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Critiques de Zander Cannon (17)
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Marvel

Dans les mains des créateurs

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Ce tome contient une histoire complète, tout en fonctionnant comme une anthologie de prestige, et un écho thématique à Marvels (1994) d'Alex Ross & Kurt Busiek. Chaque épisode à l'exception du dernier comprend un prologue et un épilogue entièrement réalisé par Alex Ross (scénario et peintures) avec l'aide de Kurt Busiek & Steve Darnall pour l'histoire, et deux ou trois histoires complètes assimilables à des nouvelles. Le tome commence par une courte introduction de Ross expliquant le lien thématique avec Marvels.



Doctor Strange a été réduit à l'impuissance par Nightmare qui se repaît des rêves des êtres humains. Spider-Man, par Frank Espinosa (avec Sajan Saini pour les dialogues) : Spider-Man se bat contre Rhino tout en pensant à la demande de Mary Jane Watson de réduire ses dépenses, en particulier en utilisant moins de fluide pour toile d'araignée, dont les composants chimiques coûtent si cher. Avengers, par Kurt Busiek (scénario) & Steve Rude (dessins) : les membres de l'équipe originale sont en train de se sustenter, alors que Rick Jones a revêtu un casque qui lui permet de projeter l'image de Hulk. X-Men, par Dan Brereton : juste après le sauvetage sur Krakoa, les membres des deux équipes de X-Men s'entraînent dans la Danger Room, les anciens ayant des réserves sur le comportement du petit canadien. Silver Surfer, Spider-Man, The Thing, par Eric Powell : Ben Grimm est parti acheter des Cannoli chez Giuseppe, mais il se fait piquer sa boîte par Spider-Man. Vision, par Paolo Rivera : Vision va extirper des décombres un enfant qui tient une figurine de Captain America dans sa main. Namor, par Alan Weiss : Namor est invité à une soirée pour collecter des fonds dans une base sous-marine où se trouve Argno Gwace. Uatu, par Bill Sienkiewicz : le gardien passe en revue l'enfance d'un garçon qui dessine des bandes dessinées. Rocket Raccoon, par Scott Gustafson : il se retrouve sur une planète avec des créatures à fourrure. Black Widow (Claire Voyant), par Ryan Heska : Black Widow est en enfer où elle se retrouve aux côtés de Red Skull, devant Satan lui-même.



Deviants, par Daniel Acuña : dans un futur proche, les déviants sont maîtres du monde et organisent des combats de gladiateurs entre superhéros. Doctor Droom (Anthony Druid), par Hilary Barta & Doug Rice : Droom n'a pas un instant de répit, à arrêter monstre après monstre à New York. Ben Grimm, par Alex Ross (scénario) et Sal Abbinanti (dessins) : Ben marche dans la rue en repensant à quel point il fait peur aux autres depuis qu'il a une peau de brique orange. Wong, par Gene Ha & Zander Cannnon : Wong se rend dans une autre dimension pour aider des novices en magie qui se sont retrouvés dans une situation périlleuse. Nick Fury, par Adam Hughes : à Berlin, à la fin de la seconde guerre mondiale, Nick Fury déverse ses propos cyniques devant une bouteille, au profit d'un jeune garçon allemand. Wolverine, par Mark Waid (scénario) et Lucio Parillo (dessins) : Cyclops s'interroge sur l'instinct de mort de Wolverine alors qu'il est en train d'affronter Hulk. Nick Fury, par Greg Smallwood : Fury accomplit mission d'espionnage après mission avec une classe extraordinaire. Silver Surfer, par Lee Bermejo : Surfer est de retour sur une terre dévastée et affronte un individu entouré d'un halo de flammes. Doctor Strange, par Alex Ross (scénario) et Mitch O'Connell (dessins) : Strange a réussi à trouver comment contrattaquer contre Nightmare.



C'est une copieuse anthologie, donc il y a à boire et à manger, du bon et du moins bon, en fonction des goûts du lecteur. Les responsables éditoriaux sont parvenus à respecter le principe édicté par Alex Ross : donner carte blanche à des artistes prestigieux. S'il dispose d'une large culture comics, le lecteur ne peut pas résister à la perspective de retrouver des légendes comme Adam Hughes, Bill Sienkiewicz, Gene Ha, des artistes confirmés plus récents comme Daniel Acuña, Lee Bermejo, et des artistes indépendants comme Eric Powell ou Steve Rude, sans oublier Alex Ross lui-même qui réalise toutes les couvertures originales ainsi que 14 planches intérieures réparties dans les 6 épisodes. Elles sont magnifiques, mais ne valent pas à elle seule le prix de l'ouvrage. Le lecteur passe alors à l'histoire de Spider-Man avec une personnalité graphique très séduisante, mêlant des personnages à la Bruce Timm, avec un rendu impressionniste des arrière-plans pour une histoire sympathique et visuellement mémorable. L'histoire suivante est tout aussi sympathique avec Steve Rude en mode Jack Kirby, ce qu'il fait très bien sans donner l'impression d'un ersatz au rabais, avec une saveur amusée sans être moqueuse ou railleuse, à nouveau très agréable. La page peinte par Alex Ross pour clore ce premier numéro et c'est fini. Sympathique.



C'est parti pour le deuxième numéro avec une histoire peinte et écrite par Dan Brereton, artiste à la saveur particulière, dans un registre descriptif et coloré, avec un ton adulte. Très sympathique. Puis arrive Eric Powell avec une histoire de 10 pages, résolument distrayante par sa bonne humeur et son prétexte léger : pouvoir déguster les fameux cannoli de Giuseppe. Les dessins du créateur de The Goon sont toujours aussi plein de vie avec des visages expressifs, et l'histoire se déguste. Paolo Rivera réalise des planches peintes dans un registre plus sombre, pour un récit poignant : excellent. Numéro 3 : un récit à l'ancienne de Submariner contre des sympathisants nazis, plein de malice, et une touche de bonne humeur, aussi savoureux que désuet. Changement total de registre avec les 8 pages de Sienkiewicz. Pas d'histoire de superhéros malgré la présence de Uatu, un scénario très particulier qui raconte le besoin de dessiner d'un jeune garçon qui va devenir un auteur de comics. Comme il a pu le faire par le passé, l'artiste raconte à sa manière, plutôt avec des cartouches de texte qu'avec des phylactères, avec une forme d'humour assez à froid, sans affrontement physique, mais le comics de superhéros est au cœur de l'histoire. Le lecteur sent bien qu'il est passé dans un registre un peu plus cérébral, moins axé sur le divertissement, fascinant et enrichissant. Indispensable. Cela ne l'empêche pas de revenir avec plaisir à des récits plus premier degré, comme cette illustration en double page dans laquelle Rocket Raccoon essaye de faire comprendre le concept de distance personnelle entre individus. Enfin Claire Voyant (avec une référence à son apparition dans Mystic Comics 4 d'août 1940) emmène le lecteur en enfer avec un style de dessin naïf, tout aussi personnel que ceux de Sienkiewicz, dans un registre très différent.



Par la suite, les récits vont mêler ces deux approches avec un dosage différent à chaque fois : soit un peu plus d'action, soit un peu plus de recul. Daniel Acuña se fend d'une dystopie mêlant à la fois la saveur de Killraven et celle de Earth X, inventant des croisements possibles entre des personnages Marvel pour un futur proche avec une narration visuelle axée sur l'action, sur un rythme soutenu et souvent explosif, tout en proposant une réflexion sur les jeux du cirque et sur l'inventivité et la créativité du genre humain. Hilary Barta et Doug Rice réalisent un délicieux pastiche en mettant en scène le personnage du docteur Droom, proto docteur Strange, pour neutraliser les monstres Marvel qui pullulaient dans années 1950 et début 1960, avec une narration visuelle à la saveur proche de celle d'Eric Powell : délicieux. Ross plonge dans la psyché de Ben Grimm à travers ses états d'âme avec des dessins aux crayons de couleurs, délicats et aventureux, une sensibilité d'une grande justesse. Gene Ha et Zander Cannon œuvrent dans un registre bien différent de Top 10 d'Alan Moore. S'il a lu Kaijumax de Cannon, le lecteur retrouve toute sa sensibilité et sa facétie dans cette mission indigne de Docteur Strange, donc réalisée par Wong, avec ces néophytes peu conscients des risques qu'ils prennent mais refusant de renoncer aux profits potentiels de leur petite entreprise, avec des dessins dans des teintes pastel évoquant bien des dimensions magiques.



Ça fait plaisir au le lecteur de retrouver Adam Hughes même si celui-ci a choisi un personnage masculin, et mal rasé de surcroît, plutôt qu'une jolie jeune femme accorte. Il retranscrit avec justesse le cynisme désabusé de Nick Fury, ainsi que sa volonté d'aller de l'avant, avec des dessins toujours aussi réalistes et arrondis. Wolverine contre Hulk, encore certes, mais avec un artiste réalisant des planches peintes évoquant Gabriele Dell'Otto au meilleur de sa forme, et un scénariste concis et pénétrant quant à la psyché de Logan : parfait. Arrivé à ce stade du recueil, le lecteur a acquis la conviction que le responsable éditorial a bien fait son travail pour s'assurer de la qualité des récits. Effectivement, Greg Smallwood est en pleine forme sur le plan visuel avec une touche pop art dans les aventures de Nick Fury, et une touche parodique dans ses missions et sa capacité à se sortir de toutes les situations périlleuses. Bermejo réalise un récit de Silver Surfer en noir & blanc avec des nuances de gris, dans une ambiance de monde en déliquescence, de toute beauté. Enfin, la dernière histoire voit Docteur Strange reprendre le dessus sur Nightmare avec des dessins à la naïveté évoquant celle des comics des années 1960, en totale cohérence avec la nature du récit.



Dans un premier temps, le lecteur se dit que les responsables éditoriaux ont profité de la notoriété d'Alex Ross pour assembler un produit de bric et de broc, plus ou moins bien ficelé, avec des auteurs plus ou moins inspirés. Dès le premier numéro, il constate que quel que soit le niveau d'inspiration des auteurs, leur investissement dans l'histoire qu'ils racontent est total, avec un savoir-faire éprouvé. Arrivé au numéro 3, il se produit comme un déclic avec le récit de Bill Sienkiewicz, à la fois en termes de liberté de ton, de prise de risque graphique, et la suite se maintient à un niveau extraordinaire, même si les créateurs suivants n'œuvrent pas dans le même registre.
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Kaijumax, tome 5

Erreur de la justice en votre défaveur

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Ce tome fait suite à Kaijumax, Vol. 4: Scaly is the New Black (6 épisodes, 2018/2019) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les 6 épisodes de la saison 5, initialement parus en 2019/2020, écrits, dessinés, encrés et mis en couleurs par Zander Cannon qui a également fait le lettrage. Il a bénéficié de l'aide de Jason Fischer pour la mise en couleurs. La dernière page de ce tome indique qu'il s'agit de l'avant-dernière saison de la série.



Six enfants se tiennent sur le banc de touche d'un stade : ils ont l'air abattu et ont peut-être été physiquement malmenés. Une voix retentit : Satoshi, je te choisis. Le garçon se lève du banc en se lamentant de devoir y aller. Ses copains l'encouragent et l'un d'eux lui propose un jus de fruit. Le garçon en face dans l'arène a l'air d'un sportif. Un copain indique à Satoshi qu'ils sont sensibles aux attaques de type Sarcasme. Alors que les deux garçons se trouvent dans le cercle tracé dans la zone centrale de la pelouse, une voix amplifiée retentit : c'est la police et elle vient mettre un terme à ce championnat illégal où des kaijus de type Pokemon organisent des combats d'enfants. Les policiers pilotant leur méca géant font mettre les kaijus en rang face contre le mur et mains en l'air. Ils observent que les enfants sont sains et saufs et ils s'élancent à la poursuite d'un fuyard : Pikadon, le boss de ce gang, qui est resté coincé dans la fenêtre parce que son derrière est trop gros pour passer. C'est dans cette position humiliante qu'il écoute le responsable de la brigade lui dire qu'il est bon pour la prison.



Sur l'ile prison de Kaijumax, le détenu Sharkmon a décidé de devenir le coiffeur-barbier. Il est en train de retirer le sumac vénéneux qui s'est développé dans la toison d'un cryptoïde. Vogo et Electrogor passent également pour prendre de ses nouvelles. Un autre détenu arrive et les deux autres s'en vont, sentant la tension monter d'un cran. Les deux restants accusent Sharkmon de les avoir vendus, et commencent à le tabasser. Le pauvre coiffeur est bientôt à terre et ses assaillants continuent de le tabasser l'un des d'eux s'apprêtant à réduire sa chèvre Daniel en bouillie, quand il a la main sectionnée par la queue de Sharkmon. Ils le cognent encore un peu et s'en vont, alors que Daniel a pu se mettre à l'abri. Sur d'antiques postes de télévision, le grand contrôleur Xilophus, un extraterrestre du peuple des Enigmiriens diffuse un message. Il indique que son peuple est prêt à partager la technologie du Crystal X, une technologie qui soigne toutes les maladies, sous réserve que le peuple terrien révise le procès de Hermanculoid, un kaiju accusé d'avoir tué l'officier de police Truong Van Lam, nom de code Lady Ultratiger, il y a une cinquantaine d'années. À bord de son méca, le directeur Jae-Yoon Lang va présenter ce message à l'administratrice Nobuko Matrumoto, elle aussi à bord de son méca.



Le lecteur retrouve avec grand plaisir cette série atypique et très personnelle, prêt dans sa tête pour ses idiosyncrasies : les dessins un peu naïfs, mais avec un haut niveau de détails, les intrigues un peu loufoques avec les kaijus, mais très humaines. Il est pris au dépourvu par la première page avec cette histoire d'enfants qui s'affrontent dans une arène, mais il a vite de fait de comprendre le principe dès la deuxième page : un renversement des tournois de Pokémons, avec une inversion des rôles entre combattants et dresseurs (un juste retour des choses finalement), pour ces monstres de poche créés en 1995 par Satoshi Tajiri. Avec facétie, l'auteur fait de ces monstres des kaijus ayant mauvais caractère, prompts au combat et gardant une solide rancune contre les humains. Le lecteur n'est pas au bout de ses surprises : dans l'épisode 2, un nouveau prisonnier dont personne ne sait rien arrive à Kaijumax. Il ressemble à un cheval géant albinos, avec une corne de licorne sur la tête et une abondante crinière arc-en-ciel. Le lecteur se frotte les yeux : il ne rêve pas. Il attend quelques pages et effectivement, c'est bien un pastiche très savoureux de Mon Petit Poney, une gamme de jouets, créée en 1981 et commercialisée par Hasbro. Sprinkles l'unidragon a également des choses à se reprocher concernant sa façon de se comporter avec les êtres humains, et l'auteur s'est montré particulièrement pénétrant dans son appropriation. S'il est familier des jeux vidéo sur console, le lecteur reconnaît également un pastiche très savoureux de Phoenix Wright, détective attorney, là encore avec une touche parodique puisque lui et son confrère défendent le parrain Pikamon.



Le lecteur est prêt à sourire tout du long d'une saison pastiche, mais c'est mal se souvenir des saisons précédentes. L'auteur a une histoire à raconter et même plusieurs, entremêlant la requête du grand contrôleur Xilophus, avec le devenir de Sharkmon en prison, et bien sûr celui de Pikamon. La demande du premier nécessite de faire la lumière sur ce qu'il s'est vraiment passé lorsque Hermie a été arrêté par deux policiers, occasionnant la mort de l'un d'eux. Cannon révèle la vérité dans la dernière page du premier épisode. Le point focal de ce fil narratif change alors : il ne s'agit plus de découvrir le coupable, mais de savoir s'il s'en sortira. Comme d'habitude, le lecteur éprouve des difficultés à croire que l'artiste parvienne avec une telle aisance à rendre sympathiques ces personnages dessinés de manière un peu enfantine, qu'il s'agisse des kaijus ou des mécas. Pourtant il ressent bien la dureté du caractère sévère de Nobuko Matumoto au travers de l'aspect très métallique et robotique de son méca, ainsi que la placidité résignée de Hermie, ou le tourment intérieur de Dao Van Duc. Ce fil narratif devient alors une étude de caractère, essentiellement celui du vrai coupable, avec des éclairages sur son enfance, sur les adultes qui lui ont transmis des valeurs et lui ont donné l'exemple, et une idée très psychorigide de la justice.



Le deuxième fil narratif semble plié d'avance : Pikadon est coupable et il s'agit juste de savoir si ses avocats parviendront à trouver une faille dans le système juridique pour qu'il sorte libre, ce qui donne de savoureux moments parodiques avec la caricature de Phoenix Wright, et avec les euphémismes mensongers pour décrire les activités de ce parrain des paris clandestins. Zander Cannon ne lésine pas sur les moments visuels mémorables : la fouille corporelle de Pikamon, la présentation de l'environnement constituant le tribunal dans un plan astral, réalisée par Ding Wing un personnage à l'allure comique irrésistible, le visage fermé et buté de Pikamon les facéties des deux histrions qui lui servent d'avocats, la file d'attente pour passer le portail de sécurité, etc. Un régal visuel grâce une inventivité inattendue. Là encore, le récit recèle des surprises. L'auteur sait faire de l'accusé un individu antipathique, dépourvu de tout remord. Pourtant, lors du procès, le lecteur découvre ce à quoi il est train de penser, une scène du passé, de sa jeunesse, puis ce qui s'est vraiment passé quand il a agressé le videur de la boîte de nuit. Certes Pikamon ne devient pas sympathique, mais le lecteur ressent de l'empathie pour lui, sa situation, ce qui l'a conduit à commettre ces actes, la raison pour laquelle il s'en tiendra au mutisme et à la provocation lors de son procès. L’auteur prend de la hauteur pour considérer ce meurtre sous un angle systémique et mettre en lumière que l'accusé s'est adapté à son environnement pour pouvoir y survivre, puis qu'il a reproduit les schémas comportementaux qu'il a lui-même subi. On est loin d'un récit de bataille avec des superpouvoirs.



Il se passe encore beaucoup d'autres choses dans ce recueil entre la modification de la programmation comportementale de KEIKO, un robot gardant l'entrée du bloc pour les condamnés à mort, et la tortue posée sur une autre tortue, avec sur son dos des éléphants qui portent une terre plate, un autre clin d'œil culturel, le chemin des enfers qui est littéralement pavé de bonnes intentions, chacune inscrite dans un pavé. Mais le lecteur est à nouveau ému par le sort d'un détenu : Sharkmon. Celui-ci a décidé de se ranger des affaires, et de se tenir à carreau, évitant les embrouilles, quitte à se faire dérouiller sans rien dire s'il le faut. Le lecteur lui accorde toute sa sympathie, que ce soit parce qu'il traite bien sa chèvre, ou parce qu'il s'occupe de ses requins domestiques. Il sent son cœur se réchauffer quand Sharkmon reconnait la sagesse d'un autre détenu débonnaire, et semblant avoir un effet apaisant sur les autres détenus, même s'il trafique un peu en douce. Seulement voilà, il n'y a pas d'innocent en prison, et Sharkmon finit par découvrir de quel crime s'est rendu coupable son compagnon. C'est impardonnable.



Arrivé au cinquième tome d'une série, il ne reste plus que les lecteurs qui sont déjà acquis aux personnages et à la dynamique des saisons. C'est donc gagné d'avance pour l'auteur… sous réserve qu'il fasse au moins aussi bien que les tomes précédents. Zander Cannon ne fait pas aussi bien, il fait mieux. Il a amélioré la fluidité de sa narration, sans rien perdre en densité. Ses dessins se lisent plus facilement. Il n'a rien perdu pour ce qui est de donner de la consistance à ses personnages, de la complexité, les criminels restant toujours méprisables, mais le lecteur peut comprendre qu'ils en soient venus là. Il sait montrer toute la complexité morale et sociale des situations, et son humour a gagné en saveur et fait mouche à chaque fois. Une saison exceptionnelle.
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Kaijumax, tome 2

Kaijumax a été encensé quasiment à l'unanimité par la presse spécialisée.

Et cela à très forte raison car ce roman graphique est un véritable ovni dans le genre !

Mais vous me direz c'est quoi au juste Kaijumax ?

Et bien c'est une œuvre particulièrement critique et imagée sur l'univers carcéral et son écosystème sociétal associé.

Il s'agit donc d'une véritable satire sociale bien sérieuse malgré l'humour omniprésent et les dessins caricaturaux de son auteur.



Ce livre 2 conclu admirablement l'épisode "prison pour homme" et s'ouvre sur les secrets de l'univers des geôles pour femme.

Dans ce monde, au premier abord, tout parait plus calme, serein et maitrisé mais ce n'est que façade.

La sournoiserie est de mise, les non-dits sont nombreux et sont sources de tensions contenues.

Mais les agacements s'enchainent et les jalousies aussi jusqu'à ce que la bombe explose...

Et la pseudo innocente doctoresse Zhang l'apprendra bien vite à ses dépens.

L'auteur décrit (selon moi et sans en être un expert évidemment, vous m'excuserez mesdames) magnifiquement bien une partie de la psychologie féminine bien complexe, mélangeant ainsi fierté, humilité, contrariété, convoitise, popularité, rivalité, rancœur, moqueries etc...

Et avec tout cela, on en abouti au fait qu'une jeune femme puisse passer du jour au lendemain de très bonne amie au statut de principale ennemie, et donc loin du phénomène de mode de la sororité...

C'est remarquablement bien amené.



Evidement Zander Cannon mêle aussi à son récit, comme pour le livre 1, des thèmes éternellement contemporains et récurrents comme la différence "raciale" et la xénophobie, les minorités ethniques et/ou religieuses et leurs oppressions, l'isolement, l'exclusion et la solitude malgré un monde fourmillant de vie, la corruption et les abus des autorités policières, etc...

Il aborde aussi indirectement la problématique écologique en évoquant un monde "poubelle" où les cheminées industrielles, l'électricité, l'uranium et toutes autres énergies polluantes s'avèrent être des drogues pour nos créatures (à remarquer que même dans son récit, ça reste des polluants nuisibles...).



Coté graphique, l'humour est de mise. Tous les monstres sont évidemment caricaturés, presque mignons, et surtout inspirés des grands courants japonais et autres : des étranges kaijus aux méconnus cryptides en passant par les créatures cauchemardesque Lovecraftiennes et les robots aux allures d'Ultraman etc...

L'expert en dénotera évidemment les nombreuses références cinématographiques ou littéraires, et le novice, quant à lui, ne sera pas en reste car les tomes sont agrémentés d’une postface finale décrivant quelque peu les sources d'inspiration de l'auteur.

C'est un très bon moyen de parfaire sa culture geek...



Pour en revenir au dessin, ce qui est frappant, c'est le décalage entre la noirceur du récit et des propos, et la dérision du trait épais (semblant parfois grotesque et rocambolesque) et les aplats de couleurs chatoyants et joyeux...

Mais malgré tout, aussi surprenant que cela puisse paraître, ça colle parfaitement.



Chaque personnage est graphiquement recherché autant dans sa bizarrerie que dans sa personnalité.

Ainsi on s'attachera facilement à certains personnages comme Electrogor, Daniel ou Whoofy, mais on en détestera d'autres bien plus cruels et sans cœurs comme Démo-mite ou Zonn...

Coté personnages féminin, il est plus difficile de se prendre d'affection ou d'aversion pour l'une ou l'autre hormis Zhang.

Les caractères, bien que tranchés, semblent plus neutres...



Les mises en scène sont marrantes et bien choisies, et les arrières plans sont développés au juste nécessaire pour évoquer un certain réalisme.

Le jeu des nuances de couleurs et des contrastes est aussi remarquable pour donner de la vie à l'ensemble et poser des ambiances parfois glauques, stressantes et inquiétantes ou à l'inverse totalement joyeuses et distrayantes.



Cette série mérite vraiment le détour, mais attention elle est addictive.

Vous pourriez bien rester enfermé sur ces îles-prison et ne pouvoir vous y échapper qu'en tournant la dernière page...

On a hâte de lire le prochain tome !
Lien : https://www.7bd.fr/2021/08/k..
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Kaijumax, tome 2

J’ai hâte de voir si Zander Cannon va parvenir à faire évoluer son discours, ma principale crainte étant que cela tourne en rond.”
Lien : https://www.lescomics.fr/com..
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Top 10, tome 4 : Smax le barbare

Edité chez Semic en tant que quatrième tome de la série "Top 10", cet album est en fait un spin off autour du personnage de Smax et regroupe les cinq épisodes de la version originale «Top Ten: Smax #1-5».



Jeff Smax, l'invincible géant bleu de "Top 10", retourne sur sa planète d’origine, afin d’y assister à l’enterrement de son oncle. Profitant de sa période de convalescence, sa coéquipière Robyn Slinger, alias Toy Box, décide de l’accompagner sur la Terre Parallèle 137.



L’idée de consacrer une série parallèle à ce personnage indestructible du commissariat de Néopolis, visant à fouiller la personnalité de ce géant bleu mystérieux et torturé, est tout à fait séduisante. Lors de ce retour aux sources et à la famille, Smax se fera d’ailleurs très vite rattraper par un passé chargé d’émotions, expliquant son comportement renfermé et distant sur Néopolis.



S’il est intéressant de découvrir les cicatrices cachées de Smax, les autres flics et le décor du commissariat de Néopolis m’ont manqué tout au long de ce tome. La découverte du monde d’origine de Jeff nous plonge en effet dans un univers parallèle peuplé de fées, de trolls, d’elfes, de dragons et d’autres créatures fantastique.



Mais, Alan Moore ("From Hell", "V pour Vendetta", "Watchmen") a beau parodier le monde de l’Héroïc Fantasy, il y a des moments où on a envie de crier : «Allez Arleston, arrête de faire joujou avec le pseudo d’Alan Moore et laisse cette excellente série tranquille».



Malheureusement, cette impression persistera jusqu’à la fin de ce tome qui a certainement le mérite de dresser un portrait plus fouillé d’un personnage intéressant et d’aborder des thèmes intéressants comme la bureaucratie, la discrimination et l’inceste, mais dans un monde ridicule et au sein d’une intrigue arlestonienne plutôt ratée.



Et si le choix d’un autre dessinateur que Gene Ha pour cette minisérie dédiée à Smax le barbare et se déroulant dans un tout autre monde paraît justifiable, le résultat obtenu par Cannon Zender n’est vraiment pas extraordinaire.



Alors que Gene Ha nous livrait des arrière-plans hyper détaillés et un personnage de Smax puissant et intriguant, Cannon Zender ne soigne pas trop ses arrière-plans et nous livre un Jeff qui ressemble à un Schtroumf de 2 mètres complètement niais. Zender a beau également insérer de nombreuses allusions et références (Harry Potter par exemple) à ses vignettes, son graphisme ne m’a pas trop convaincu.



Bref, demandez à un copain de vous dire d’où vient la trace de main sur le torse de Smax et cela vous évitera de devoir lire ce moins bon tome, qui ne fait à l’origine, même pas partie de la série mère.

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Top 10, tome 2

Ce deuxième tome confirme les espoirs placés en cette série suite à un tome d’introduction confus, mais extrêmement prometteur.



Maintenant que l’on connaît mieux tous les personnages (et leurs noms de code) et l’univers original développé par Alan Moore, on peut profiter pleinement des différentes enquêtes policières, tout en continuant à se régaler de la manière dont Alan Moore fouille ses différents protagonistes.



Le dessin détaillé de Gene Ha continue de contribuer à la richesse de l’univers de Moore et à inciter le lecteur à scruter chaque case à la recherche de clins d'œil ou de personnages cocasses (StarGate SG1, les Schtroumfs, etc).



Amateurs de séries télévisées du genre ‘NYPD Blue’ : cette série est faite pour vous !
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Kaijumax, tome 4 : Scaly is the New Black

Ce tome fait suite à Kaijumax, Season 3: King of the Monstas qu'il vaut mieux avoir lu avant car il est fait mention d'un événement précédent majeur. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2018/2019, écrits, dessinés, encrés, mis en couleurs et lettrés par Zander Cannon. Il a bénéficié de l'aide de Jason Fischer pour les couleurs.



Dans le quartier des femmes de la prison Kaijumax, Gogla est en train de papoter avec Goat et deux autres détenues en leur demandant pour quel motif elles ont été incarcérées. Goat explique que sans qu'elle ne demande rien, des gens l'adorent comme une idole des ténèbres et se livrent ensuite à toute sorte de crimes, de l'assassinat à l'automutilation mortelle. Gogla s'adresse ensuite à une autre nouvelle : la docteure Zhang Xian, mais cette dernière (une méca géante) continue de sangloter à l'écart. L'administratrice Shui Roa arrive sur ces entrefaites, et les fait se rassembler. Elle leur explique que son objectif est que son équipe et elle s'occupent vraiment des détenues en prenant en compte leur personnalité et en essayant de construire quelque chose ensemble. Pendant le repas, Go-Go Space Baby, une extraterrestre enceinte et proche du terme, s'approche de Xian et Goat et lie connaissance avec elles. Leur discussion est interrompue par un brouhaha : Torgax en est venue aux mains pour remettre une autre prisonnière à sa place. Goat essaye de briser la glace avec un gardien Jin-Wook Jeong, un méca géant. Celui-ci lui répond direct qu'il ne souhaite pas entrer dans ses combines, quelles qu'elles soient.



Goat s'éloigne un peu et se fait interpeller par deux jeunes femmes Eha et Ema. Elles lui disent qu'elles la trouvent splendides et qu'elles aimeraient la présenter à quelqu'un d'autre qui la trouve splendide. Pendant ce temps-là, Xian répond aux questions du docteur Tanaka qui essaye d'estimer s'il peut lui déléguer des tâches de soin mineures. Xian répond qu'elle en serait enchantée, en lui indiquant toutefois qu'elle est bloquée à sa taille de méca géante parce que son badge déclenchant la transformation ne fonctionne pas. Eha et Ema ont amené Goat devant Queen, une mite géante, avec une mare de gelée royale à ses pieds. Sous réserve que Goat accepte d'écouter sa parole, elle l'autorise à se baffrer de sa gelée, ce qu'elle fait goulûment. Xian et Go-Go Space Baby sont en train de papoter ensemble, la deuxième expliquant à la première qu'il lui faut se faire des amies pour éviter de se faire agresser. Xian trébuche dans une cascade et tombe sur Torgax qui y voit une agression caractérisée et qui se montre très en colère. Juste avant que Torgax ne commence à tabasser Xian, l'administratrice Rao intervient, ses différents collaborateurs et elle s'étant amalgamés dans un méca encore plus géant.



De retour sur l'île qui abrite la prison de Kaijumax avec cette fois-ci la découverte de la prison pour femmes. Le lecteur se calme tout de suite parce qu'il s'agit de grosses bestioles de type lézard géant, méca géant, une créature de légende, une monstre pleine de tentacules. Aucun risque que le récit ne bascule dans l'exploitation du corps de la femme, ou ne déclenche des pulsions malsaines chez le lecteur. Du point de vue graphique, Zander Cannon reste dans le même registre que les 3 premières saisons : des dessins en apparence tout public, des formes un peu simplifiées, un peu arrondies, des couleurs chaudes sans être vives, rassurantes. Du coup, certains monstres peuvent paraître un peu ridicule : Gogla et son apparence de dinosaure en caoutchouc, Go-Go Space Baby (déjà, rien que le nom) et son allure de cocotte cristalline, Mare qui ressemble à un petit poney avec des flammes au niveau des yeux et des naseaux, Eha & Ema semblant cousines de la Fée Clochette, ou encore le concept ridicule d'un méca géant femelle (Chisato) enceinte. Au départ, cela peut faire sourire le lecteur à une ou deux reprises, mais en fait ça ne l'empêche pas de prendre les personnages au sérieux.



Non seulement les situations correspondent à des problématiques adultes, mais en plus le contraste entre certains éléments plus noirs et l'apparence tout public fonctionne très bien. Ça commence avec l'épée tendue par Lady : elle semble presque être un jouet en plastique, mais dans le même temps le regard en coin rusé de Lady fait bien comprendre qu'il s'agit d'un cadeau empoisonné, ou tout du moins porteur d'une malédiction de premier ordre. Cette dame du lac en est très consciente. Ça continue dès la page d'après avec l'évocation des malheurs de Goat, en particulier des adorateurs qui s'arrachent la peau du visage sans qu'elle n'ait rien demandé. Le dessin ne montre pas cette automutilation atroce, juste des tâches noires dans un couloir : ça suffit pour enflammer l'imagination du lecteur de bien sinistre manière. Le lecteur se rend compte que l'auteur a très bien réfléchi à son dispositif (des kaijus en lieu et place d'êtres humains normaux). Il le décline de manière visuelle, pas seulement avec la forme des personnages, mais aussi avec certaines caractéristiques révélatrices. Ainsi Go-Go Space Baby ne perd pas les eaux, mais, elle perd des cristaux. Au fur et à mesure que le dilemme moral prend des proportions incontrôlables, le dos de Jin-Wook Jeong (un méca géant) se couvre de plus en plus d'armes, de manière également incontrôlable comme un symptôme physique d'une somatisation.



Le plus fort, c'est que malgré ces énormités visuelles, le tout fonctionne bien. Kaijumax reste une prison en plein air : les monstres sont de taille géante et se reposent contre des monts, s'assoient dans des vallées. Le personnel du centre de détention est constitué d'humains pilotant des robots géants, ou de mécas (une race extraterrestre avec deux formes, celle de robot géant, et celle d'humanoïde de taille humaine). L'île est assez grande pour que chaque détenue ait son petit coin à elle, et il existe des grottes de taille imposante où elles peuvent faire leur chez elle, pour celles qui ne vivent pas exclusivement dehors. Derrière des apparences extravagantes (difficile de déterminer la plus haute en couleur, entre madame Victoria et ses yeux donnant l'impression d'énormes lunettes en plastique, ou Goat toute en tentacules), les personnages ont des postures et des expressions très parlantes, de la tristesse à la cruauté, en passant par une très large palette d'émotions. Même les yeux embués de larmes parviennent à émouvoir le lecteur, malgré leur apparence littérale (de l'eau en bas des yeux). Cette apparence très différente fait voir de nouvelle manière les situations habituelles des récits de prison : opposition larvée entre clans, trafic de drogues, chantage, espoir irraisonné du retour d'un conjoint, interruption du paiement d'une pension, et même accouchement en prison.



Zander Cannon donne des atours très fantaisistes à ses personnages, et dans le même temps développe des situations très concrètes et réalistes. Le lecteur compatit avec la docteure Zhang Xian, humaine coincée dans son corps de méca, humiliée par sa condamnation pour un crime passionnel, son estime de soi réduite à néant car elle est médecin et ne peut même pas aider le personnel médical de la prison. Go-Go Space Baby utilise une attitude bravache pour masquer sa détresse émotionnelle, et le lecteur compatit pleinement lorsqu'elle doit confier son nouveau-né à des parents d'adoption qui lui choisissent un prénom sans se soucier de la blesser. Malgré sa filiation à une mythologie de type Cthulhu, Goat déclenche l'empathie du lecteur avec son mal être bien réel. En fait, l'innocence de surface des dessins permet à Zander Cannon de pousser le bouchon assez loin. La kaiju Torgax a décidé de faire bande à part, et pour arrondir ses fins de mois afin de pouvoir acheter des produits indispensables, elle accepte de se faire lécher les cristaux d'uranium qu'elle a sur le dos. Le lecteur ressent un malaise à la voir ainsi se prostituer, malheureusement sous les yeux de son enfant, une scène d'une délicatesse bouleversante.



Zander Cannon écrit des scènes également porteuses de réflexion sociale et morale. Jin-Wook Jeong se retrouve à accepter d'aider une drôle de détenue (une légendaire, Baba Yaga) pour un petit trafic sans se rendre compte qu'il met la main dans un engrenage tout à son désavantage. Gogla ne peut que constater que Taekwon, son concubin, est libre et acclamé par la populace, pour des actions qui sont exactement identiques à celles pour lesquelles elle s'est retrouvée condamnée à la prison. L'administratrice Shui Roa met en place une politique progressiste de gestion de son établissement, ce qui se heurte aux convictions d'un de ses gardiens, mais aussi au bon vouloir très limité de certaines détenues qui ne cherchent qu'à profiter du système. Goat se livre à du prosélytisme en prison, avec un réel succès, questionnant le besoin des individus, de croire en quelque chose, ainsi que l'influence de meneur spirituel. Zhang Xian se lie d'amitié sincère avec plusieurs détenues, mais celles-ci appartiennent à un gang ce qui fait de facto Xian une personne associée à ce gang. À l'opposé d'une vision trop rose de la prison, l'auteur montre l'ambivalence du système, ses limites et les conséquences pour les individus contraints par ce système.



Après une saison trois un peu moins cohérente dans ses thématiques, Zander Cannon revient avec une saison quatre épatante de bout en bout. Le parti pris graphique public fonctionne toujours aussi bien, pour une grande facilité de lecture qui n'empêche des moments de noirceur visuelle. Il met en œuvre les conventions propres aux récits de prison de femmes, avec une vision originale, et des thèmes très adultes, certains trouvant une résonance universelle quand le lecteur considère qu'il est lui aussi prisonnier d'un système social, parfois tout autant contraignant qu'un système carcéral.
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Kaijumax, tome 3: King of the Monstas

Ce tome est le troisième de la série, et il vaut mieux avoir commencé par Kaijumax Season 1 pour en comprendre le principe et savoir quels sont les liens qui unissent les personnages. Il est entièrement réalisé par Zander Cannon : scénario, dessin, encrage, mise en couleurs, avec l'aide de Jason Fischer pour les couleurs.



En 1978, un homme court dans une forêt clairsemée. Il finit par arriver à l'abri d'une cabane, où il espère retrouver ses amis Stephen et Erik. Il leur apprend que Tom est mort, se retourne et découvre Stephen étrangement accoutré avec un cadavre ensanglanté à ses pieds. Un peu plus tard, 2 policiers de Team G.R.E.A.T. le sortent de la cabane et arrêtent le kaiju en forme de montagne dont les pensées meurtrières ont incité Stephen à massacrer ses amis. Chan, une robot géante, est chargée d'amener La Montagne à la prison haute sécurité Kaijumax. Au temps présent, la nuit, dans une des zones de Kaijumax, la Créature de la Crique du Diable (Daniel) vient se reposer non loin de la Montagne qui est endormie et sort un pétard de dessous un buisson et l'allume tranquillement. La Montagne se réveille et fait comprendre à la Créature de la Crique du Diable qu'elle ne veut pas de fumeur à côté d'elle et que la Créature doit aller se coucher. Alors qu'elle commence à obtempérer, un garde arrive indiquant qu'il veut tout le monde devant son cratère dans les dix secondes. le soir, c'est Gragga qui sert la soupe aux prisonniers, un kaiju de type lézard géant. Il commence à prendre à partie la Créature de la Cirque du Diable, à s'en moquer en lui donnant de l'herbe à manger du fait de son apparence de chèvre, et de son appartenance à une race différente de kaiju, les cryptides.



Mais un groupe de cryptides arrive avec à sa tête Skunk qui fait comprendre à Gragga qu'on ne s'en prend pas impunément à un cryptides. Puis il prend la Créature à part et lui indique qu'il a un membre de sa famille qui l'attend et que ce serait bien que cette personne lui ramène des petites choses de valeur pour les autres prisonniers. Daniel se rend à l'installation qui sert de parloir et décroche le combiné pour parler à sa mère. Il s'agit d'une femme âgée dans une robe noire stricte avec col blanc et tablier blanc. Elle lui indique qu'elle a pu venir parce que son mari lui en a donné l'autorisation. Daniel commence à expliquer qu'il aurait besoin qu'elle lui rende un petit service, mais elle lui répond que le Seigneur leur dit qu'il faut supporter les épreuves sans se plaindre, qu'il faut être fort et que le Seigneur est toujours là pour ceux qui sont là pour lui. Après la visite, Daniel va voir la docteure Zhang pour qu'elle s'occupe de la blessure de son épaule. Elle lui fait un plâtre avec une toupie à béton. Il lui demande s'il peut avoir un peu de dioxine pour atténuer la douleur. Elle refuse dans un premier temps et change d'avis grâce à Zonn, un autre kaiju.



La précédente saison avait laissé une impression impérissable dans l'esprit du lecteur, pour la quête d'un père faisant tout pour rejoindre ses enfants, pour les efforts démesurés d'un individu pour ne pas replonger dans l'illégalité, pour le directeur de prison se démenant pour que ses prisonniers soient considérés comme des individus et pas comme du bétail rétif. le lecteur est un peu surpris que cette saison trois s'ouvre avec un être humain en train de courir, mais il sourit en découvrant ce qui a causé cette folie meurtrière : un kaiju d'une race un peu différente (les cryptides) à l'apparence toujours aussi loufoque. le lecteur voit une montagne avec un cratère fumant, courte sur patte, et des bras menottés dans le dos, avec un petit nuage noir au-dessus du cratère. Pas de doute : il est bien de retour dans cet univers visuel décalé, très particulier. Les kaiju de différentes espèces sont toujours dessinés avec une approche tout public. La chèvre géante anthropomorphe est mignonne avec ses grands yeux souvent larmoyants et ses formes arrondies. Les robots géants ont des contours doux qui leur donnent une apparence de jouet pour enfant. le gros lézard qui organise le trafic de drogues est tout le temps semi allongé, comme vautré dans un fauteuil (sauf que là c'est une colline), avec une tête en triangle, une sorte de ceinture feuillue qui lui fait comme une jupette et une antenne idiote sur le crâne. La docteure Zhang se retrouve devant des lièvres lunaires aux pattes énormes, difficiles à prendre au sérieux, si on ne tient pas compte de leurs tatouages. Ce choix graphique n'empêche pas le lecteur d'apprécier la diversité des types de kaiju.



Les êtres humains sont représentés avec le même parti pris tout public, même s'ils ont maintenant 5 doigts à chaque main et plus 4. Pour autant, Zander Cannon n'en exagère pas le coté mignon, restant dans un registre semi-réaliste, y compris pour la direction d'acteurs. Derrière cette apparence simple, le lecteur constate que l'artiste est un metteur en scène formidable, sachant intégrer les différentes composantes de son récit dans un tout cohérent et fluide, avec des détails discrets et amusants. Par exemple, le lecteur sourit en voyant la docteure Zhang prendre une toupie à béton pour faire un plâtre à une chèvre anthropomorphe géante, ou les kaijus se défoncer en gobant des fûts de déchets nucléaires. le fait de découper le flanc d'une montagne avec une scie circulaire géante fait sens : une opération logique pour retrouver une preuve. L'auteur se lance dans une comédie musicale dans l'épisode 4 : une demi-douzaine de kaijus (les frères Humongo) donne une représentation aux bénéficies des autres prisonniers. Derrière les apparences décalées des kaijus tout public, et des environnements simplifiés, se trouve une narration visuelle adroite et élégante, donnant vie aux personnages, et intégrant de nombreux détails dans les différents endroits.



Comme dans les tomes précédents, l'auteur entremêle la vie de plusieurs personnages qui se croisent en fonction des situations. Dans ce tome, le lecteur suit la relation entre la docteure Zhang et l'un des prisonniers, l'histoire de la Montagne et du crime qu'elle a commis, les trafics de drogue de Zonn, la montée d'une guerre des gangs, et le sort de deux jeunes individus Daniel (la Créature de la Crique du Diable) et de Whoofy (le fils d'Ape Whale, un chef de gang décédé). Dans un premier temps, il prend plaisir à voir revenir Electrogor (personnage central dans la saison 2) et son fils Vogo, mais il s'aperçoit bien vite qu'ils ont un rôle très secondaire dans la présente saison. Finalement il s'attache plus à Daniel et à Whoofy. Zander Cannon surjoue leur aspect en donnant de grands yeux d'enfant prompt à pleur pour Daniel, et une bouche dans une moue toujours apeurée à Whoofy. Il se montre particulièrement facétieux en faisant intervenir la mère de Daniel, puis son père, plongeant dans un récit d'horreur, cette chèvre si sympathique qu'on la verrait bien en doudou pour jeune enfant. le lecteur voit donc la souffrance psychologique de Daniel qui refuse de céder à la tentation d'utiliser ses pouvoirs, qui refuse de jouer selon les règles de la prison, c'est-à-dire de se montrer aussi cruel et agressif que les autres pour atteindre une position dominante. Whoofy en devient son double inversé. Ce jeune kaiju a hérité de la position de parrain à la mort de son père, lui aussi emprisonné à Kaijumax. Il règne donc sur un gang bien malgré lui. En fait Whoofy est encore au stade de l'enfance et ne souhaite que trouver du temps seul pour pouvoir jouer. Mais il n'a d'autre choix que de prendre régulièrement place sur le fauteuil de son père, d'écouter ses principaux lieutenants et d'aller dans leur sens quand ils proposent des actions contre les kaijus d'autres espèces. Les circonstances le contraignent à jouer un rôle que beaucoup lui envient, mais qu'il serait prêt à abandonner.



La situation de Daniel est différente. Il possède un pouvoir qu'il n'utilise pas et ses parents le poussent à en faire usage pour s'imposer au sein de la population carcérale. Lui ne souhaite que rester tranquille sans son coin, quitte à subir du harcèlement de temps à autre, sans répondre. Comme dans les 2 premières saisons, Zander Cannon raconte une histoire très adulte, en dépit des apparences de ses personnages et de ses décors. Chaque personnage de premier plan est soumis à la pression du milieu dans lequel il vit, sans échappatoire possible. Il faut qu'il accepte ce qu'il en est, qu'il s'en accommode, qu'il s'y adapte avec des stratégies qui concilient les règles du milieu et ses propres aspirations. Or les règles implicites de ce milieu ne laissent pas beaucoup de choix et poussent les individus dans leurs retranchements s'ils veulent survivre : les compromis à faire sont toujours en faveur du système, et en défaveur des individus qui sortent du moule. Bien vite, le lecteur apprécie que les dessins gentils compensent la noirceur terrible du propos.



Cette troisième saison est dans la droite continuité des 2 précédentes, avec les mêmes caractéristiques tout public de la narration visuelle, et la même intelligence discrète. le récit se déroule essentiellement dans la prison de Kaijumax avec beaucoup moins de scène d'extérieur que dans la saison précédente. En fonction de ses préférences, le lecteur peut trouver ce récit choral est tout aussi riche et bien mené que les 2 autres saisons, ou il peut trouver certains fils narratifs déplacés, comme le spectacle de comédie musicale, ou le voyage de Kang (le directeur de prison) pour aller informer la famille de Chan, la policière disparue.
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Kaijumax, tome 2 : The Seamy Underbelly

Ce tome fait suit à Kaijumax Season 1 (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les 6 épisodes de la saison 2, initialement parus en 2016, écrits dessinés, encrés, mis en couleurs et lettrés par Zander Cannon. Il a été aidé à la mise en couleurs par Jason Fischer. Il se termine par un texte de 2 pages dans lequel l'auteur explicite ses intentions.



Le kaiju Humongo Rouge est en probation et il est en train d'appeler son employeur pour lui indiquer qu'il va bientôt se mettre en route pour se rendre à sa journée de travail. Il entend frapper à sa porte et il va ouvrir : contre son gré, il laisse entrer son frère Humongo Vert et Electrogor, deux kaijus en cavale, s'étant échappés de la prison haute sécurité Kaijumax. Une vive discussion s'engage entre les frères Humongo : Rouge ne veut pas qu'il reste car il risque de réduire à néant ses efforts de réinsertion, Vert essaye plusieurs arguments. Il fait d'abord observer à Rouge qu'il vit dans un taudis et qu'il ferait mieux de se remettre aux affaires illégales, mais Rouge ne veut rien entendre. Ensuite il en appelle aux liens de la famille : il obtient de pouvoir rester planqué chez son frère pour la journée, mais lui et Electrogor doivent être partis dès que le jour décline. Dans une lettre, Chisato Denki raconte sa journée à son frère, dans le service de police spécialisé dans les interventions impliquant des kaijus. Elle a été assignée à un nouveau partenaire : l'officier Kuromizu. Ils se préparent à intervenir sur le terrain. À Kaijumax, le détenu Mechazon lit avec attention la lettre de sa sœur.



Dans un bar sur la Lune, Jin-Wook Jeng est en train de descendre des verres, en solitaire. Il est abordé par Gork, le patron, qui commence à papoter avec lui. Il a reconnu en lui un policier, Jeong rectifie qu'il était gardien de prison. Gork lui refile une pile de jetons pour le casino, gratos. De fil en aiguille, il lui explique qu'il aurait besoin d'un type costaud qui s'assure que le calme règne dans le casino, et qui de temps en temps mette à la porte les trouble-fêtes. Jeong le remercie poliment pour son offre, mais décline son offre de jetons et son offre d'emploi. Sur Terre, Humongo Rouge est arrivé au boulot : il se fait houspiller par son chef qui le traite de bon à rien, et qui lui file un boulot qui consiste à remplacer la grue en panne. Rouge se rend sur le chantier pour accrocher les 6 plaques avec du texte. Dans un autre quartier de la ville, Kuromizu est en train de prendre un café dans le poste de pilotage de Chisato : ils papotent du frère de Chisato qui est incarcéré à Kaijumax, Kuromizu a une idée bien arrêtée sur les kaijus criminels : des lâches et des drogués, incapables de toute réhabilitation, de toute réinsertion sincère.



La première saison avait déstabilisé le lecteur par ses partis pris tranchés : des dessins parfois enfantins, une existence des kaijus (monstres gigantesques japonais) et un fond de série policière, avec des moments dramatiques adultes. Il retrouves les mêmes caractéristiques visuelles tout public. Les monstres et les méchas de Zander Cannon font plutôt sourire, et sont dépourvus de fibre horrifique. La plupart ne dispose que de 4 doigts à chaque main, sauf quand Cannon décide de dessiner le cinquième sans raison apparente. Humongo Vert mesure plusieurs étages de haut et donne l'impression d'être couvert d'une sorte de boue verte. Humongo Rouge a la même taille, mais recouvert d'une boue informe rouge, ou peut-être de feuillages rouges, les traits de texture étant si lâches et imprécis qu'il n'est pas possible de se faire une idée claire. Electrogor a conservé la même apparence que dans la première saison, un croisement entre une larve larmoyante et un insecte avec une grosse moustache et une antenne cassée sur le crâne. Goat ressemble à une masse d'une dizaine de tentacules épais avec deux ou trois ventouses violettes sur chaque, et un crâne avec une forme évoquant celui d'une chèvre. Son compagnon Cuttle a une forme anthropoïde verte avec des petits pieds, des petites ailes dans le dos et des tentacules devant la bouche, dans une parodie de Cthulhu. Ces kaijus donnent l'impression d'une représentation enfantine, mais avec une cohérence du début jusqu'à la fin.



Les autres éléments visuels sont également frappés du coin de cette représentation comme vue par des yeux d'enfants. Les méchas ne laissent pas le lecteur bouche bée devant leur puissance de feu, ou devant la plausibilité de la technologie mise en œuvre, ni même devant les manœuvres spectaculaires qu'ils effectuent. L'artiste reprend la même apparence ridicule pour Mechazon, avec ses chenilles qui lui font comme une jupette idiote au niveau de la taille. Chisato donne l'impression d'avoir du rouge à lèvres et du rose pour rehausser ses pommettes, sur le carénage de sa tête. Les immeubles sont représentés de manière simpliste, ce qui a pour avantage de ne pas trop attirer l'attention du lecteur sur l'absurdité de monstres d'une hauteur de 10 ou 20 étages en train de se balader entre eux. Le degré de naïveté des dessins assure la compatibilité des kaijus avec un milieu urbain dense. Le lecteur prend cet élément comme une licence poétique et accorde bien volontiers la suspension d'incrédulité consentie nécessaire, comme s'il s'agissait d'une histoire pour enfant. D'ailleurs Zander Cannon indique dans sa postface que les détails techniques de la présence des kaijus en milieu urbain ne l'intéressent pas, que ce n'est pas le sujet de sa série.



L'apparence tout public et parfois enfantine des dessins s'accompagne d'une narration visuelle compétente et chaleureuse en certains endroits. L'apparence des personnages fait que le lecteur leur accorde un capital sympathie d'office. Le récit se déroule en plusieurs endroits et les dessins donnent chaque fois une bonne idée de l'environnement : la zone où se trouve l'habitation de Humongo Rouge, le chantier correspondant à son lieu de travail, le bar lunaire, les zones naturelles de Kaijumax, le poste de pilotage d'un mécha, la salle de contrôle de Denki Robotics, la zone sous-marine où Electrogor trouve refuge, les bureaux du commissariat de Tokyo, le vide de l'espace. La direction d'acteurs est adaptée au reste des caractéristiques : des expressions de visage un peu appuyée pour les adultes, très appuyées pour les enfants, légèrement marquées sur le visage des méchas, des mouvements un peu patauds pour les kaijus exprimant leur caractère un peu immature. S'étant habitué à ces particularités au cours du premier tome, le lecteur les retrouve avec plaisir dans le deuxième. Il sait aussi que sous ces dehors tout public, l'auteur aborde des thèmes adultes.



Comme dans le premier tome, Zander Cannon a construit sa deuxième saison autour de plusieurs personnages, la plupart déjà présents dans le premier. Le lecteur retrouve Electrogor toujours en cavale et à la recherche de ses enfants, le directeur de la prison Jae-Yoon Kang, le robot policier Chisato et son frère Mechazon. Il suit la cavale d'Electrogor, les interventions policières de Chisato, les doutes de Jin-Wook Jeong. Le récit réserve donc des séquences de nature très différente depuis un affrontement entre kaijus, à un affrontement entre kaijus et méchas, en passant par une inspection de la reconstruction de Kaijumax par l'administratrice Nobuko Matsumoto, ou encore les retrouvailles entre un père et ses enfants livrés à eux-mêmes. Comme dans le premier tome, Zander Cannon développe des thèmes inattendus avec son histoire de monstres improbables qui détruisent des immeubles au Japon.



Humongo Rouge fait tout pour se réinsérer dans la société comme un bon kaiju. Il ne peut pas accepter que son frère en cavale réside chez lui. Dans le même temps, il doit ravaler sa fierté jour après jour et accepter de garder son calme et de faire bonne figure face aux humains condescendants et insultants, pétris de préjugés contre les kaijus, avec un comportement animé par un racisme ordinaire et inconscient. Chisato se conforme aux exigences sociales qui veulent qu'elle conserve un lien avec son frère, même si celui-ci est malfrat purgeant sa peine en prison. Elle est ensuite confrontée au fait que leur père a vraisemblablement été empoisonné, mais qu'elle ne peut rien prouver et que le coupable est à l'abri de la justice. Electrogor se retrouve à vendre la drogue que génère son corps pour pouvoir rejoindre ses enfants, continuant à se comporter de manière illégale, faute d'alternative. Il est témoin de maltraitance conjugale et intervient sans que cela n'apporte de solution, ni même d'amélioration. Il est rongé par la culpabilité d'avoir laissé ses enfants seuls quand il a été incarcéré, par l'angoisse de savoir ce qu'ils sont devenus, par la peur des retrouvailles et des potentiels reproches. Jae-Yoon Kang, le directeur de la prison Kaijumax, doit faire face à une inspection, et l'administratrice Nobuko Matsumoto a des convictions personnelles très arrêtées sur la capacité des prisonniers à se réformer, incompatibles avec celles de Jang. Il s'en suit des actes et des échanges verbaux construisant une réflexion intelligente sur les enjeux de l'incarcération.



En renfermant ce tome, le lecteur sait qu'il reviendra pour les saisons suivantes. La narration visuelle donne l'impression d'une bande dessinée tout public avec des monstres en plastique pour enfants. La lecture produit un effet très différent. Zander Cannon a conçu une saison qui peut quasiment se passer de la lecture du premier tome. Il a construit une narration qui entremêle élégamment la vie de plusieurs personnages, comme dans les meilleures séries télé. Il insuffle une réelle personnalité à chacun d'eux, montre comment ils sont façonnés par leur histoire personnelle et leur milieu, comment leur parcours de vie entre en résonance avec des questionnements sociétaux et existentiels complexes.
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Kaijumax, tome 1

Le dessin chaleureux et l’aspect bonhomme des personnages de Kaijumax ne laisse en rien présager de la teneur du récit, qui recèle une satire féroce de notre monde contemporain.
Lien : https://www.avoir-alire.com/..
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Kaijumax, tome 1

Davantage que de rendre hommage aux fictions carcérales et au tokusatsu (le cinéma d’effets spéciaux japonais), l’Américain Zander Cannon livre ici une fable sociale acide et une parodie subtile sur les minorités et la discrimination.
Lien : https://www.lemonde.fr/criti..
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Kaijumax, tome 1

Kaijumax est une valeur sûre pour tout amateur de Comics moderne déjanté et désopilant. Les éditions Bliss Comics prouvent qu’ils peuvent étendre leur statut, et cela même en dehors de leurs héros-phares de l’univers Valiant.
Lien : https://www.actuabd.com/Reto..
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Kaijumax, tome 1

En douze chapitres et près de 300 pages, Zander Cannon livre une fresque d'une cohérence sans faille et d'une densité énorme. Un vrai comics de la scène indépendante qui divertit autant qu'il questionne
Lien : https://www.bdgest.com/chron..
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Kaijumax, tome 1

Prenez Oz et Godzilla, mélangez très fort et vous obtenez cette étrange série, dont deux saisons sont regroupées ici en un volume mastodonte de 360 pages.
Lien : http://www.bodoi.info/kaijum..
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Kaijumax, tome 1

C'est donc une incroyable opportunité qui nous est offerte avec cet album, découvrir l'une des séries les plus passionnantes du moment, les plus originales aussi, même si, en creusant, elle rebondit très adroitement sur une sorte de mélange entre Oz et Godzilla !


Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Kaijumax, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2015, écrits dessinés et encrés par Zander Cannon. Les fonds de couleurs ont été réalisés par Jason Fischer, et la finition des couleurs par Cannon. Ce dernier est connu pour avoir réalisé les dessins de Top 10 d'Alan Moore, en collaboration avec Gene Ha, et pour avoir illustré Smax également d'Alan Moore.



En fait les gros monstres japonais des films des années 1950 et 1960 existent bien. Ils ont du mal à cohabiter avec les humains, surtout parce qu'ils détruisent souvent des villes et qu'ils émettent des radiations nocives. Le Japon a donc créé une force spéciale pour les capturer et les mettre en détention sur une île appelée Kaijumax (d'après le nom Kaiju qui désigne les films avec des monstres détruisant des villes dans le cinéma japonais). Cette île-prison est gérée par un groupe d'individus ayant la capacité de se transformer géant avec des pouvoirs pour raisonner les monstres. Le directeur s'appelle Kang, il est assisté par Ajit Gupta, Chau, Jeong, Mariko, Zhand (docteure). Ils sont assistés par l'intelligence artificielle Keiko (une sorte de sphère flottante), et sous la tutelle de la directrice Matsumoto.



Alors que le récit commence, une nouvelle fournée de prisonniers arrive sur l'île dont Electrogor, et la Créature de la crique du Diable (une chèvre plus ou moins anthropomorphe). Les nouveaux arrivants font vite la connaissance des anciens, à commencer par Mecha-Zon, le chef spirituel de la communauté des robots géants, qui a décidé de renoncer à la violence, Ape-Whale (le parrain de plusieurs races de monstres) et son fils Whoofy, le prince Zlook, ou encore Frankie (qui improvise des chansons de rap). Eloctrogor constate que la Créature de la crique du Diable s'est faite tabasser, lui-même se retrouvant la victime d'un odieux chantage. En outre, l'un des gardes trafique pour couvrir ses dettes de jeux, en assurant l'approvisionnement en drogues des détenus (essentiellement en uranium enrichi).



En 2015, de nombreux critiques ont encensés cette nouvelle série comme étant un joyau d'inventivité et d'humour. De fait le point de départ est original avec cette prison adaptée aux monstres japonais du vingtième siècle, nés de la peur de la bombe atomique. En découvrant la couverture et les dessins des pages intérieures, le lecteur éprouve quelques difficultés à cerner à qui s'adresse cette série. En effet Zander Cannon a pris le parti de dessiner des monstres mignons, avec un degré de simplification qui s'adresse d'habitude aux enfants. Il s'agit de monstres qui font honneur au côté bricolé des monstres de caoutchouc apparaissant dans les films kaijū. Ils semblent avoir été conçus par un enfant, avec une carapace dure et jaune vif, ou avec une toison toute blanche, avec des amas globuleux, un feuillage des plus rudimentaires, etc. Le summum est atteint avec Mecha-Zon dont les chenilles donnent l'impression de former une jupette métallique autour de sa taille.



Il est donc impossible de prendre au sérieux l'apparence de ces monstres, non pas qu'ils ressemblent à des acteurs ayant revêtu un costume en caoutchouc, mais parce qu'ils semblent avoir été dessinés par des enfants. Ils arborent en plus des expressions enfantines sur leur visage, avec parfois des yeux brillants et tous ronds qui peuvent littéralement s'emplir de larmes. Leur langage corporel est plus pataud que menaçant, leur apparence est ridicule, et leurs émotions transparaissent sur leur visage sans aucune retenue. Les êtres humains sont dessinés avec le même degré de simplification que dans un dessin animé à destination de la jeunesse. Leur contrepartie géante quand ils ont actionné leur costume s'inscrit dans le même registre. Le registre de leurs émotions est un peu plus large que celui des monstres et un peu plus adultes.



La majeure partie des séquences de ce tome se déroule sur l'île de Kaijumax qui a droit à son plan sommaire en fin de recueil. La représentation des décors est en phase avec celle des personnages : simplifiée. L'artiste représente des plaines désertiques ou recouvertes d'herbe, avec des petites montagnes formant des cirques, et quelques volcans. Les monstres s'assoient sur les volcans, se douchent sous les chutes d'eau, s'adossent aux montagnes pour se reposer. Il y a quelques canyons qui permettent de passer d'un cirque montagneux à l'autre. Au cours de ces épisodes, le lecteur peut également voir l'énorme puits circulaire creusé pour servir de cellule d'isolement, une autre île avec une ville jonchée de décombres après avoir été dévastée par un monstre, un casino extraordinaire sur la Lune et le poste de commandement des gardiens du centre de détention pénitentiaire. Il n'y a donc pas beaucoup de changements de lieu.



De la même manière, il y a peu d'accessoires, les kaiju étant des animaux monstrueux qui utilisent tout au plus un verre et une sorte de plateau pour poser leur nourriture quand elle prend une forme solide. Le plus étonnant dans ces accessoires reste ce qui leur sert pour la musculation dans le premier épisode (mais il n'en est plus questions dans les épisodes suivants). Les êtres humains utilisent un peu plus d'objets et d'outils en particulier des vaisseaux pour se déplacer d'une île à l'autre, ou un navire maritime. Là encore, le lecteur a l'impression de contempler des jouets en plastique pour enfants en bas âge. L'ensemble de la conception graphique donne l'impression d'un récit à destination d'un jeune public, sans beaucoup de détails, mais avec une forte identité visuelle pour chaque personnage.



Du coup le lecteur se retrouve dans un état d'esprit où il s'attend à un récit inoffensif pour enfant, avec des blagues sur les monstres. Effectivement, l'auteur fait preuve d'une bonne connaissance sur les conventions propres aux kaiju et le lecteur adulte sourit aux sous-entendus sur les radiations, ou les volcans. Néanmoins ces monstres sont loin d'être des incarnations de forces naturelles comme ils peuvent l'être dans leurs films d'origine. Quand dans le premier épisode, Electrogor évoque ses enfants qu'il a dû abandonner lorsqu'il a été capturé, le lecteur y voit une grosse ficelle tire-larme. Effectivement, ce monstre se plaint régulièrement de ce qui a pu arriver à ses enfants livrés à eux-mêmes, mais le scénariste ne les montre pas en pleine détresse. Toujours dans ce premier épisode, Eletrogor subit un chantage odieux d'un autre prisonnier, à nouveau une façon de jouer sur la corde sensible du lecteur. La philosophie pacifiste de Mecha-Zon ne semble avoir été intégrée que pour créer un moment de détente comique.



C'est donc un peu déconcerté que le lecteur avance dans le deuxième épisode où il est question de trafic de drogue sur Kaijumax, avec des détenus qui se défoncent pour pouvoir supporter ces longues journées d'inactivité. Il voit avec stupeur qu'un des prisonniers est salement amoché après avoir été tabassé. Il comprend que l'un des gardiens deale de la drogue pour payer ses dettes de jeu. Il se produit une dissonance narrative irréconciliable entre cette apparence mignonne et inoffensive, et les actions de quelques personnages. Il est difficile de prendre au sérieux ce manque de moralité et cette dépravation sous-jacente, alors que les images correspondent toujours à une histoire pour enfant.



La situation va en s'aggravant dans l'épisode 3, avec un dilemme moral terrible pour Mecha-Zon, un petit doigt coupé, une mise à mort d'une soudaineté imprévisible. Décidément le lecteur doit revoir ses a priori sur cette série. Il s'agit bien d'un hommage aux films kaijū, mâtiné d'un récit de genre, celui qui correspond aux films de prison. Ces monstres à l'allure inoffensive et amusante sont des détenus qui sont sans pitié entre eux, les plus forts asservissant les plus faibles, les manipulant, les spoliant, en abusant. Zander Cannon n'hésite pas à intégrer un monstre enfant qui est lui aussi victime d'une machination aux conséquences traumatisantes. Il faut un peu de temps pour que le lecteur révise son jugement et recalibre sa façon de comprendre le récit. Visuellement les monstres restent toujours aussi inoffensifs, mais leurs comportements le sont beaucoup moins. À partir de l'épisode 4, les personnages acquièrent une dimension tragique. Les manipulations diverses et variées ont des conséquences sur les victimes, générant une empathie pour le lecteur. Le récit passe d'un conte vaguement amusant par ses références, à un drame réellement inquiétant.



Pour prendre la mesure de la nature de ce récit, il faut dépasser la première moitié de ce tome. Zander Cannon a adopté une esthétique évoquant un ouvrage à destination d'enfants de moins de 10 ans, sans aller jusqu'au mièvre. Du coup les agissements des monstres et des gardiens semblent sans réelle conséquence, pas toujours raccord avec la situation, mais tout finira bien par s'arranger. À partir de l'épisode 2 le lecteur ne peut plus ignorer des agissements en dissonance totale avec ce qui est montré. Avec l'épisode 3, le doute n'est plus permis : ce récit est plus un hommage aux films de prison qu'aux films kaijū. Une fois cette méprise levée, il apparaît que l'auteur maîtrise les conventions des 2 genres et que l'intrigue est noire à souhait (même si les dessins, eux, restent sympathiques et riants). 4 étoiles pour un récit qui nécessite un temps certain avant de révéler sa saveur réelle. Alors qu'au bout de 2 épisodes le lecteur avait acquis la certitude qu'il s'arrêterait au premier tome, à la fin il se dit qu'il aimerait connaître la suite et qu'il reviendra pour la deuxième saison.
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Top 10, tome 4 : Smax le barbare

Ce tome regroupe les 5 épisodes de la minisérie de 2003/2004. Il s'agit d'une histoire qui se déroule après Top 10 : Bienvenue à Neopolis (épisodes 1 à 6) & La rue nous appartient (épisodes 7 à 12). Pour mémoire il existe également un prologue à Top 10 : The Forty-Niners.



Robyn Slinger a encore une jambe dans le plâtre, mais elle accepte d'accompagner Jeff Smax (de son vrai nom Jaffs Macksun) dans sa dimension d'origine pour lui soutenir le moral lors de l'enterrement de son père adoptif. Smax est originaire d'une dimension à base de magie où ni la science, ni la technologie ne fonctionnent. Ce retour au bercail est l'occasion pour Jeff de raconter son enfance (qui sort de l'ordinaire, même pour un être mi-ogre, mi-humain), de retrouver sa sœur Rexa et de revenir dans la maison où il a grandi. Conformément aux traditions des récits de Sword & Sorcery, Smax devra également accomplir une quête particulièrement significative pour lui.



Le début de cette histoire désarme par son innocuité, sa gentillesse et son manque d'ambition. Alors qu'il fait ses bagages, Smax rabroue son épée dotée de conscience qui n'arrête pas de chanter ("Dancing Queen" d'ABBA par exemple). Il l'enveloppe pour le voyage et la somme de se taire d'un ton qui ne souffre pas la réplique. C'est l'archétype du héros bougon et sans une once d'humour. À ses cotés, Robyn respire la bonne humeur, la tolérance et l'entrain. Le style de Zander Cannon (qui s'encre lui-même dans le premier épisode, puis est encré par Andrew Currie pour les 4 suivants) est enfantin, léger, tout en restant détaillé. La cinquième page rappelle quand même au lecteur qu'il s'agit bien de la même équipe qui est à l'origine de Top 10 quand il remarque incidemment une silhouette de dos qui porte une ressemblance marquée avec Death des Endless de la série Sandman de Neil Gaiman.



Effectivement, au fil des épisodes, la liste des figurants officieux de luxe s'allonge : le robot de Metropolis de Fritz Lang, Groo, les trolls aux cheveux à coiffer (gadget inclus dans les paquets de céréales Cheerios), Harry Potter, Tarzan, Dennis la Menace, Casper le gentil fantôme, Winnie l'Ourson, etc. La liste est vraiment très longue, Cannon s'en donne à cœur et très discrètement pour ne pas attirer l'attention des propriétaires des droits intellectuels des personnages. Moore et lui insère aussi bien des clins d'oeil à des personnages de comics, qu'à des personnages populaires de récits pour enfants.



Moore et Cannon (peut être plus Cannon que Moore d'ailleurs) reprennent l'un des composantes de Top 10 : des clins d'œil furtifs ajoutant un petit plaisir pour ceux qui les reconnaissent, mais sans conséquence pour ceux qui ne les connaissent pas. Cannon utilise un style faussement naïf qui se caractérise par des visuels très jolis, mais aussi par un soin apporté au détail qu'il s'agisse des décors ou de la conception visuelle des personnages. Par exemple, le peuple des nains joue un rôle important dans le récit. Cannon ne se contente pas d'un ersatz de nain gentillet copié sur le modèle de Blanche Neige de Walt Disney. Il compose des petites silhouettes avec une tenue vestimentaire rustique (sans être moyenâgeuse) et des têtes un peu trop grosses pour le corps. Si l'apparence générale peut apparaître enfantine au premier coup d'œil, la lecture des dessins est un vrai plaisir de narration séquentielle et de références.



De son coté Alan Moore s'offre un récit simple qui joue avec les codes et les poncifs du genre Sword & Sorcery. Tous les clichés sont présents et Moore s'amuse à mettre en évidence l'artificialité de ces codes. Mais il le fait sans méchanceté, sans volonté de nuire. En fait il raconte avant tout une histoire qui respecte ces conventions propres à ce genre et il déroule son récit jusqu'au bout au premier degré. Mais en même temps, il adopte un ton pince sans rire qui lui permet de développer des situations flirtant avec l'absurde, ou le retournement des stéréotypes. Sa narration rappelle celle de Terry Pratchet dans Les annales du Disque-Monde. D'ailleurs la Mort elle-même revêt deux incarnations très humaines différentes, dispositif que Pratchet utilise également.



Cette histoire est avant tout celle de Smax qui doit se confronter à l'un de ses échecs et au choix de vie qu'il a fait, à savoir s'exiler à Neopolis et abandonner sa dimension (son pays d'origine). Cet individu stoïque, attaché à son sens du devoir devient page après page, sous les yeux du lecteur, un individu plus complexe, plus développé, très attachant. Moore évite de jouer sur la dimension psychanalytique des contes de fées (même s'il est possible de la distinguer), par contre il n'abandonne pas le thème de fond de Top 10 : le droit à la différence culturelle et la tolérance allant de pair avec la vie en société.



Sous des dehors de récit léger et facile (tant sur le plan visuel que sur le plan narratif), Alan Moore et Zander Cannon raconte un conte de fées lisible aussi bien par les enfants que par les adultes. Il s'agit certainement d'une des créations les plus lumineuses d'Alan Moore et des plus accessibles. Toutefois il ne sacrifie rien de sa rigueur scénaristique, ni de sa volonté de dire quelque chose sur la condition humaine.
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La Faute ...😉

" Déjà il rêvait d'une thébaïde raffinée, à un désert confortable, à une arche immobile et tiède où il se réfugierait loin de l'incessant déluge de la sotise humaine ".

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Sottise, plutôt que sotise
Tébaïde, plutôt que thébaïde

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