« Un peu »
bonheur ? – « Un peu »
béatitude – « Un peu » :
ô murmure : comme vent – du soleil :
de pain – un peu… et de lumière du jour… –
et du petit bruit des hommes
comme d’une nourriture – pour la Mort prête… –
que nous la rencontrions paisiblement
comme si nous étions tous toujours sur tout seuil –
en fraternelle souffrance… –
ô notre liberté !… – lueur d’âme :
simple :
« Un peu »
1975
/traduit du russe par Léon Robel
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c’est
l’Unique Niveau :
plus haut – dispersés, parlant, finissant de chanter
plus bas
finissant de parler à la Main (et crier) – une telle
Trinité
dans la chaleur torride –
(car
Au mileu – est la Main) –
dans la ville d’aubépines (ou béantes toujours
furent
dans ces ruelles-et cris
aux
bouches noires) –
et – de nouveau
s’introduit l’enfantine
pauvre danse-semblance
sans personne :
Ha - aï - ïaia –
(pas même un spectre d’air) –
ô : A oum...-
/Traduit du russe par André Markowicz
PHLOX DANS LA NUIT DE BERLIN
[à g.a]
et si c’était de mon esprit
que tombait sans qu’il y paraisse toute ma vigueur !
quand dans le halo de faiblesse de ma dite « âme »
crient-et-chantent des villages-brouillards
où de soleils, comme s’ils étaient vivants,
s’attristent – énormes– lointains ! –
parmi leur traînes
(ainsi – le buisson : comme à l’écart de la Patrie :
je ne saurais la dire « mienne »
tremble )
1992
/traduction du russe par Clara Calvet et Christian Lafont.
Le dernier départ
(Wallenberg à Budapest : 1988)
1
cette
cette
figée de frissons (dérisoire fantôme
de quelque éternité)
bouche aux dents noires
du prunellier simple
qui d’une main – la même toujours – solitaire s’éloigne :
à distance – la même
(à côté
là
dans la ruelle) –
c’est une ville d’aubépines – août
Quatre-Vingt-Huit – son centre évident,
cette – unique et omnihumaine –
main – c’est depuis très longtemps
la Simplicité aussi simple
d’une éternité miséreuse-simplette : comme
les petits souliers vieux
dans les Cons-tructions Éternelles
pour
les Cheveux et les Fours...–
/Traduit du russe par André Markowicz
UN RÊVE – LES FORMES DE ARP *
elle a tressailli
la blancheur du sommeil – par le réveil
de ces forces sans formes sans noms –
– et ce fut comme si pomme soleil colombe
quelque part apparaissaient et faisaient tapage –
puis un matin interminable
dans un champ sans villes sans forêts
se consuma de ses paysages intérieurs –
1985
* Poème écrit à la demande de la société des amis de Jean Arp (1887-1966), pour son 100è anniversaire.
/traduction du russe par Clara Calvet et Christian Lafont.
GRONDEMENTS – À LA SUITE
partout – le malheur gronde !
comment – l’endurer ? –
que tu croies ou que tu ne croies pas – qu’il en soit ainsi ou
qu’il en soit autrement
que la volonté de Dieu soit (ou celle de ta propre fatigue) –
qui ou quoi que nous soyons – que nous sombrions ou pas
dans les gouffres ! – qu’il nous soit donné
trouver refuge dans les interstices –
par ce qui nous est propre et nous apaise ! ... –
que tu tressailles encore – toujours plus détruit –
(et ce dès aujourd’hui...– sans répit).
/traduction du russe par Clara Calvet et Christian Lafont.
Le Temps
spectralement-charogne – est devenu
(oh, pas trop tôt)
minute pour accopagner
la depuis longtemps
– la Depuis-longtemps infinie… –
(… ils c h a n t e n t …) –
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depuis toujours
l’air, on dirait, et la lumière –
ce miroitement :
toujours la même
main...–
depuis longtemps
ayant fait ses adieux à ce Ciel sans parole
interminablement descend dans le ravin
et bénissant la ter-ri-fiante
Terre – elle, en tant que Grenier (ô tant et tant j’en sais
à croire
par l’Univers-Sommeil) –
humide
de la vapeur invisible du sang –
(là, près de moi – remontent
suant
les collines mouvantes
sur les plaines très loin – avec les dos
- bribes-guenilles-priant-le-vent-seul...-
et ne bougeront plus depuis longtemps
se taisent tels la main – et jamais plus
ne tremblera
la main) –
ils sont partis les trains :
ô : Haï – ïa...
A-a - oum...-
Le Temps
spectralement-charogne – est devenu
(oh, pas trop tôt)
minute pour accompagner
la depuis longtemps
– la Depuis-longtemps-infinie... –
(...ils chantent...) –
/Traduit du russe par André Markowicz
Jour d’été
C'est l’été. Toute la beauté du monde
Peu à peu se diffuse…
Mais le cœur, est-il bête !
Bat plus fort qu’au printemps.
Les jours d’été préludant à l’automne
Sont plus ardents que les jours printaniers.
Le cœur qui a beaucoup souffert
Aime plus fort que les cœurs jeunes.
Iraïda Petrova-Nars
Le dernier départ
(Wallenberg à Budapest : 1988)
1
ce
ce
plus personne... – sur l’avis de la poste : commun
et unique
et accompli depuis longtemps
dernier départ –
comme un monde arrêté
(demeure – à celui qui demeure
l’humidité fripée
longue
– là sur le cou les revers et les manches –
du long
vieillissement des yeux – ces yeux, leur multitude) –
…
/ Traduit du russe par André Markowicz