Le Salon dans tes oreilles - S1E03 - Confidences d'écrivaine, avec Christine Michaud
Si le Petit Prince était parmi nous aujourd'hui, que souhaiterait-il nous enseigner? Dans le cadre de ces confidences d'écrivaine, Christine Michaud revient sur les dix grands thèmes qui jalonnent tant son ouvrage que notre vie. Son livre, le Petit Prince est toujours vivant, guide les lectrices et lecteurs vers une existence plus consciente et féconde, et nous insuffle la force de faire de notre vie une source d'émerveillement. Il est également un hommage vibrant à l'oeuvre de Saint-Exupéry, dont on célèbre en 2020 le 120e anniversaire de naissance.
Avec :
Christine Michaud, autrice
Julie Niquette, animatrice
Livre :
Christine Michaud et Thomas de Koninck, le Petit Prince est toujours vivant, ÉDITO.
https://www.salondulivredemontreal.com/livres/le-petit-prince-est-toujours-vivant
Le Salon dans tes oreilles est un balado issu des entrevues, tables rondes, et cabarets enregistrés dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2020. Écoutez des auteurs, autrices et personnalités parler de livre, de lecture et d'écriture et échanger autour des cinq thématiques suivantes: le Féminisme, la Pluralité des voix, 2020, et après?, Récit et inspiration et Famille et enfance. Bonne écoute!
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Retrouvez la version vidéo ici : https://youtu.be/zlFeFcmgUU4
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Aujourd'hui l'insignifiance criminelle s'universalise et pénètre partout. Le principal obstacle aux « réformes » de l'éducation qu'on ne cesse d'annoncer et d'entreprendre avec plus de pompe que de succès en nos pays occidentaux favorisés est cette nouvelle ignorance qui imprègne la culture ambiante. La plupart du temps l'école, les différentes institutions d'enseignement ou de savoir et les gouvernements viennent trop tard ou sont atteints du même mal, comme peuvent l'être déjà les familles.
Il importe d'éveiller chez l'élève la passion de connaître, le sens de l'urgence des questions de fond, en attirant, suivant un ordre réaliste, son regard d'être pensant vers des réalités dignes de lui, et en l'instruisant des arts qui lui seront utiles afin de pouvoir mieux penser par lui-même. Newman osait avancer même que « l'auto-éducation sous n'importe quelle forme, au sens le plus strict, est préférable au système d'enseignement qui, tout en professant tellement, fait en réalité si peu pour l'esprit ».
(La nouvelle ignorance et le problème de la culture)
Plutarque faisait observer qu'une majorité de gens croient qu'il importe d'abord d'apprendre à parler alors qu'on doit apprendre à écouter pour commencer, et à écouter de manière attentive, active. Une participation active de l'étudiant à l'enseignement est en ce sens indispensable à tout apprentissage ; savoir bien interroger, après avoir écouté, est un art essentiel, qu'on doit apprendre également. L'esprit humain n'est par comparable à un vase qu'on remplit, mais bien plutôt à une matière combustible qu'une étincelle peut enflammer. Se contenter d'admirer passivement une raison à l'oeuvre est comme aller chez le voisin pour lui emprunter de quoi allumer un feu chez soi, puis préférer ensuite se réchauffer longuement devant son feu à lui. C'est au contraire sa propre originalité ainsi que son propre désir de penser et de découvrir le vrai qu'il importe d'éveiller.
La manipulation des signes et des symboles, par les grands médias, les sondages et la publicité, assure un nouveau contrôle des esprits, qui rend insolite et impossible à entendre toute évocation de ce qui contredit le consensus non critiqué qu'elle génère.
[...] cette exhortation d'Alain [dans Vigiles de l'esprit] :
Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil ; et, s'ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système, ni un lit. Ne vous lassez pas d'examiner et de comprendre. [...] Lisez, écoutez, discutez, jugez ; ne craignez pas d'ébranler des systèmes ; marchez sur des ruines, restez enfants. [...] Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui vous avez compris, en l'écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l'aune, et que les conclusions ne sont pas l'important ; rester éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n'est point mort ; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s'asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n'est point mort ; Socrate n'est point vieux. [...] Toute idée devient fausse au moment où l'on s'en contente.
Chaque être humain a en lui une infinité qui se montre quand on se situe dans l'écoute.
« Noblesse, dignité, grandeur »… ces termes, j’ai crainte et presque honte à m’en servir, tant on abusa d’eux sans vergogne. Extorqués comme ils sont aujourd’hui, on dirait presque des mots obscènes ; comme, du reste, tous les mots nobles : à commencer par le mot vertu. Mais ce ne sont pas les mots seuls qui se sont avilis, c’est aussi ce qu’ils veulent dire : la signification de ces mots a changé et leur dévalorisation ne fait que rendre flagrante la faillite générale de ce qui nous paraissait sacré : de ce qui nous invitait à vivre, de ce qui nous sauvait du désespoir.
André Gide
Apprendre à éprouver l'extraordinaire beauté de la vie de l'esprit et la délectation correspondante, en mathématiques ou en poésie, par exemple, est un fruit naturel de l'éducation dont on n'a nul droit de priver ceux qui les attendent, parfois à leur insu. Donner un sens étroitement utilitaire au droit universel à la culture est non seulement une contradiction dans les termes, mais une insulte à l'humain, à la liberté.
Partout on semble pressentir que c’est dans le dénuement que l’humain se révèle le plus clairement et impose aux consciences sa noblesse propre – celle de son être, non de quelque avoir. Chez les anciens Grecs, la parole du vieil OEdipe, aveugle et en haillons, pratiquement abandonné, l’exprime on ne peut mieux : « C’est donc quand je ne suis plus rien, que je deviens vraiment un homme. »
La complexité de l'être humain fait que le concept de normes est, dans son cas, dépourvu de sens. L'apport de celle ou de celui qui s'éloigne le plus de la moyenne peut être d'autant plus important. La réussite immédiate est rarement celle qui fait progresser. Elle n'est même guère conforme aux lois naturelles, telles du moins que nous commençons à les entrevoir.