C'est une caractéristique des orphelins, qu'ils conservent adultes, comme une force qui se manifeste dès qu'ils sont confrontés à une difficulté: il s'acharnait, même battu ou privé de repas.
Cette chose complètement oubliée depuis plus de vingt ans, il se l'était rappelée la nuit précédente. Il était à la recherche d'une chose dont il ne se souvenait même pas. L'effet de l'alcool avait finalement réveillé ces microbes purulents, cette autre face de lui-même enfouie sous la monotonie de la vie quotidienne et la tranquillité apparente, comme sous une nouvelle peau qui aurait recouvert la cicatrice, effaçant toute trace. Il sentit en lui plusieurs existences qu'il ignorait. Il n'y avait pas une vie, une hypothèse, une conclusion uniques. Mais ce n'était que maintenant qu'il en découvrait une autre.
Il avala trois verres de fort whisky, l'alcool qu'on boit seul dans le silence de la nuit. Il croyait que cet alcool pourrait l'aider à affronter avec calme le jaillissement de la tristesse ou le bouillonnement de la colère, tout comme le désir et l'amour.
"Il allait à la rencontre de son Moi de la nuit précédente. Il pouvait sentir en lui plusieurs vies dont il ne soupçonnait pas l'existence. Il n'y a pas une vie, une hypothèse, une conclusion unique [...] ce n’était que ce jour-là qu'il se trouvait confronté à l'une de ses multiples existences."