La construction du récit n’étonnera pas les lecteurs d’Indridason, l’enquête sur le meurtre de la vieille dame n’est que la face émergée de l’iceberg, et cette partie du récit se fait discrète, servant surtout à dérouler ce qu’Indridason préfère écrire, c’est-à-dire du roman noir, du roman qui parle de la société islandaise surtout et de ses travers.
En bonne touriste que je suis, j’idéalise complètement ce pays et j’imagine ses habitants vivre dans une sorte de monde merveilleux loin de toute déviance sociétale. Que nenni. Comme dans tous les autres pays du monde, l’Islande a aussi son lot de travers et de pourris : drogue, anti-avortements, violences en tous genres. Les scènes de violence ne sont pas légion chez Indridason, il y a une certaine pudeur chez les islandais à écrire de la violence. Elle est plutôt évoquée, suggérée, au détour d’une phrase, ou lors de révélations faites par les personnages, on la ressent aussi dans les émotions qui les animent, et qui finissent forcément par atteindre le lecteur. C’est là que se joue la magie Indridason, et ce qui le différencie des autres auteurs, c’est cette noirceur des sentiments, ce spleen constant et cette mélancolie qui trouveront forcément écho en chacun d’entre nous.
Indridason semble être obnubilé par le passé et les conséquences qu’il peut avoir sur nos vies. Chacun de ses romans évoque ce thème, à chaque fois une partie de l’intrigue se déroule dans un passé vieux de plusieurs décennies, souvent dans les années 60 ou 70. C’était le cas avec sa série Erlendur, c’est à nouveau le cas avec la série Konrad. C’est rarement joyeux, autant vous le dire.
Les chapitres courts contrebalancent une intrigue lente et qui prend son temps, les allers-retours entre passé et présent donnent une dynamique intéressante au récit même si on se sent parfois un peu perdu, la date et les lieux n’étant pas mentionnés en début de chapitre. On s’y fait rapidement mais ça peut être déroutant par moment.
Il m’est impossible d’imaginer Konrad sans y voir des réminiscences d’Erlendur, son personnage fétiche présent dans son autre série. Tous deux passablement complexes, pas franchement sympathiques de prime abord, carrément sauvages par moment, on comprend au fur et à mesure du temps et des tomes de la série qu’ils portent en eux de profondes souffrances qui ont contribué à faire d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. Toujours avec la même pudeur, l’auteur nous immisce dans leur vie et dans leur tête afin qu’on comprenne toutes les subtilités de leurs personnalités. C’est ça aussi la force des romans d’Indridason, des personnages humains, souvent en proie à une certaine dualité.
Le mot de la fin
Ce roman est, peut-être encore plus que ses précédents, empreint de mélancolie, le poids du remords et de la culpabilité qui pèse sur certains des personnages est terrible, et il en ressort un ouvrage poignant et rempli d’humanité.
Un ouvrage qui pourrait être lu aussi bien par les amateurs de littérature noire que par les lecteurs de littérature générale grâce à sa consonance très littéraire, rendue possible grâce à la traduction toujours impeccable d’Eric Boury dont je tiens, à nouveau, à saluer le travail.
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