AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.05/5 (sur 11 notes)

Nationalité : Albanie
Né(e) le : 04/09/1958
Biographie :

Besnik Mustafaj (né le 4 septembre 1958), est un auteur et homme politique albanais. Ministre des Affaires étrangères de l'Albanie du 11 septembre 2005 au 24 avril 2007. Il fut ambassadeur de l'Albanie en France.

Actes Sud a publié en France certains de ses écrits. Dans ses il poursuit la dénonciation d'un régime qui a marqué toute une génération.

Ajouter des informations
Bibliographie de Besnik Mustafaj   (6)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Et là, tout en affectant de le trouver aussi franc qu'il devrait l'être, et de lui donner raison lorsqu'il disait que tout doit être mis en commun entre les gens qui s'aiment, qu'on doit à tout prix partager les joies comme les peines, elle ajoutait: Laisse tomber la romance! Arrête de parler comme un livre ! Chacun a son domaine personnel, des pensées intimes qui n'ont de valeur que si on les garde cachées au fond de son esprit. Qu'on les exprime, même dans un moment de communion totale entre amoureux, et elles se changent en banalités. Mais là, il n'est pas question d'intimité, reprenait l'autre voix, il est question de peine, de tourment. On sait bien que les tourments s'allègent quand on les confie à quelqu'un, à quelqu'un qu'on aime. N'est-ce pas?
Commenter  J’apprécie          50
En exergue du roman

____________________________


J'ai frôlé la mort

J'ai frôlé la mort
On a croisé nos regards, la mort et moi

Ne me demandez pas comme elle était
Ne cherchez pas son portrait !
Je peux dire seulement :
Elle était terrible
Et n'avait rien de romantique

O vie, mon amour, jamais tu ne vieilliras !
Je coucherai chaque nuit dans tes bras
Et toi au matin tu me feras des enfants
Des enfants. Beaucoup d'enfants rassemblés le soir autour de moi
Pour que je leur raconte
Comment les Troyens ont incendié le cheval de bois des Grecs
Avant même qu'il marche sur la ville
Comme Ulysse a rendu l'âme dans des cris de désespoirs et des pleurs
Pire qu'Achille
Quand a été déjoué sa ruse

Pour que je leur raconte la grande fête
Des poissons dans l'eau et des chamois dans les forêts
En voyant comment du premier coup
j'ai frappé et lissé sans souffle la bureaucratie

O vie, mon amour, jamais tu ne vieilliras
Je coucherai chaque nuit dans tes bras
Et toi au matin tu me feras des enfants
Des enfants qui détourneront la puissance atomique
Pour réchauffer leurs maisons
Des enfants qui changeront en musées médiévaux
les prisons
Et contre le SIDA découvriront un vaccin

On a croisé nos regards la mort et moi. C'était terrible.
Si terrible qu'après lui avoir échappé
La vie m'apparue plus courte

Et plus périlleuse que ce que m'avaient conté avant
Tous les cultes, démagogies et mythes inventés
Qui rendent factice la vie, déjà si courte.
Commenter  J’apprécie          40
En passant et repassant dans sa tête tout ce qui arrivait, une autre supposition, plus plausible, naquit en lui. La blague, qu'il n'osait plus appeler blague, mais qu'il ne savait comment nommer, avait bien sûr été écrite ici, dans son village, et portée au loin d'un bureau à l'autre, pourquoi pas jusqu'à Tirana. Jusqu'à Tirana certainement. Et elle n'avait pas été portée comme la blague immature d'un instituteur débutant avec de jeunes enfants. Les détails "plumes cassées", "taches d'encre sur les pages d'écriture", "bouleversement d'une petite fille", etc., avaient été mis de côté. Ce qu'il était nécessaire de souligner, c'était que l'instituteur M.B., un simple fils du peuple, ancien soldat exemplaire de la garde républicaine, soupçonnait que quelqu'un à Tirana tramait une activité ennemie. Cela seulement avait suffi à attirer l'attention des principaux dirigeants du Parti sur ce grand problème. Finalement, c'est tout ce qu'on demande au peuple. Puis les investigations pour trouver les coupables avaient été de toute évidence plus faciles et avaient été accomplies par des gens du métier.
Commenter  J’apprécie          40
La recherche silencieuse de ces expressions m'avait conduit tout droit vers des analyses politiques étonnantes, qui sûrement ne m'auraient jamais traversé l'esprit hors la prison. (...) Une des opérations les plus dangereuses que la dictature eût effectuée pour perpétuer sa domination se trouvait dans la langue nationale. Lentement, sans beaucoup d'ordres, ni de lois déclarées, je dirais en cachette, elle agissait depuis des années pour dépouiller le langage quotidien des mots qui touchent et dévoilent l'âme. Les discours pompeux du DIRIGEANT avaient envahi les uns après les autres les chansons, poèmes, les rédactions scolaires des enfants. Et c'était la voie la plus appropriée pour investir, sans attirer trop l'attention, les conversations entre parents et enfants, entres amants, entres amis. Leurs sentiments les plus personnels, la compassion, l'amour, la tristesse, leurs tourments les plus profonds. Tout ce qui fait de l'homme un homme deviendrait peu à peu muet. Et mourrait, comme meurent tard en automne les fleurs, de l'étiolement du soleil. Juste le temps de passer une génération à l 'autre et l'homme ne serait plus muni en lui-même des moyens nécessaires à l'épanouissement de ses sentiments. Ce serait l'homme nouveau. La catastrophe. On n'entendrait plus, tard dans la nuit, les voix désolées des femmes qui murmuraient dans le silence des petits appartements "s'il te plaît soit un peu plus rêveur!" Les voix des femmes seraient autoritaires, sévères : Fais ton autocritique je te dis!
Commenter  J’apprécie          30
J'ai maintenant une raison encore plus forte d'être indésirable par la police et les procureurs : je me connais moi-même. Il est donc naturel que les jugements des autres ne concordent pas. La tâche était de savoir me construire dans le future une existence sûre en accord avec ma morale, tout en louvoyant avec l'opinion des autres. Définir de qui je devais me défendre par le silence, qui je devais attaquer impitoyablement, et à qui je pouvais ouvrir mon coeur.
Commenter  J’apprécie          40
Tous savaient que la récolte avait été maigre. Nulle part les plans fixés n'avaient été atteints. Le ministre avait fait son autocritique pour la sécheresse qui avait duré plus de cent jours et il avait déchargé toute la responsabilité sur celui à qui elle incombait : l'inspecteur en chef de la culture du maïs à la direction des Céréales.
Commenter  J’apprécie          40
Pourtant je n'aurais pas dû oublier comme je le fis que six mois avaient suffi maintenant à aiguiser inconsciemment en moi la méfiance. Je ne pouvais détourner sa domination malgré mes efforts. Je ne me suis jamais distingué par une volonté forte. Mais je me doutais que la même crainte pût atteindre aussi les autres, ceux qui se vantaient d'être imbrisables. En prison, tous sont brisés. Tous accomplissent l'identique geste des mains quand la police leur passe les menottes. La privation de liberté fait disparaître le mythe de l'homme imbrisable. Seule l'expression de leurs visages change, et c'est l'unique marque qui permet de distinguer les héros des victimes. Briser un héros n'est pas comme briser une victime car, dans leur vie respective, rien n'est semblable. Mais à cause des uniformes identiques qu'ils portent provisoirement, et à cause du petit nombre de héros par rapport à la grande masse de victimes, leur distinction ne se devine pas au premier coup d'oeil. Elle exige de l'attention. Mais c'est très important. Autrement, un jour ou l'autre, les victimes peuvent se placer par la force ou la ruse sur un piédestal de héros et là non seulement ternir l'égard pour les deux parties, mais aussi créer une confusion, un bouleversement, un dérèglement désastreux de toute la société. (...) Parmis toutes les psychologies de groupes sociaux, il me semble que celle des prisonniers politiques est la moins connue. Ou la plus mal connue. Je n'ai pas vu étudier souvent quels changement subit l psychologie des hommes après l'emprisonnement. Est-ce par oubli ou par indifférence ? Ou plus grave ? Bref : les anciens prisonniers politiques sont nécessaires pour leur mythe, mais non pour leur réalité. On en parle beaucoup, particulièrement après le renversement des dictatures, du rôle des prisonniers politiques comme flambeau de la démocratie, développant un pathos qui met en évidence leurs mérites et décrit leurs souffrances plus terribles que les souffrances de Jésus-Christ crucifié. Mais c'est trop rare de rencontrer quelqu'un qui demande : jusqu'à quel point le cerveau humain est-il touché par la rouille que sécrète nuit et jour la cellule de prison, sur les barreaux des fenêtres,
les pieds des lits, les portes et même les aiguilles qui servent à raccommoder les vêtements ?
Commenter  J’apprécie          20
— Vous me prenez pour un fou parce que je l'insulte pas le pouvoir et le Parti. Vous vous trompez. Il y en a qui n'ont pas perdu la tête et qui n'insultent pourtant pas la politique de l'État. Tu m'as compris ? Pourquoi faudrait-il que seuls ceux qui parcourent les rues avec un tambour de papier suspendu autour du cou et qui insultent le pouvoir aient leur tête en règle ? Même parmi nous qui ne proférons pas d'insultes, il y a des sains d'esprit. Voilà, toi qui ne profères pas d'insultes, tu ne te plains jamais, par exemple, d'être fou ?

Le jeune restait figé, les épaules basses. Sh. K. se calma un peu et se mit à expliquer au garçon que les ennemis étaient devenus très rusés et utilisaient la folie pour justifier la propagande contre le pouvoir populaire. Le Parti avait bien compris cela et ne tombait pas dans le piège. Les véritables fous, ce sont ceux qui louent tout le temps le régime, ça se sait maintenant. Mais ce serait une grave erreur de prendre pour fous tous ceux qui ne profèrent pas d'insultes...
Commenter  J’apprécie          20

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Besnik Mustafaj (21)Voir plus

Quiz Voir plus

Adjectifs qui n'en font qu'à leur tête😋

Un bâtiment qui n'est plus une école

Une ancienne école
Une école ancienne

12 questions
119 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , adjectif , sensCréer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}