim me hante régulièrement), les bastons ne faisaient pas que des héros viriles mais aussi des trouillomètres à zéro et quelques cadavres, la mention RIP est une des plus utilisées à la suite des différents noms cités.
On retrouve dans le bouquin le récit de plusieurs concerts qu’on imagine dantesques mais le plus souvent l’auteur n’en a rien entendu ou retenu, y sont citées pas mal de sommités de la faune parisienne de l’époque mais aussi d’anonymes (la description du public varié et évolutif du Cyrano est un des textes qui m’a le plus marqué). On croise au fil des pages plusieurs des fameuses bandes parisiennes (des Del Vikings aux autonomes de L’usine en passant par les Ducky Boys) mais loin de la place centrale que certains ont voulu leur donner a posteriori (je n’ai pas retrouvé la phrase exacte mais T. Pelletier en parle quelque part sur une page disparue comme d’un phénomène exogène et plus perturbateur que constitutif de son quotidien).
Entre les scènes de bistrots et de concerts, on retrouve aussi les récits d’un quotidien plus trivial, les différents plans pour avoir de quoi bouffer; de la fauche à la manche en passant par les petits boulots plus conventionnels, les plans cobaye pour labos pharmaceutiques ou les deals foireux. Comme quoi la débrouille en système capitaliste, c’est intergénérationnel et transculturel, on a tous connus les mêmes plans, que ce soit dans les années 80, 90 ou 2000, qu’on soit skins ou hippies ou très loin de tout ça…
Un petit goût de légende donc mais surtout une grosse saveur de quotidien, des tranches de vie touchantes et vivantes (b* de d* je me rends compte que j’ai utilisé exactement les deux mêmes épithètes a propos du livre précédent, peut-être que c’est juste les principales caractéristiques de l’auteur, épithète aussi que c’est les deux seuls qualificatifs que connaît le chroniqueur, la grande honte) mais avant tout réalistes, racontées avec du recul et de la prise de distance mais sans aucun reniement pour autant. Heureusement car je crois que c’est la seule chose de pire que ceux qui glorifient leur passé. Côté graphique on retrouve les méfaits graphiques de Faba et Tôma Sickart qui avaient déjà sévi dans La petite maison dans la zermi mais aussi un paquet de photos d’archives personnelles qui a elles seules valent le coup et le coût du livre.
Critique extraite d'un article sur Thierry Pelletier et ses livres, publié sur le blog R2N2.
Lien :
https://romancerougenouvelle..