« C’est certain, il existe aussi de sa main des marines et des paysages fiers et beaux, dans lesquels il se montre sous son côté rêveur… mais nous ne devons pas nous détourner de ses tableaux sans avoir constaté qu’il est aussi un peintre remarquable de natures mortes. Il montre ici la classe d’un Louis Dubois. La même exquise sensualité, les mêmes couleurs choisies et opulentes, le même amour voluptueux des magnifiques mélanges de la palette… Et tout vit, une vie effrénée des couleurs et du quotidien. Les choses possèdent des cordons nerveux vers les rayons de lumière… Ce qui plaît en outre dans ses natures mortes, c’est le hasard de la représentation, très artistique, très spontanée, personnelle et libérée de toutes les règles traditionnelles. »
Eugène Demolder
[…] Ensor veut mettre en évidence dans ce genre de travaux [les natures mortes] les aspects grotesques des choses et les rehausse sans cesse de manière surréelle. La volaille qu’il peint est un maigre cadavre de canard, la raie s’avère être un petit monstre aux traits humains […]. Ensor rend avec brio la texture superficielle des différents objets et l’impression qu’ils laissent, qu’il s’agisse de la surface froide et lisse de la bouteille, de la peau molle et ridée du canard mort, de la meule de foin sèche ou de la raie gluante : en représentant les choses de manière différenciée et en accentuant leur aspect spécifique, il réussit si bien à mettre en scène le monde inanimé qu’on a l’impression de se trouver face à une scène « dramatique ». Ensor dépasse donc de loin le rendu purement naturaliste, et c’est justement cette manière qu’il a de vider la réalité de son contenu familier, qui fait naître l’impression bizarre et expressive que dégagent ses natures mortes.
Eloquents amis et chevaliers bleus, rouges, serins ou verts, tachetés ou palmés, vous célébrez de bien digne façon la nomination d’un confrère et je lis dans vos yeux francs, fauves, faux, de veau léché au miroir, de cyclope, d’opale ou vairons, chassieux, pochés ou gris, quelques-uns émaillés de perles d’émotion, combien ce confrère vous est cher.
Toutes les silhouettes difformes, tous les longs nez et les faces de brebis, les bourgeois injurieux, les faces grimaçantes et sardoniques sont « autobiographiques » dans la mesure où ils expriment la colère et la déception qu’éprouve Ensor à l’égard d’un entourage qui non seulement ne le comprend pas mais le méprise et se moque de lui.
Je cherche à rendre la perspective uniquement par la couleur. (Paul Cézanne)