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Citations de Valérie Bacot (13)


C'est avec ce même pistolet, dans ce même bois, qu'il apprendra plus tard à tirer aux quatre enfants qu'il m'aura faits. C'est avec ce même pistolet, mais dans une autre forêt, qu'un jour, pour qu'il ne nous tue pas, je l'ai tué.

À la première occasion, c'est sûr, nous partirons. J'en rêve toutes les nuits, et le jour aussi. Mais les semaines et les mois passent, sans que nous partions jamais.

Un soir, peu après, il entre dans la chambre sans frapper et ferme la porte à clef derrière lui. À son regard, je comprends immédiatement. Cette fois, je suis bel et bien foutue.

Je me laisse faire sans plus lui opposer de résistance, pour que ça aille plus vite, pour avoir moins mal. C'est comme si j'étais vide. Vide ou morte. Mon esprit s'en va loin, flotte quelque part au-dehors. J'attends qu'il termine et s'en aille pour réintégrer mon corps.

Chez nous, rien n'est jamais logique, tout se tait.

J'ai dix-sept ans, et m'apprête à devenir mère pour la toute première fois. Je le comprends, mais ne réagis pas vraiment. De toute façon, je n'ai pas le choix. Je suis complètement privée d'émotions.

Je dois :
M'occuper de lui d'abord
Décrocher immédiatement quand il appelle à la maison pour vérifier que j'y suis
Empêcher le petit de pleurer pour ne pas le gêner, même au téléphone
Baisser la tête, obéir sans discuter
Ranger, laver, cacher les jouets
Faire comme si Dylan n'existait pas.

Je ne dois pas :
Sortir sans le prévenir
Faire les courses toute seule
Travailler
Prendre une décision
Parler à des inconnus
Croiser le regard des hommes

Au fil des mois, j'apprends à faire attention à tout. Avec le temps, ça devient presque un réflexe, une seconde nature. Daniel veut que je sois à lui uniquement, que je fasse tout ce qu'il veut, comme il le veut, au moment où il le dit.

Je me débrouille, ne pleure pas. Je ne ressens presque plus d'émotions, presque plus rien. J'ai l'habitude de mon malheur.

J'encaisse, muette, et m'imprègne de ces mots en pensant qu'il a raison. Daniel sait mieux que moi, alors je le crois. Tout est de ma faute.

Parfois, je lui dis de me taper tout de suite, pour qu'on en finisse. Après ça, je sais qu'il sera plus calme, que la pression redescendra. J'apprends à m'endurcir, à serrer les dents. La violence physique, à force, on peut s'y accoutumer. Les menaces verbales, les tortures mentales, c'est tout le contraire : elles me désintègrent, me foudroient. Il est impossible de s'y faire. Elles me tuent à l'intérieur peu à peu : je suis là, mais toujours un peu absente. Détachée de moi-même, comme dissoute.

Ce qui est sûr, c'est que je n'ai jamais ressenti d'amour pour Daniel - pas une seule minute de ma vie, pas un seul instant. J'ai cru un moment qu'il pourrait me servir de père, mais je me suis trompée. C'était il y longtemps déjà. De toute façon, mon avis ne compte pas. Ce sont toujours les autres qui décident pour moi.

- S'il apprend que j'ai porté plainte contre lui, il va tous nous tuer.
Nous pensons tous la même chose. Parler, c'est bien trop risqué. Alors nous décidons de ne plus rien faire, d'abandonner le combat. De toute façon, personne n'est prêt à écouter. Pour nous, il n'y a pas d'issue - tout est foutu.

- Maman ?
Dans un souffle, je réponds seulement :
- Pardon, je l'ai tué...
Mes enfants se pressent autour de moi, me prennent dans leurs bras pour m'apaiser.

Je sursaute au moindre bruit, crois l'entendre arriver à chaque craquement. Il flotte dans l'air un parfum d'irréalité. Chaque fois que je ferme les yeux me reviennent les détails de la scène, par flash. Je suis hantée. Depuis cette nuit-là, celle du 13 mars 2016, le sommeil ne m'a plus jamais trouvée.

Ma mère m'a livrée à Daniel, alors que je n'avais aucun moyen de me défendre contre sa tyrannie. Elle lui a offert ma vie. La vie de son enfant, celle de sa propre fille. Pour avoir tenté de me protéger, c'est moi qui vais être jugée devant une cour d'assises. Elle, elle n'aura jamais à répondre de ses actes devant un tribunal. C'est injuste ; c'est ainsi.

Dans ma tête, Daniel est toujours bien vivant - je l'ai peut-être éliminé, mais il a quand même pris tout ce que j'avais. Je me sens défaite et vaincue. Je ne suis plus qu'une coquille vide : à l'intérieur de moi, il a tout détruit. Ne reste plus dans ma poitrine qu'un vide immense.

Si j'avais eu la chance de pouvoir m'appuyer sur quelqu'un, si je n'avais pas été si seule, j'aurais réagi bien avant. Et tout aurait été différent.
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Toit le monde savait, et personne n'a rien dit. Ni mon père, ni le reste de ma famille. La seule chose qui les préoccupait, quand je sombrais, c'était leur réputation. Ce que risquait de dire leur connaissance, au village. Personne n'a jamais pensé à moi.
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Par lâcheté, par faiblesse ou par indifférence, c’est plus facile de faire comme si on ne voyait rien.
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Ils interrogent le rôle de ma propre mère, surtout : pourquoi a-t-elle laissé Daniel me violer pendant toute mon enfance ? Pourquoi n’a-t-elle jamais rien dit, alors qu’elle savait ? Pourquoi avoir insisté pour que j’aille le voir au parloir ? Pourquoi le laisser s’installer à la maison à son retour de prison, alors qu’il avait été condamné par la justice pour ce qu’il m’avait fait ? Pourquoi m’avoir chassée, quand j’étais mineure et enceinte de lui ? Ma mère m’a livrée à Daniel, alors que je n’avais aucun moyen de me défendre contre sa tyrannie. Elle lui a offert ma vie. La vie de son enfant, celle de sa propre fille. Pour avoir tenté de me protéger, c’est moi qui vais être jugée devant une cour d’assises. Elle, elle n’aura jamais à répondre de ses actes devant un tribunal. C’est injuste ; c’est ainsi.
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L’emprise, c’est une dépossession de soi-même. 
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Ma mère m’a livrée à Daniel, alors que je n’avais aucun moyen de me défendre contre sa tyrannie. Elle lui a offert ma vie. La vie de son enfant, celle de sa propre fille. Pour avoir tenté de me protéger, c’est moi qui vais être jugée devant une cour d’assises. Elle, elle n’aura jamais à répondre de ses actes devant un tribunal. C’est injuste; c’est ainsi.
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Il vaut mieux vivre avec des remords qu'avec des regrets.
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La violence physique, à force, on peut s’y accoutumer. Les menaces verbales, les tortures mentales, c’est tout le contraire : elles me désintègrent, me foudroient. Il est impossible de s’y faire. Elles me tuent à l’intérieur peu à peu : je suis là, mais toujours un peu absente. Détachée de moi-même, comme dissoute.
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Tout le monde le savait, et personne n’a rien dit. Ni mon père, ni le reste de ma famille. La seule chose qui les préoccupait, quand je sombrais, c’était leur réputation.
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Quand il me vise avec l'une de ses armes, le plus souvent, je ne réagis même plus. Daniel jouit d'observer mon visage, de le voir se décomposer. Il guette chacune de mes réactions, comme un chien truffier. Un jour, avec sa carabine à plombs, il me tire dessus. Je ferme les yeux et j'attends privée du moindre réflexe. Je pense vas-y, tue-moi, comme ça tout s'arrêtera. Avant de me reprendre aussitôt : je ne peux abandonner les gamins, les laisser seuls avec lui. Le plomb se perd dans une porte du meuble de la cuisine, juste au-dessus de ma tête. Le trou est assez profond. L'envie d'en finir est si forte, certaines fois, qu'il m'arrive de regarder par la fenêtre en songeant : Si je me jette par là, je tombe chez le voisin, les enfants ne verront rien. Je n'en fais rien. Daniel jure de nous faire la peau de plus en plus souvent. Je dois les protéger coûte que coûte.
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Je dois :
M’occuper de lui d’abord
Décrocher immédiatement quand il appelle à la maison pour vérifier que j’y suis
Empêcher le petit de pleurer pour ne pas le gêner, même au téléphone
Baisser la tête, obéir sans discuter
Ranger, laver, cacher les jouets
Faire comme si Dylan n’existait pas.

Je ne dois pas :
Sortir sans le prévenir
Faire les courses toute seule
Travailler
Prendre une décision
Parler à des inconnus
Croiser le regard des hommes.
Au fil des mois, j’apprends à faire attention à tout. Avec le temps, ça devient presque un réflexe, une seconde nature.
Daniel veut que je sois à lui uniquement, que je fasse tout ce qu’il veut comme il le veut, au moment où il le dit.
Dans les magasins, il choisit les habits que je dois porter.
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Un jour, il me tuera, c'est écrit.
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la violence physique,a force ,on peut s’y accoutumer.les menaces verbales,les tortures mentales,c’est tout le contraire.
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