Citations de Éric Rondel (33)
Samedi 16 septembre
2nd Infrantry Division : Devant la réduction de la résistance allemande dans Brest, la 2nd Infantry Division devient maîtresse de la gare, et annule toute opposition à l’extérieur des murs. A 19h00, des éléments du 3rd Battalion du 9th Infantry Regiment entrent dans la ville par le nord-ouest et, vers 23h35, ils sont entièrement à l’intérieur des murs de la vieille ville. Le 2nd Battalion entre à 23h00.
Dans ce petit monde de délinquants en bottes de caoutchouc grouillant la nuit sur les bords de la rivière, des drames se nouent parfois. Et de simples bagarres commencées pour un motif futile mais souvent attisées par de trop grandes quantités d’alcool, peuvent aller jusqu’à l’élimination pure et simple d’un concurrent, volontaire ou non. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir un cadavre dériver jusqu’au barrage de la Rance, .
Certaines nuits, de décembre à mars, quand les marées régulées par le barrage de la Rance sont propices, les braconniers de civelles de la région dinannaise et malouine s’en donnent à cœur joie tout en s’assurant de sérieux revenus exempts d’impôts.
Des trafiquants de civelles bien expérimentés qui n’ont pas froid aux yeux, bien équipés et surtout prudents, peuvent se faire plusieurs milliers d’euros en une soirée grâce à la capture de ce caviar local ; ce qui n’est pas si fréquent dans le monde fade de la légalité.
Certains de ces pêcheurs, qui sont parfois lourdement armés pour se défendre contre d’éventuels concurrents agressifs, ne se laissent pas facilement déposséder de leur fortune et disposent de tout un réseau de sentinelles guettant le moindre képi de gendarme approchant des lieux de capture.
Mais si la pêche interlope de l’alvin d’anguille a de quoi attirer la convoitise des pirates d’eau saumâtre, elle peut aussi aiguiser des convoitises et des jalousies entre malfaiteurs.
(...) on le sait, pour l’humain, l’interdit est excitant, surtout quand le gain escompté en retour promet d’être important.
Et c’est probablement ce qui devait motiver nos deux mystérieuses silhouettes.
Malgré tout, ces perspectives de gain rapide ont de quoi motiver les braconniers. Seulement voilà, pour éviter une destruction en masse de cet écosystème extrêmement fragile, la pêche légale à la civelle est rigoureusement réglementée par les autorités et les autorisations administratives sont données au compte-gouttes. Mais, on le sait, pour l’humain, l’interdit est excitant, surtout quand le gain escompté en retour promet d’être important.
Elles sont si recherchées par les Chinois qui en font l’élevage que, vivantes, elles peuvent valoir jusqu’à mille euros le kilo. Mortes, elles ont aussi une valeur pour les Espagnols qui en raffolent, mais leur prix de revente, tout en restant élevé, est plus modeste.
Ces fameuses civelles surnommées l’or blanc des estuaires, simples alvins d’anguilles, sont de minuscules bestioles d’un blanc laiteux, presque transparentes, qui font saliver tous les écumeurs de rivières avides d’argent facile.
La deuxième théorie, plus prosaïque, mais probablement plus proche de la vérité, avancée par des mécréants qui sont aussi nombreux que les premiers : de vulgaires braconniers en pleine action entre le pont de la D57 et le barrage du Châtelier, exerçant leur art illégal à quelques mètres de la passe à civelles.
La première, émanant des superstitieux qui sont encore nombreux en Bretagne : une vision classique des passeurs d’âmes assurant le service de la barque des trépassés transportant le dernier défunt de la nuit vers son juge suprême.
Pour des non-initiés aux traditions locales, juchées sur les flots comme par magie, ces silhouettes mystérieuses qui accompagnaient les feux follets dans leur ballet nocturne, pouvaient faire peur. Pour d’éventuels locaux témoins de la vision, il y avait deux hypothèses logiques à cette apparition presque surnaturelle.
En regardant bien vers ces points lumineux toujours en mouvement, qui suivaient inlassablement à chaque aller-retour la même route le long du barrage entre la berge et le mur de l’écluse qui marque l’entrée dans le canal d’Ille-et-Rance, une vue perçante, comme celle d’un chat retour du sabbat au menhir de la Tiemblaye, aurait entrevu deux contours à formes humaines se découper dans les ténèbres et flotter entre ciel et eau.
Les bords de Rance
de nos jours.
Dans la nuit d’encre d’un début décembre glacial balayé par un vent d’Est annonciateur de neige, deux lueurs blafardes se baladaient parallèlement et sans bruit à quelques mètres du barrage du Châtelier, dans les eaux calmes et montantes de la Rance maritime. Elles naviguaient silencieusement, tantôt vers La Vicomté, rive droite, tantôt vers Saint-Samson, rive gauche. On aurait dit les yeux phosphorescents de quelque serpent de mer géant emprisonné dans un filet invisible, cherchant désespérément une issue vers la liberté.
Depuis l’époque de ce quintuple assassinat, la petite plage qui se trouve devant la maison du crime et dont le quotidien n’est plus rythmé par le va-et-vient des marées naturelles de la Manche mais par celles artificielles du barrage, est surnommée L’anse de l’Egorgerie.
Et c’est là que va se dérouler cette histoire.
D’autres thèses encore plus farfelues peuvent circuler chez des auteurs imaginatifs comme des complots politiques ou religieux… Connaitra-t-on jamais la vérité ? Les faits sont si loin, qu’à moins d’un fait nouveau surgissant comme par miracle des couloirs du temps, j’en doute.
On a aussi parlé de simples brigands écumant les campagnes…
On a aussi raconté que le passeur était lui-même un contrebandier et qu’il avait été exécuté par ceux à qui il devait de l’argent.
On a dit aussi que, la veille du crime, le batelier avait surpris des gens à jeter un sac à forme humaine dans la Rance et que c’était celui d’une jeune fille probablement enceinte dont les parents voulaient éviter le scandale.