« Prédire est difficile, surtout quand il s'agit du futur » disait le physicien Niels Bohr.
'p. 92)
Les experts sont largement victimes du biais de rétrospection. Il y a une différence fondamentale entre prédire quelque chose et rendre compte de quelque chose. Juste avant le référendum sur le Traité établissant une constitution pour l'Europe en mais 2005, les analystes étaient bien en peine de prédire l'issue du vote. Une fois le résultat connu, beaucoup d'entre eux étaient sur les plateaux télévisés pour expliquer que la victoire du "non" était évidente. Car l'esprit humain, avec sa facilité à produire des narratives, est toujours en mesure d'expliquer a posteriori ce qui s'est passé.
(p. 199)
Prenons le comportement de vote. D'un côté, la très large majorité des électeurs votent en ayant une information imparfaite sur les questions politiques, économiques, sociales, internationales, etc. Comme le coût de s'informer sur ces sujets est démesuré par rapport au bénéfice qu'il peut en tirer (un vote individuel ne pesant quasiment pas sur le résultat final), l'électeur n'est pas incité à s'informer : il est "rationnellement mal informé". D'un autre côté, la plupart des électeurs votent de façon passionnelle plutôt que raisonnée. Voter de façon passionnelle, ou irrationnelle, consiste à fonder son choix sur des considérations idéologiques plutôt que sur une analyse objective de la situation. [...] Cet exemple montre qu'un comportement irrationnel n'est pas nécessairement une propriété intrinsèque de l'individu mais une réponse rationnelle à un environnement donné.