La terreur règne sur Raqqa. Assailli de toute part par la rébellion syrienne, l'Etat islamiste vit dans la paranoïa d'un complot ourdi par ses ennemis. C'est dans cette atmosphère de tension que Merwan Millet, chef de la police municipale infiltré dans le haut commandement de Daesh, joue les agents doubles au péril de sa vie. Comme ce matin-là où, Porte de Bagdad, il suit au viseur de son fusil une bande de djihadistes surexcités par l'absorption de métamphétamine, sans se douter qu'il met le doigt dans un engrenage. Qui se corse dangereusement quand Yasmine, aguichante espionne de la DGSE, s'introduit à Raqqa pour évaluer les capacités combattives de Daesh.
Dans ce roman d'espionnage au rythme endiablé, Yannick Laude nous entraîne de toute sa verve dans les pas d'un flic kurde désabusé au coeur d'une dictature en folie.
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" Du fanatisme à la barbarie, il n’y a qu’un pas. "
Diderot
(page 7).
Détruire les frontières tracées par les occupants français et anglais, cette humiliation faite aux Arabes sunnites, pour bâtir un territoire où l’Oumma vivra unie selon la sunna du Prophète, paix, bénédiction et salut soient avec lui, sans plus subir les hérétiques alaouites et chiites, et autres hypocrites et mécréants.
L’apparence islamique n’est pas difficile à singer et ça permet de se fondre dans l’ambiance, vu le nombre des factions fanatiques qui occupent la ville depuis mars dernier. Certes, au grand désespoir de mon grand-père, Raqqa a de tout temps été une des villes les plus pieuses de Syrie. Mais depuis quelques mois, mes compatriotes en font des tonnes dans la bigoterie. J’en ai vu devenir des vraies babouches de mosquée alors qu’ils ne sauraient même pas réciter la profession de foi de l’Islam. Ce rouquin djîhadiste peut bien s’étrangler d’indignation, sa foi de pacotille ne saurait rivaliser avec le spectacle d’un bombardement.
Pour faire régner l’ordre dans la ville, une milice marchande, se baptisant sans complexe le Mouvement des Gens Dignes de Confiance de Raqqa, s’était créée. Mais au fil des jours, d’attentats mafieux en enlèvements crapuleux, l’insécurité devenait telle que ceux qui n’avaient pas fui restèrent cantonnés chez eux dans l’espoir que le calme revienne. Et il est revenu, de la plus étrange manière.
En avril 2012, on croyait encore dur comme fer que Bachar al-Assad materait la rébellion. Il était même venu tranquillement célébrer l’Aïd al-Kebir à Raqqa six mois plus tôt, sans aucune manifestation hostile. Il faut dire que le parti Baath avait arrosé les tribus avec vingt millions de livres pour garantir sa sécurité.
Des morts, il y en a tous les jours, c’est vrai, et je fais mon possible pour les épargner à la vue de ma femme et de mes enfants. Mais ce n’est pas si facile avec la télé qui ne se prive jamais d’en rajouter sur la sale guerre civile qui déchire mon pays. Que ce soient les chaînes du régime ou de l’opposition, les turques, les libanaises, les jordaniennes ou celles du Golfe. Les irakiennes sont occupées avec leur propre merdier, dont elles nous accusent d’ailleurs d’être responsables.
Je me doutais bien qu’en l’apostrophant du nom de pèlerin, j’allais gagner des points. Bingo, contemplant de son œil torve mon costume chiffonné agrémenté d’un brassard, le gaillard se radoucit un peu.
