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Critiques de Álvar Núñez Cabeza de Vaca (9)
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Relation de voyage

Nous connaissons les pires conquérants du Nouveau monde- Hernan Cortés, le sinistre Pizarro, ou bien les pires aventures vécues par les espagnols ( Cf José Juan Saer , l'Ancêtre). Nous ne connaissons pas, en France, celui (sans doute le seul avec de las Casas) qui pourrait nous donner une autre idée de ces expéditions militaires ordonnées par Charles Quint.

Du voyage ne résistent déjà en général qu'un tiers : cyclones, tempêtes, pirates, pluies torrentielles, rixes, maladies et faim déciment le aventuriers avant qu'ils ne débarquent sur le sol transocéanique.

Cabeza de Vaca (Tête de vache, nom qu'il a hérité de sa noble famille andalouse) appartient au corps d'armée de Pánfilo de Narvaèz ( borgne après son duel avec Cortès, mais pas moins cruel) . Il quitte Sanlucar de Barrameda, (après Colomb et après Magellan) en 1527.

Après de multiples naufrages, l'arrivée sur les côtes de Floride, essais de marcher sur la terre ferme, puis re-naufrages, la perte de son équipage de six cent hommes, où il fait office de trésorier et officier ( aguacil) est absolue.

Ils sont quatre survivants.

Survivant est le mot exact, car il est recueilli par des Indiens, qui peuvent lui offrir de la nourriture, ou au contraire la lui refuser.

Innocemment, il confie : « L'indien à qui j'appartiens » Voilà, d'hidalgo grand d'Espagne, Alvar est devenu esclave.

Il ne se plaint pas, d'ailleurs. Parfois, il mange des rognures de peau ou de figues de barbarie. Il a froid, il est nu, il a faim, il le dit et redit dans toutes les pages de sa Relation envoyée à l'Empereur Charles Quint : il a faim.

Et il marche, il s'enfuit parfois si son maitre le maltraite, il devient ensuite marchand colporteur, de pierres et de métaux. Mais toujours au bord de l'inanition.



Quel est l'intérêt qu'a Cabeza de Vaca d'envoyer son journal, écrit en 1542 après son retour en Andalousie, d'une expédition ratée à l'Empereur ? Il n'a pas rapporté d'or, il n'a pas conclu des accords (même et surtout sanglants comme ses prédécesseurs), il n'a pas converti à la religion catholique les peuples jugés barbares. Il n'a rien gagné.

Dans sa préface, Yves Berger parle d'ordalie. Pire qu'une odyssée, une ordalie : quand toutes les forces de la nature et tout le pouvoir divin se liguent contre vous.

Dies Irae.

Mais Ordalie qui durera six longues années.



il dit : oui, mais j'y ai été.



Et il est effectivement témoin des moeurs de ces Indiens dont les villages sont très différents les uns des autres. Il apprend six langues, il observe, il survit.

C'est un ethnologue.

Avec un parler naturel, pas du tout redondant ni romanesque, Cabeza de Vaca m'a beaucoup émue : il traverse ses péripéties avec hauteur, il est au-dessus., il es grand dans sa tête même s'il est nu. Il a compris une fois pour toutes qu'il n'y a pas de bons sauvages, ni de mauvais non plus. Ce sont des hommes, avec chacun leurs valeurs. Par exemple, lorsque certains indiens apprennent que des survivants espagnols se sont mangés les uns les autres, ils sont tout à fait révulsés.

Ces mêmes abandonnent leurs fils et tuent leurs filles, trop de bouches à nourrir.

Non seulement il ne convertit pas, même si il fait croire ( à Charles Quint, à l'Office qui pourrait le condamner au bûcher à son retour ?) qu'il a guéri en faisant le signe de la croix , mais, de plus, finalement, il devient chamane.

Ce sont les Indiens qui, à la fin de son Odyssée, lui offrent des turquoises, des émeraudes et des plumes de perroquet. Il n'est plus le petit ex-conquérant naufragé et mis en esclavage. Il n'est plus le colporteur. Il n'est plus l'ethnologue, étudiant l'Autre avec attention. Il est avec les Indiens, il a les pouvoirs d'un chamane, il peut intervenir auprès des Espagnols pour qu'ils arrêtent leurs inutiles massacres.

« Il me fallut du temps pour m'habituer à porter des vêtements, et nous ne savions dormir que par terre. »

Du Je, identification à un groupe social foncièrement différent des autres, les étrangers, Cabeza de Vaca passe à la désobéissance des ordres de Pánfilo de Narvaéz , puis rompt définitivement avec « les chrétiens ». Lorsqu'il dit « nous », cela signifie les Indiens avec qui il a fait, mine de rien, sept mille kilomètres d'Est en Ouest de l'Amérique du Nord.

Ainsi que le souligne Tzvetan Todorov, ( la conquête de l'Amerique) Cabeza de Vaca est le seul explorateur à avoir instauré une ethnologie intérieure, pas une description de l'Autre comme s'il était un insecte.

Un chaman.

Je n'arriverai jamais à finir : ce texte simple, littérairement moderne, son odyssée qui ne s'est pas du tout bien terminée, son chemin intérieur sont émouvants malgré et par l'oubli où est tombé ce grand homme. Restent de lui une statue devant le Musée Archéologique de Jerez de la Frontera, où il est né. Et une autre statue de lui, en armure, à Houston. Et les mots d'Yves Berger : « Même pas un nom, Cabeza de Vaca, alors qu'il devrait flamber. Il flambe pour moi, habité que je suis par ses courses, son exemple, ses Indiens, son mystère. Flamber pour lui, c'est la grâce que je vous souhaite ».

Si une personne au moins lit ce texte et flambe, j'arrêterai de pleurer.

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Relation de voyage

Difficile de "critiquer" une telle oeuvre.



C'est à la fois une aventure passionnante et une histoire vraie, et rien que savoir cela, perso, ça me coupe toute envie de juger quoi que ce soit.



J'ai donc juste lu ce livre pour ce qu'il est, à savoir la "relation" de l'aventure absolument incroyable de Alvar Nunez Cabeza de Vaca à son roi, que dis-je, son empereur, Charles Quint...



Parti en conquistador, à l'aune de Cortès ou Pizarro, notre héros (car c'en est un, bien réel) fait preuve d'un instinct de survie phénoménal.

Qualifié de "premier ethnologue" qui a vécu "comme et parmi" les Amérindiens pendant plusieurs années, dans la très intéressante introduction de messieurs Auzias et Lesfargues, Cabeza de Vaca s'avère, au final, d'une humanité rare à l'époque.

Arrivé en Floride, il repartira, bien des années (8 ans) et des avatars plus tard, de Mexico...



Evidemment il s'est mis en vedette, évidemment il essaie de ne pas éveiller les soupçons de l'inquisition, évidemment...

C'est à lire impérativement dans son contexte.



J'ai été juste fascinée par cette résistance, cette capacité à rebondir, à devenir, au final, des "chamanes blancs" parce que c'est exactement ce qu'ils sont devenus, les 4 survivants sur les 600 partis pour cette expédition dirigée par le malchanceux (et peu avisé) Pànfilo de Narvàez...



A lire absolument par tous les passionnés d'Histoire et d'exploration, d'Amérindiens natifs, etc...



Ce qu'il manque dans le livre : une carte du périple, que vous trouverez ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%81lvar_N%C3%BA%C3%B1ez_Cabeza_de_Vaca

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Relation de voyage

C'est une extraordinaire aventure qu'a vécue ce conquistador, passé malgré lui quelques années du côté des indiens , après la déconfiture de sa propre expédition. A la façon d'un ethnologue, il nous fait découvrir ces peuplades du sud des futurs Etats unis vues par un chrétien du 16 ème siècle plus ouvert que la moyenne. Le document est très intéressant mais c'est un carnet de voyage, un rapport d'activité pour l'administration royale qui l'a envoyé, pas un roman ni un essai. De ce fait, la forme est un peu fastidieuse et on regrette par moment les constats répétitifs un peu secs, sans réflexion sur le contexte, ni analyse plus fouillée. Mais ce n'était pas la finalité de ce texte pour lequel l'auteur n'était pas toujours libre, notamment pour ne pas enfreindre les règles impérieuses de la religion.

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Relation de voyage

Alors voilà une petite pépite. Presque un secret.

L'histoire de Cabeza de Vaca est incroyable, je ne suis même pas sûre qu'un romancier aurait pu l'inventer.

Parti avec un équipage de plusieurs centaines de conquistadors partis chercher la fontaine de jouvence (!), ils font naufrage au large de la Floride, à une époque où on ne sait même pas ce qu'est la Floride, ni le golfe du Mexique. Ils sont 4 survivants. Et ils mettront près de 10 ans pour croiser sur leur route un européen. 10 ans d'une vie de nomade hallucinante, la traversée d'un continent qui n'existe plus, l'Amérique pré-colombienne. Ce récit est captivant, bien qu'écrit au milieu du XVIe siècle il s'avère très facile d'accès. On s'accroche à cette histoire, on se cramponne, on est incrédule. Une histoire superbe, sans morale, sans excès, sans fioriture. Une histoire vraie. Un des meilleurs récits relatifs à la "conquête" de l'Amérique. Superbe à tous points de vue. à noter qu'un film a été réalisé dans les années 90, qui apporte une vision quasi chamanique de cette épopée. à voir également.
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Relation de voyage

En l’an de grâce 1528, trois cent hommes sous le commandement de Panfilo de Narvaez débarquent sur la côte de Floride. C’est l’une des premières incursions des conquistadors sur le continent nord-américain. Cette expédition se révèlera être une catastrophe, puisque seuls quatre hommes en réchapperont vivant : Alvar Nuñez Cabeza de Vaca (l’auteur de ce récit), Alonso del Castillo, Andre Dorantes et son esclave africain Estebanico (précisément, le même Esteban qui, en 1539, sous les ordres du vice-roi de la Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza, partira à la recherche de sept légendaires cités dans l’actuel Nouveau-Mexique).

Ce récit de Cabeza de Vaca est vraiment très bien et a une valeur particulière par rapport aux autres récits qu’on peut lire sur la conquête de l’Amérique. D’abord, à cause du côté tragique de cette expédition. Ensuite, parce qu’il est le témoignage d’un homme qui a eu l’occasion de vivre six ans parmi les multiples peuplades qui habitaient à l’époque au sud du Texas.

Au début, pendant six mois, cette expédition dans les terres américaines ne se passe pas beaucoup plus mal qu’on pouvait l’espérer. Pas beaucoup de nourriture et des autochtones apeurés et donc, la plupart du temps, hostiles. Quelques morts. Puis, les 250 hommes encore vivants décident de construire cinq embarcations et de longer la côte. A partir de là, rien ne va plus, les cinq embarcations sont séparés et celle de Cabeza de Vaca échoue sur une île qu’il nomme « Ile du malheur ». Ces conquistadors deviennent plus misérables que les indiens, en sont réduits à s’entredévorer et meurent les uns après les autres à cause de la famine, la maladie, la fatigue. Cabeza de Vaca, qui très vite se retrouve seul, commence à observer les rites, les mœurs et les coutumes des indiens. Il vivote ainsi pendant six ans, soit du commerce, soit comme esclave. Et quand il retrouve ses trois compagnons, il apprend que tout le reste de l’équipage est mort. Ces quatre derniers rescapés décident alors de traverser le continent pour retrouver les chrétiens espagnols. Peu à peu, grâce à un subtil mélange de talents et de miracles, ils passeront auprès des indiens pour des guérisseurs et des fils du soleil.

Un récit vraiment passionnant à lire. Cabeza de Vaca, dans ces observations sur les indiens, n’a aucune raison de mentir ; ces descriptions sur la faune et la flore, qu’il ne connait pas, sont faites avec les mots dont il dispose. A part les résurrections de morts et les guérisons de paralytiques, le récit semble vrai (mais tout est sincère d'une certaine façon : le fantastique faisait parti de la vie de tout le monde à cette époque, pas seulement des indiens; les conquistadors partaient à l'aventure aussi pour trouver des cités d'or ou des fontaines de jouvence). Ce livre a été écrit pour Charles Quint, dans le dessein de l’informer, et l’auteur finit par suggérer à l’empereur de se montrer bienveillant avec les Indiens.
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Relation de voyage

C'est le premier carnet de voyage que je lis et ce style d'ouvrage me plaît beaucoup. C'est dépaysant et c'est très intéressant d'avoir un point de vue qui date d'une époque aussi lointaine.

Toutefois ça manque de description, je trouve que l'auteur énumère parfois des faits sans vraiment rentrer dans les détails et passe une coq à l'âne ce qui fait que parfois je me perdais un peu entre toutes les tribus et les noms espagnols à ralonge. il aurait aussi fallu une carte pour que l'on puisse mieux situé où se trouvait l'auteur.
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Relation de ses deux voyages aux Indes

Aventure passionnante à rapprocher du film "Cabeza de Vaca".
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Relation de voyage

La conquête de l'Amérique par les Espagnols évoque immanquablement des figures comme celles de Cortés ou de Pizarro : conquistadors n'ayant pas hésité à user de la force pour asservir les populations autochtones et étant allés jusqu'à les éradiquer en cas de résistance.



Par rapport à eux, Álvar Núñez Cabeza de Vaca est l'anti-héros, grand humaniste, explorateur et ethnologue par la force des choses ; au cours d'une traversée en dix ans de l'Amérique du Nord, il démontre à l'envi que des êtres humains de civilisations totalement différentes peuvent non seulement cohabiter, mais aussi apprendre à se connaître et s'entraider.



le voyage de Magellan 1519-1522 d'Antonio Pigafetta précède de cinq ans seulement le début du récit de Cabeza de Vaca. le 9 août 1537, débarquèrent à Lisbonne les seuls quatre rescapés d'une expédition de quelque six cents hommes partis le 17 juin 1527 de l'embouchure du Guadalquivir. L'auteur rend compte à son souverain (Charles Quint) de son inimaginable aventure, de toutes les souffrances qu'il a dû endurer et de toutes les observations qu'il a pu faire.



L'image que l'on nous a donnée des premiers habitants de l'Amérique a été très fortement influencée par les récits épiques que nous ont rapporté les envahisseurs ; souventes fois le western privilégie le combat et les armes à feu sans permettre d'entrevoir comment vivaient les "Indiens". De là notre regard déformé sur les populations qui ont réussi à survivre dans un environnement horriblement défavorable. L'odyssée (oui, on peut parler d'odyssée) vécue et relatée par Cabeza de Vaca vient corriger cette perspective biaisée.



Dépouillé de tout, nu comme un ver et le plus souvent affamé, l'Espagnol va devenir l'esclave d'un clan indien. Son obsession est d'atteindre l'autre mer, celle qui s'appelle encore la "mer du Sud" bien que déjà baptisée "Océan Pacifique" par Magellan. Entre les deux océans, 7 000 km de marche vers l'Ouest... Il faut passer du territoire d'un clan à celui du clan voisin, souvent ennemi. Comment s'y prendre ? Vous le découvrirez dans ce récit défiant l'imagination.



Voilà l'anti-conquistador que je vous invite à rencontrer : il est revenu totalement dépouillé de tout bien matériel, mais enrichi d'une expérience absolument unique qu'il eut l'excellente idée de consigner par écrit.
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Relation de ses deux voyages aux Indes

Le récit de son naufrage et de son existence d'esclave chez les Amérindiens du Golfe du Mexique, est hallucinant. Reconnu comme guérisseur et chamane, il passe de tribu en tribu car il est très demandé. Il finit ainsi par arriver à proximité de terres occupées par les Espagnols dans le Nord-Est du Mexique. Lui s'en sort donc finalement mais les tribus indiennes qu'il a nommées et parmi lesquelles il a vécu disparaîtront très vite presque totalement. Victimes surtout d'épidémies causées par les virus apportés par les Européens.

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